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Commentaire de l'arrêt ferrazzini

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Par   •  26 Novembre 2017  •  Commentaire d'arrêt  •  2 172 Mots (9 Pages)  •  2 053 Vues

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Commentaire de l’arrêt Ferrazzini c/Italie 12 juillet 2001 CEDH.

   L’article 6§1 de la Convention européenne et Droit de l’Homme, garantit à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement, en vue de décider des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ou du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. La question de l’applicabilité de l’article 6§1, volet civil, a connu une jurisprudence constante relative aux contentieux fiscaux. L’arrêt Ferrazzini présente toutefois un intérêt particulier. C’est en effet la première décision rendue par la nouvelle Cour issue du Protocole n° 11.

   

   Dans les faits, le requérant, de nationalité italienne, avait constitué en Italie une société ayant pour objet l’accueil de touristes dans un environnement agricole et lui avait transféré dans ce but des terrains, des immeubles et des liquidités. La loi fiscale italienne prévoyant une réduction de taux pour les impositions applicables à ces opérations (droits d’enregistrement, taxe hypothécaire et droits de mutation) lorsque les biens transférés peuvent être considérés comme des biens typiques de sociétés à vocation agricole, la société estima pouvoir en bénéficier et ne paya alors que la somme qu’elle estimait due. L’Administration fiscale italienne considéra cependant que lesdits biens, qui comprenaient notamment une piscine et un court de tennis, ne pouvaient entrer dans cette qualification et notifia deux avis de redressements assortis d’une pénalité de 20 %.

   

   La Commission fiscale de première instance fut saisie, mais rejeta, pour les mêmes motifs, la demande de réduction des impositions de la société. L’appel formé devant la Commission fiscale régionale ne lui permit pas davantage d’obtenir gain de cause. Le requérant, agissant au nom de sa société, saisit alors la Cour européenne des droits de l’Homme d’un grief tiré du non-respect de la garantie de délai raisonnable prévue à l’article 6§1 de la Convention.

   

   Le Gouvernement estime que l’existence d’une obligation fiscale d’un individu à l’égard de l’État ne relève que du domaine du droit public en ce que, notamment, cette obligation fait partie des obligations civiques normalement imposées aux citoyens dans une société démocratique. De l’autre, le requérant prend principalement appui sur l’aspect patrimonial de ses demandes et considère en conséquence que les procédures portent sur des « droits et obligations de caractère civil ».

   

   La question qui se pose ici est donc de savoir si : l’obligation fiscale du contribuable à l’égard de l’État porte-t-elle sur des « droits et obligations de caractère civil » ? Consécutivement, le contribuable peut-il bénéficier de la protection accordée par l’article 6§1 qui prévoit le droit à un procès équitable ?  

   

   La Cour européenne des Droits de l’Homme répond par la négative et par une décision de fond, conclut au défaut d’applicabilité de l’article 6 en l’espèce, par onze voix contre six.

Elle considère que le contentieux fiscal échappe au champ des droits et obligations de caractère civils et donc échappe à l’article 6§1, en dépit des effets patrimoniaux qu’il a nécessairement quant à la situation des contribuables.

   Dans cet arrêt, la Cour procède donc à l’exclusion de l’applicabilité de l’article 6§1 de la CEDH en matière de contentieux fiscal (I). Toutefois, cette décision peut être critiquée (II).

  1. L’inapplicabilité de l’article 6§1 de la CEDH au contentieux fiscal.

La Cour rejette l’applicabilité de cet article au contentieux fiscal en raison du poids de la jurisprudence constante sur ce sujet (A) et du caractère public de la matière fiscale (B).

  1. Une décision inscrite dans une jurisprudence constante.

    En premier lieu, la Cour rappelle et confirme expressément l’une des méthodes d’interprétation élaborées par la jurisprudence antérieure : la revendication du caractère autonome des notions conventionnelles, et en particulier celle des « droits et obligations de caractère civil ». Cette affirmation implique que ces notions ne peuvent être interprétées uniquement par référence au droit interne de l’État défendeur (CEDH, 16 juillet 1971, Ringeisen c/Autriche ; 28 juin 1978, Kônig c/ RFA), au risque sinon de conduire à des résultats incompatibles avec l’objet et le but de la Convention.

Le danger est en effet que les États soient tentés de détourner les garanties de la Convention de leur objet par un simple changement de qualification en droit interne des droits et obligations concernés.

  Ensuite, partant du postulat qu’« une procédure fiscale a évidemment un enjeu patrimonial », la Cour procède à un rappel synthétique de la jurisprudence antérieure dans les affaires où un droit « à caractère patrimonial » était invoqué. Prenant appui sur une jurisprudence intervenue précédemment (CEDH, 21 octobre 1997 Pierre Bloch c/France ; 26 mars 1992 Pellegrin c/France), la Cour indique tout d’abord d’une manière générale que : « le fait de montrer qu’un litige est de nature “patrimoniale” n’est pas suffisant à lui seul pour entraîner l’applicabilité de l’article 6, § 1, sous son aspect “civil” ».

Pour ce qui concerne en particulier la jurisprudence rendue en matière fiscale, la Cour cite, à titre de jurisprudence traditionnelle, l’arrêt « Schouten et Meldrum » qui avait conclu que les obligations fiscales ne pouvaient entrer dans la catégorie des droits et obligations de caractère civil, car elles relevaient exclusivement du domaine du droit public. La Cour rend sa décision sur l’arrêt Ferrazzini en allant dans le même sens.

  1. L’appartenance de la matière fiscale au noyau du droit public, incompatible avec l’article 6§1 CEDH.

   Comme le souligne la Cour dans cet arrêt, c’est l’évolution des relations entre les individus et l’État qui ont suscité un changement d’approche des procédures relevant du droit public, en raison notamment de l’intervention de l’État pour réglementer les relations de droit privé.

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