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Commentaire d’arrêt DIP

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Par   •  18 Décembre 2018  •  Commentaire d'arrêt  •  2 345 Mots (10 Pages)  •  726 Vues

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Faits : Les faits dans les deux décisions étaient similaires. Un français est installé depuis plusieurs dizaines d’années aux Etats-Unis. Il constitue sur place un trust au profit de sa dernière épouse. Son patrimoine est composé de biens situés aux Etats-Unis et en France. A son décès, en raison de la création du trust, ses enfants français n’ont pas de droits sur les actifs successoraux : ils se voient privés du droit successoral minimum, appelé réserve héréditaire, auquel ils pouvaient prétendre si la loi française était applicable. Ils contestent alors devant les tribunaux les dispositions prises par le défunt.

Procédure : Après un jugement en première instance dont nous ne connaissons pas la teneur, appel a été interjeté respectivement devant la cour d’appel de Paris (jugement en date du 11 mai 2016) et la cour d’appel de Paris (jugement en date du 16 décembre 2015). Mécontent de ces décisions les héritiers des deux défunts ont formé un pourvoi en cassation.

Moyens : Dans les deux affaires, les enfants privés de leur réserve héréditaire avaient saisi les juridictions françaises d'une action en prélèvement sur les actifs successoraux situés en France sur le fondement de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819. Mais cette disposition ayant été déclarée inconstitutionnelle par une décision QPC du 5 août 2011, lesdits enfants ont demandé que les règles françaises sur la réserve leur soient applicables en soutenant que l'ordre public international français s'opposait à l'application de la loi étrangère.

Les enfants soutiennent notamment que la loi désignée par la règle française de conflit de lois, à savoir la loi successorale de Californie, loi du dernier domicile du défunt, est contraire à l’ordre public international français car elle ignore la réserve.

La question posée à la cour dans les deux arrêts est de savoir si la réserve héréditaire des enfants peut être sauvegardée par l'exception d'ordre public international ?

Motivation : Dans ces arrêts la cour va considérer qu’une loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n'est pas en soi contraire à l'ordre public international français. Dans un second temps elle va relever que cette loi étrangère ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d'espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels.

Il conviendra d’observer le principe posé par la cour de cassation qui ne reconnaît pas dans la loi étrangère une contrariété avec l’OPI français (I). Puis il conviendra de se pencher sur la nuance qu’apporte la cour en recherchant de manière infructueuse dans ces arrêts une contrariété de la loi étrangère avec les principes essentiels du droit français (II).

I- Le contrôle ab initio : L’absence affirmée de contrariété de la loi étrangère avec l’OPI

A-L’affirmation de l’applicabilité de la loi étrangère

La cour recherche si la loi Californienne a vocation à s’appliquer.

Dans le cadre de nos présents arrêts, les successions sont régies par les anciennes règles de conflits de lois rattachant les successions mobilières à la loi du dernier domicile du défunt et les successions immobilières à la loi de situation des immeubles. En effet, le champ d’application temporel du règlement « successions » n°650/2012 entré en vigueur le 16 aout 2012 circonscrit l’application de celui-ci qu’aux successions ouvertes à compter du 7 aout 2015. Or en l’espèce, les successions ayants été ouvertes antérieurement à cette date, le règlement n’a pas vocation à s’appliquer.

Si les successions avaient été ouvertes postérieurement au 7 aout 2015, la solution n’aurait cependant pas été différente. En effet, dans nos arrêts nous sommes en présence d’un testament. Or, le champ d’application matériel très large du règlement (art 1 §1) intègre tous les aspects civils des successions testamentaires ou ab intestat.

Dès lors, dans le cadre d’une succession internationale ouverte postérieurement au 7 aout 2015, le facteur de rattachement en France est celui de « la loi applicable à l’ensemble d’une succession est celle de l’État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès » (règl. (UE) n° 650/2012, art. 21, § 1). En l’espèce, les deux défunts ayant leurs résidences habituelles dans l’Etat de Californie comme la Cour le soulève, la loi californienne aurait également eu vocation à s’appliquer.

B-L’absence d’incompatibilité de la loi étrangère avec l’OPI français

En France, il n’existe pas une liste exhaustive constituant l’exceptions d’OPI. Cela est en soi normal, puisque l’ exceptions d’OPI a vocation à évoluer. Ainsi, la cour de cassation consacre le principe de l’actualité de l’ordre public international en déclarant que « la compatibilité avec l’ordre public international français doit toujours être appréciée au jour ou statut le juge français ». Il en résulte une appréciation in concreto de l’exception d’opi dans chaque affaire.

Cependant, l’ordre public international a pu être observé comme le noyau dur de l’ordre public interne. L’arrêt de principe Lautour vient ainsi poser une définition de l’opi en énonçant que « l’exception d’ordre public international peut intervenir afin de protéger les principes de justice universels considérés dans l’opinion française comme doués de valeur internationale absolue ».

La question à laquelle devait répondre la cour était alors de savoir si la réserve héréditaire qui fait partie de l’ordre public successoral peut intégrer l’exception d’opi. La cour dans ces deux arrêts va poser qu’en principe la loi Californienne ne reconnaissant pas la réserve héréditaire n’est pas contraire à l’OPI, ne reconnaissant pas ainsi la réserve héréditaire comme une exception d’ordre public international. Cette exclusion met ainsi fin à un débat doctrinal visant à savoir si la réserve est d’opi ou non.

Cette solution n’est pas surprenante en soit. En effet, si la réserve est d’ordre public, celui-ci a déjà été amoindri par les différentes réformes du droit des successions. Ainsi a été admis, que l’on puisse renoncer au bénéfice de la réserve soit à postériori par un consentement à exécution, soit à priori par la renonciation anticipée à l’action en réduction (RAR).

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