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Commentaire de l'arrêt Blick 29 mars 1991

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Par   •  21 Février 2016  •  Dissertation  •  7 476 Mots (30 Pages)  •  1 454 Vues

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DROIT DES OBLIGATIONS

LA RESPONSABILITE DU FAIT D’AUTRUI


COMMENTAIRE ARRÊT : Association des centres éducatifs du Limousin c./ Cts Blieck,29 mars 1991

Au commencement, il y avait l’article 1384...régnait l’ère d’une responsabilité du fait d’autrui si prévisible, qu’elle en fut comparée à « un long fleuve tranquille ». Cette époque est révolue. La faute aux arrêts « Jand’heur », ou « Blieck ». Ils l’ont transformée en une « série de torrents boueux et sinueux ». Dès lors, qu’on ne s’y méprenne pas : « ceux qui s’aventurent à emprunter ses rapides en sont souvent pour leur frais ; et parfois, ils se noient tant les chutes et les obstacles qui la caractérisent aujourd’hui sont peu prévisibles ». Pourtant, d’aucuns ont à l’inverse écrit que dans ces affaires, « le juge a été l’âme du progrès juridique, l’artisan laborieux du droit nouveau contre les formules vieillies du droit traditionnel ». Fomentateurs, à l’instar du professeur O.Gout, ou thuriféraires, comme Josserand, les visions divergent. Mais la responsabilité du fait d’autrui intrigue et mérite attention.

Le phénomène, autrefois régi au regretté article 1384 alinéa premier du code civil, désormais 1242 de l’ordonnance du 2 févier 2016, est ainsi énoncé : « on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ». Ainsi, la responsabilité civile pourrait naître tant du fait personnel que du fait des choses, ou même du fait d’autrui. Toutefois, le postulat était loin de s’imposer à l’esprit avec la force de l’évidence, tout du moins s’agissant de la responsabilité du fait d’autrui. La dissociation dont elle procède entre l’auteur de la faute et le responsable du dommage explique certainement que ce fait générateur de responsabilité civile ne fut pas, pendant longtemps, étendu au-delà des cas limitativement énumérés par l’ancien article 1384 alinéa 4 et suivants. C’est à l’audace conjuguée des magistrats de la Cour d’appel de Limoges, le 23 mars 1989, et la conscience de l’enjeu dont les magistrats de la seconde chambre civile de la Cour de cassation firent preuve pour renvoyer l’arrêt devant l’Assemblée Plénière que la jurisprudence judicaire doit son revirement. Telle est la genèse de l’arrêt d’Assemblée dit « Blieck » du 29 mars 1991.

Les situations factuelles et judiciaires de l’arrêt se conçoivent aisément : lors de cette célèbre affaire, un jeune majeur placé dans un centre destiné à recevoir des personnes handicapées mentales bénéficiait d’un régime de totale liberté de circulation toute la journée. Il en profita pour mettre le feu à une forêt propriété des consorts Blieck.

Ceux-ci, demandeurs, ne tardaient pas à engager une action en responsabilité civile dirigée contre l’association gérant le centre -et non contre son assureur-, défenderesse, laquelle action était accueillie en première instance par le tribunal civil de Tulle sur le fondement d’une « faute de surveillance ».

Dépourvu de réelle « consistance », le motif n’eut pas les faveurs des magistrats limougeauds, saisi en appel, qui s’empressaient de motiver autrement le même résultat : invoquant le « risque social » (Viney) créé par les méthodes libérales de rééducation, elle en déduit que ce risque permettait d'appliquer « les dispositions de l'art. 1384, al. 1er, c. civ. qui énoncent le principe d'une présomption de responsabilité du fait de personnes dont on doit répondre ».

C’est ainsi qu’un pourvoi en cassation fut formé contre l’arrêt au moyen qu’« il n'y a de responsabilité civile du fait d'autrui que dans les cas prévus par la loi, et, par suite, en retenant le principe d'une présomption de responsabilité du fait des personnes dont on doit répondre, la cour d'appel aurait violé l'art. 1384, al. 1er, c. civ. ».

Conscient de la valeur principielle de la problématique, la seconde chambre civile s’en remettait à l’Assemblée Plénière par un arrêt du 4 juillet 1990 quant à trancher la question suivante : l’article 1384 alinéa premier du code civil permet-il de consacrer une responsabilité générale du fait d’autrui ou constitue-t-il une simple annonce aux régimes spéciaux limitativement visés dans les alinéas suivants ? Autrement dit, l’article procède-t-il à une énumération exhaustive des différents cas de responsabilité du fait d’autrui ou, à l’inverse, expose-t-il un principe général en ceci que « l’on est responsable du dommage causé par le fait des personnes dont on doit répondre » ? Finalement, rapporté à l’espèce, dans quelle mesure un centre éducatif destiné à recevoir des handicapés mentaux peut-il être tenu responsable et répondre des dommages causés par ces derniers ?

L’assemblée Plénière se prononça, non sans prudence et pondération, pour un rejet du pourvoi :

« Mais attendu que l'arrêt relève que le centre géré par l'association était destiné à recevoir des personnes handicapées mentales encadrées dans un milieu protégé, et que X... était soumis à un régime comportant une totale liberté de circulation dans la journée ;

Qu'en l'état de ces constatations, d'où il résulte que l'association avait accepté la charge d'organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie de ce handicapé, la cour d'appel a décidé, à bon droit, qu'elle devait répondre de celui-ci au sens de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, et qu'elle était tenue de réparer les dommages qu'il avait causés ».

La prudence pour leitmotiv, la Cour venait de consacrer un principe général rampant de responsabilité du fait d’autrui (I). Mais la délimitation incertaine du principe, abrité derrière les remparts d’une rédaction factuelle et casuistique, n’allait pas tarder à soulever les boucliers doctrinaux a tel point que d’aucuns en vinrent en ultime recours à plaider la suppression d’un tel principe à propension universaliste (II).

I-De l’avènement d’un principe général, la prudence pour leitmotiv

Si le principe général apposé par l’arrêt Blieck semble si timoré (B), ce n’est parce qu’il est le succédant d’une intense disputatio quant à savoir si ce qui était vrai pour le fait des choses l’était aussi pour le fait d’autrui (A).

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