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Commentaire d'arrêt Cohn-Bendit

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Par   •  1 Mars 2018  •  Commentaire d'arrêt  •  1 821 Mots (8 Pages)  •  3 853 Vues

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Paul Logeart

Commentaire d’arrêt

Conseil d’Etat « Cohn-Bendit », 22 Décembre 1978

Dans son arrêt du 22 Décembre 1978, dit l’arrêt Cohn-Bendit, le Conseil d’Etat fixe sa jurisprudence relative à l’applicabilité des directives communautaires prévues par l’article 189 du traité de Rome de 1957.

Dans les faits, à la suite des événements de mai 1968, le leader étudiant de nationalité allemande Daniel Cohn-Bendit avait fait l'objet d'un arrêté d'expulsion, dont la légalité avait été appréciée par le Conseil d’Etat en 1970. En 1976, constatant l'évolution de la jurisprudence Cour de Justice des communautés Européennes, il a demandé à nouveau au ministre d'abroger l'arrêté d'expulsion. Il déferra au juge administratif le refus qui lui fut opposé, faisant notamment valoir que le refus d’abroger l’arrêté d’expulsion le visant était contraire à la directive de 1964 adoptée par le Conseil des l’union Européenne.

Mr Cohn-Bendit introduit un recours administratif à titre gracieux, le ministre de l'intérieur refuse de donner suite à sa demande. Le Tribunal Administratif de Paris, statuant sur la requête de Monsieur Cohn-Bendit tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision, a rendu un jugement de sursis à statuer accompagné d'un renvoi préjudiciel au titre de l'article 177 du traité de Rome (qui traite des compétences de la Cour de Justice des communautés Européennes). La réponse de la Cour de Justice des Communautés Européennes n'est jamais revenue, le Conseil d’Etat ayant été saisi par l'appel du ministre contre le jugement de renvoi. Cohn-Bendit fonde sa requête sur une directive Européenne du 25 février 1964 (coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique), à laquelle l’arrêt d’expulsion s’opposerait. 

Quel est le régime d’applicabilité des directives Européenne en droit national ?

En l’espèce, Le Conseil d’Etat annule le jugement du Tribunal Administratif et rejette la demande de Cohn-Bendit.

Le Conseil d’Etat fait valoir l’idée qu’une directive ne crée d’obligation qu’aux Etats et non aux ressortissants des Etats membres. Il refuse ainsi l’effet direct d’une directive contre une décision individuelle administrative, même passé le délai de transposition. Il consacre par ailleurs la possibilité d’exciper l’incompatibilité du droit national ayant servi de fondement à la décision contestée au regard des objectifs fixés par la directive. Le Conseil d’Etat a ainsi distingué selon la nature de l’acte attaqué (individuel ou réglementaire).

        Nous nous intéresserons d’abord à l’illégalité de l’arrêt d’expulsion (I), puis nous verrons l’impossibilité pour un administré de se prévaloir d’une directive européenne (II).

  1. L'illégalité de l'arrêté d'expulsion au regard de la directive du 25 février 1964
  1. Les directives lient les états membres

Les états doivent transposer les directives communautaires dans un délai impartis. On transpose soit par une loi, soit par un règlement (acte administratif).  L’administration peut engager sa responsabilité en cas de non transposition de la directive dans le délai impartis comme l’a déduit le Conseil d’Etat dans un arrêt de 1992 « Société Arizona Tobacco Product » Le Conseil d’État avait déjà reconnu le principe de la responsabilité extracontractuelle de l’Etat pour violation du droit communautaire. La Haute juridiction retient avec l’arrêt « Société Arizona Tobacco products » France un régime de responsabilité pour faute de l’Etat, qui vient remplacer le précédent régime de responsabilité sans faute. L’arrêt admet ainsi qu’il est possible de demander réparation du préjudice issu de l’illégalité d’un acte réglementaire contraire au droit communautaire, au besoin après que la loi qui lui sert de fondement ait été écartée. De même les autorités nationales ne peuvent légalement laisser subsister des dispositions réglementaires qui ne seraient plus compatibles avec les objectif définis par les directives communautaires ou adoptés de nouvelles dispositions réglementaires qui seraient contraires aux objectifs de cette directive. Dans l’hypothèse où la directive n’a pas été transposé dans les délais impartis le Conseil d’Etat rend une décision en 1989 : « Compagnie Alitalia » où il institue la faculté pour tout administré de demander, sans condition de délai, à l'administration d'abroger les actes réglementaires illégaux dès l'origine ou devenus illégaux du fait d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit. La non-transposition d’une directive peut faire l’objet d’une procédure de manquement devant la Cour de justice de l’Union européenne. Les États membres ont le devoir d’informer la Commission sur les mesures prises pour l’application de la directive.

  1. Mais ceux-ci disposent d'une latitude dans les mesures à prendre

Les directives Européennes définissent les objectifs que les Etats doivent atteindre mais ceux-ci demeurent libre des moyens à mettre en œuvre. Le conseil d’Etat le confirme son arrêt du 22 Décembre 1978 en venant dire que « il ressort clairement de l'article 189 du traité du 25 mars 1957 que si ces directives lient les Etats membres "quant au résultat à atteindre" ». On voit qu’ici le conseil d’Etat rappel vocation de la directive, à savoir de donner des objectifs de résultat. Il poursuit en disant que « pour atteindre le résultat qu'elles définissent, les autorités nationales sont tenues d'adapter la législation et la réglementation des Etats membres aux directives qui leur sont destinées ». Ainsi le Conseil d’Etat précise que le but d’une directive Européenne est bien d’obliger les Etats membres à modifier leur droit national afin de tendre à atteindre les objectifs. Mais le conseil d’Etat vient préciser que « ces autorités restent seules compétentes pour décider de la forme à donner à l'exécution des directives et pour fixer elles-mêmes, sous le contrôle des juridictions nationales, les moyens propres à leur faire produire effet en droit interne ». Ainsi c’est bien dans ce passage de l’arrêt Cohn-Bendit que l’on voit la latitude dont dispose les Etats membres pour appliqué les directives Européennes. En effet bien que l’objectif soit fixé, les Etat dispose de tous les moyens juridiques pour faire évoluer leur droit interne. C’est ainsi que les directives Européennes n’entache pas la suprématie législative étatique.

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