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Commentaire d'arrêt Maurice Papon

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Par   •  9 Octobre 2017  •  Commentaire d'arrêt  •  7 144 Mots (29 Pages)  •  5 334 Vues

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Buisson Carla                                                                        le : 26-03-2017

L2 – Arles

  • Réaliser le commentaire d’arrêt : Conseil d’Etat, 12 avril 2002, Maurice Papon

Frédéric Lénica, commissaire du gouvernement, précisait au sujet de l’arrêt Papon (CE, 12 avril 2002) qu’il avait « mis fin, au moins sur le plan jurisprudentiel, à la fiction juridique, résultant de l’ordonnance du 9 août 1944, selon laquelle l’autorité de fait dénommée gouvernement de Vichy était dépourvue de tout lien de continuité avec l’Etat républicain. En réintégrant dans le chef de la République les dettes nées des agissements de Vichy, vous avez ôté les parenthèses qui entouraient l’existence juridique de ce gouvernement : en procédant ainsi, vous avez nécessairement neutralisé l’effet rétroactif qui s’attachait jusqu’alors à la déclaration de nullité opérée par l’ordonnance du 9 août 1944 ».

Entre juin 1942 et août 1944, Maurice Papon (M. Papon) occupait les fonctions de secrétaire général de la préfecture de la Gironde.

Le 2 avril 1998, ce dernier a été condamné par la Cour d’assises de ce même département à dix ans de réclusion criminelle pour complicité de crime contre l’humanité, ainsi qu’une interdiction pendant dix ans des droits civiques, civils et de famille. En effet, Maurice Papon a apporté pendant la période de l’occupation allemande en France, une aide active à l’arrestation et à l’internement de nombreuses personnes d’origine juive, dont des enfants. Ces dernières ont été acheminées de juillet à octobre 1942 et en janvier 1944 de Bordeaux à Drancy avant d’être déportées au camp d’Auschwitz où elles sont décédées dans des conditions les plus inhumaines qu’il puisse exister.

Le 3 avril 1998, la Cour a statué sur les intérêts civils, et a condamné Maurice Papon à payer des dommages et intérêts aux parties civiles ainsi que les frais exposés par elles au cours du procès et non compris dans les dépens. Cette condamnation civile a conduit M. Papon à demander au Ministre de l’intérieur de le garantir de l’ensemble des conséquences pécuniaires de ses agissements, considérant que ces faits constituent non une faute personnelle, mais une faute de service. M. Papon s’appuie sur l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant sur les droits et obligations des fonctionnaires afin que l’Etat prenne en charge cette somme.

Pour le ministre de l’intérieur, le fait que l’article 3 de l’ordonnance du 9 aout 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental annule tous les actes de Vichy pour cause d’illégalité, suffit à exonérer l’Etat français de toute responsabilité.

La décision de rejet formulée par le ministre a conduit M. Papon à saisir le Tribunal administratif de Paris, lequel a transmis la requête au Conseil d’Etat.

La Haute Juridiction, par l’arrêt Papon, a dû répondre à cette interrogation : l’Etat doit-il prendre en charge tout ou partie de la condamnation civile prononcée à l’encontre de Maurice Papon, fonctionnaire du régime de Vichy, reconnu coupable de complicité de crime contre l’humanité ?

Le Conseil d’Etat, par un arrêt en date du 12 avril 2002, a fait partiellement droit à la demande du requérant et a condamné l’Etat français à prendre en charge la moitié des sommes dues par Maurice Papon, en raison de la responsabilité de l’administration française dans le Régime de Vichy.

En effet, la Haute Juridiction a soulevé que certaines des décisions qui avaient été prises par l’administration française sous l’occupation allemande, avaient permis et facilité, et cela indépendamment de l’action de M. Papon, les opérations ayant été « le prélude de la déportation».

L’arrêt d’assemblée du Conseil d’Etat reconnait que les actes commis dans le cadre des persécutions antisémites constituaient une faute de service de nature à engager la responsabilité de l’Etat.

La décision rendue par le Conseil d’Etat est très symbolique puisqu’elle affirme pour la première fois que l’Etat peut être responsable des fautes commises sous le Régime de Vichy et établit une continuité avec ce régime.

Ainsi nous verrons dans un premier temps, qu’il existe dans cette affaire, plusieurs fautes : une faute personnelle d’une part, et une faute de service, d’autre part. (I).

Dans un deuxième temps, nous étudierons le partage de responsabilité entre l’Etat français et Maurice Papon (II).  


  1. Une pluralité de fautes reconnues

Le dévouement et l’application dont a fait preuve Maurice Papon au moment de l’occupation allemande était une faute, qui compte tenu de la gravité de ses conséquences, revêt le caractère d’une faute personnelle détachable des fonctions bien qu’elle ait été commise dans le cadre du service (A).

Seulement l’administration ne peut être en l’espèce, considérée comme étant exemptée et innocentée. En effet nombreux de ses actes ayant permis et facilité la déportation de milliers de juifs résultent de ses propres choix et ne pourraient se justifier par la contrainte exercée par l’occupant.

Par cet arrêt, le Conseil d’Etat a reconnu que les actes et agissements du Régime de Vichy dans l’accomplissement de sa politique de persécutions antisémites constituaient désormais une faute de service de nature a engagé la responsabilité de l’Etat (B).

  1. Une faute par Maurice Papon

Le Conseil d’Etat pour qualifier la faute commise par Maurice Papon, comme l’a soutenu M. Guyomar[1], n’était « lié ni par les appréciations portées par le juge pénal, ou celles émises par le juge civil. C’est au regard des critères de sa propre jurisprudence que le Conseil d’Etat devait déterminer la qualification des faits ayant justifiée la condamnation de Maurice Papon ». 

Il convient de rappeler en premier lieu que toute victime peut poursuivre l’agent à partir du moment où ce dernier a commis une faute dite « personnelle ». En effet, il n’existe aucune raison pour laquelle l’administration endosserait la faute relevant exclusivement des agissements fautifs d’un de ses agents. La faute commise par un agent en dehors de ses fonctions doit être considérée comme une faute ne relevant que de la responsabilité de l’agent (CE, 23 juin, Veuve Litzler). Cependant, cette situation devient plus complexe lorsque la faute commise par l’agent est réalisée dans l’exercice de ses fonctions.

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