Commentaire d'arrêt du 19/07/2016
Commentaire d'oeuvre : Commentaire d'arrêt du 19/07/2016. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Jonathan Parienty • 17 Janvier 2021 • Commentaire d'oeuvre • 3 302 Mots (14 Pages) • 370 Vues
Par une décision du 19 Juillet 2016, le Conseil d’État a abordé la question des immobilisations incorporelles et de droits de la propriété intellectuelle.
La SARL Centre Informatique Arcachonnais (CIA) avait pour objet la distribution de logiciels et les services informatiques. À l'issue d'une vérification de comptabilité, l'Administration a mis à sa charge des suppléments d'impôts sur les sociétés et de contribution additionnelle au titre des exercices clos en 2000, 2001 et 2002, ainsi que des rappels de TVA au titre des années 2001 et 2002. La SCP Silvestri-Baudet, agissant en qualité de mandataire-liquidateur, cherche à obtenir la décharge de ces condamnations.
À l'issue d'une vérification de comptabilité, le service des impôts a refusé cette déduction, le traitement approprié étant celui d'inscrire la valeur estimée du contrat à l'actif immobilisé. Le tribunal administratif soutient l’appréciation de l’administration en relevant que les logiciels concernés servaient aux besoins de la société pendant plusieurs exercices (TA Bordeaux, 8 mars 2011). La juridiction d'appel a confirmé cette solution (CAA Bordeaux, 12 mars 2013).
Les moyens produits par la partie requérante ne sont pas communiqués.
La décision soulève la question de savoir si des dépenses d'acquisition de logiciels ou de droits d'utilisation de logiciels sont déductibles en tant qu’immobilisations incorporelles ?
Le Conseil d'État annule l'arrêt d'appel sur le fondement de l'erreur de droit, la cour ayant omis de « rechercher si les droits litigieux étaient susceptibles de faire l'objet d'une cession ». (Considérant 3).
La décision de 2016 énonce une qualification comme immobilisation incorporelle qui reste conditionnée à des critères jurisprudentielles (I) que l'espèce ne remplit pas donc la décision de 2016 indique une immobilisation impossible à cause de l'absence de cessibilité (II)
I)Une qualification comme immobilisation incorporelle conditionnée
La décision de 2016 installe une distinction nécessaire entre les charges et les immobilisations que la décision n'arrive pas à rendre claire (A) même si la décision use de critères jurisprudentiels pour sortir définitivement du régime de l'immobilisation (B)
A) Une distinction trouble entre charges et immobilisations
Selon le considérant 3, la SARL avait "acquis les droits d'utilisation et de commercialisation de programmes informatiques de paye, de comptabilité et de gestion ". De plus, comme le montre le considérant 1, l'administration avait procédé à une réintégration liée à des dépenses d'immobilisation comptabilisées à tort parmi les charges déductibles » des exercices clos de 2000,2001 et 2002. Il ressort de l'arrêt une distinction nécessaire entre une charge et une immobilisation. L'arrêt du 19 juillet 2016 ne prend pas le temps de bien distinguer les deux. Une charge est une dépense qui ne peut pas faire l'objet d'amortissements sur plusieurs années car elle est consommée durant l'exercice comptable. Une immobilisation est un bien corporel ou incorporel acheté par l'entreprise destiné à servir de façon durable à l'activité de l'entreprise au-delà de la durée de l'exercice comptable. Ces biens sont inscrits à l'actif de l'entreprise. Ils sont censés avoir une durée de vie limitée et s’user avec le temps. Cela correspond à un amortissement correspondant à la perte de valeur du bien pendant l'année. L'amortissement de l'immobilisation est enregistré en charge de l'exercice. Les charges, par leur caractère instantané s'impute directement au résultat de l'entreprise. Pour l'immobilisation, seule la charge d'amortissement s’impute sur le résultat chaque année jusqu'à la dépréciation totale de l'immobilisation( régime spécial pour les logiciels selon 236 du CGI avant 2017).
La SARL Centre Informatique Arcachonnais avait acquis, pour ses besoins propres, « les droits d'utilisation et de commercialisation de programmes informatiques de paye, de comptabilité et de gestion » auprès de la société Arcachonnaise de Comptabilité. Les sommes versées au titre de ce contrat ont été déduites en charges. Selon le considérant 2, l’article 38 ainsi que 209 du code général des impôts énonce que « l’actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ».
Les redevances annuelles versées liées à l'acquisition des droits d'utilisation et de commercialisation de logiciels sont compris entre 55 000 € et 73 000 € par an. Pour l’administration, ces dépenses devaient être immobilisées car elles avaient pour contrepartie l'acquisition d'éléments d'actif. Les logiciels obtenaient donc le caractère d’actif au bilan comptable de la société. La cour a validé ce redressement par l’arrêt du 8 mars 2011. Pour la cour, le contribuable avait acquis les droits rémunérés « en vue d'utiliser lesdits logiciels pour ses besoins propres durant plusieurs exercices » (considérant 3). Le mandataire-liquidateur soutenait que les redevances litigieuses avaient la nature de charges dès lors que les droits acquis n'étaient pas cessibles. La décision du 19 juillet 2016 vient donc émettre la même appréciation que les justiciables sur l’impossibilité de comptabiliser les droits d’utilisation et de commercialisation comme immobilisation.
Pour comprendre l’arrêt, il faut expliciter le logiciel. Un logiciel est, selon l'arrêté du 22 décembre 1981, un « ensemble de programmes, (...) relatifs au fonctionnement d'un ensemble de traitement de données ». La protection des auteurs de logiciels remonte à la loi du 3 juillet 1985. Les logiciels figurent parmi les « œuvres de l'esprit » (L. 112-1 et L. 112-2 du Code de propriété intellectuel). Leurs créateurs possèdent des droits patrimoniaux comme le droit exclusif d'exploiter le logiciel et d'en tirer un profit pécunier (CPI, art. L. 123-1). Ils concèdent des droits d'usage, sous forme de licence, comme l’illustre le cas d’espèce. Le rapporteur public R. Victor fait valoir qu'à la différence de logiciels acquis par l'entreprise et devenu sa propriété, de simples droits d'utilisation et de commercialisation de logiciels ne peuvent jamais être immobilisés. Par la décision de 2016, le Conseil d’Etat vient dresser une
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