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Commentaire d'arrêt Com, 3 février 2015, n°13-12483

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Par   •  18 Mars 2020  •  Commentaire d'arrêt  •  2 958 Mots (12 Pages)  •  976 Vues

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Com, 3 février 2015, n°13-12483

        « Nous avons de nos jours plus d'hommes de droit que de droits hommes ». Cette constatation émise par G.C Lichtenberg explique notamment pourquoi le cessionnaire d’une cession de contrôle a de plus en plus recours aux garanties contractuelles, et notamment à la garantie d’actif et de passif. En effet, la loi ne procure pas une protection suffisante et comme le montre la pratique des garanties contractuelles, il est souvent plus judicieux de consacrer par écrit les attentes des parties que de se reposer seulement sur la parole des cédants. La garantie d’actif et de passif permet ainsi au cessionnaire d’obtenir du cédant l’engagement de payer le passif non révélé ou l’actif surestimé.

        Toutefois, comme le montre l’arrêt étudié du 3 février 2015, cette nécessité de garanties contractuelles pour compléter les garanties légales ne doit pas faire oublier que l’une ne prévaut pas sur l’autre, les deux pouvant même se cumuler.

        En l’espèce, par un acte du 18 août 2009, qui avait été précédé d'un « compromis de cession de parts sociales » du 17 avril 2009, M. X… et M. Y…, titulaires chacune de la moitié des parts représentant le capital de la SARL Covedi, ont cédé leur participation, en intégralité pour le premier et en partie pour le second, à la société Z… holding, contrôlée par M. et Mme Z…. Dans le cadre de cette cession, la société cessionnaire se voit consentir un crédit-vendeur que les associés de cette structure garantissent par le biais d'un cautionnement. Mais la société cessionnaire a laissé des échéances impayées, les cédants l’ont donc assigné, ainsi que M. et Mme Z…, en paiement du solde du prix de cession. En réponse, ces derniers et la société Z… holding ont demandé l’annulation pour dol des actes des 17 avril et 18 août 2009 au motif que le montant des capitaux propres avait chuté entre le 31 décembre 2008 et le 18 août 2009 et que cela leur avait été caché.

        Par un arrêt du 19 décembre 2012, la Cour d’appel de Pau a jugé que, à supposer que la dissimulation de cette chute soit avérée, il n'en demeurait pas moins que la cession comportait justement une garantie des capitaux propres de sorte que cette éventualité était parfaitement intégrée dans le contrat.

        La question posée aux juges suprêmes était donc de savoir si une garantie de passif accordée par le cédant à l’acquéreur, empêchait une action sur le fondement d’un dol, lorsque le vice du consentement invoqué porte précisément sur l'étendue de l'actif.

        La Cour de cassation répond par la négative et casse l’arrêt d’appel. Elle considère que le rejet d’une telle demande ne pouvait être justifié par le seul constat de l’existence d’une garantie d’actif, et que par conséquent, la cour d’appel a violé l’article 1116 du Code civil. Elle pose également un attendu de principe qui déclare que « les garanties contractuelles relatives à la consistance de l'actif ou du passif social, s'ajoutant aux dispositions légales, ne privent pas l'acquéreur de droits sociaux, qui soutient que son consentement a été vicié, du droit de demander l'annulation de l'acte sur le fondement de ces dispositions ». Ainsi, la Haute juridiction met en balance les deux intérêts en présence en affirmant que les garanties légales et contractuelles peuvent se cumuler (I), l’une ne prévalant pas sur l’autre (II).

  1. Une réaffirmation classique du cumul des garanties légales et contractuelles

        La solution de la Cour de cassation selon laquelle « les garanties contractuelles relatives à la consistance de l'actif ou du passif social, s'ajoutant aux dispositions légales, ne privent pas l'acquéreur de droits sociaux, qui soutient que son consentement a été vicié, du droit de demander l'annulation de l'acte sur le fondement de ces dispositions » n’est pas nouvelle puisqu’elle avait déjà formulé un attendu de principe similaire par le passé. Cependant, la réitération de la solution par la Cour se trouve justifiée au regard des régimes juridiques différents (A) ce qui permet de protéger davantage l’acquéreur (B).

  1. Une solution justifiée au regard de régimes juridiques différents

        L’adage latin « specialia generalibus derogant » est une règle fondamentale en droit qui signifie que le spécial déroge au général. En effet, lorsque les intérêts des deux parties contractantes sont en jeu, il faut trouver le bon texte applicable à la situation. Ainsi, lorsque le principe et la règle spéciale ne s’articulent pas, par le jeu de cette règle, c’est la règle spéciale qui sera applicable. A l’inverse, le contentieux de l’espèce relatif à une cession de droits sociaux nous rappelle que la validité et l’efficacité de ces cessions sont principalement commandées par le droit commun des contrats, et notamment à l’exigence d’un consentement valable des parties. On peut comprendre que les juges n’aient pas fait application de ce principe, puisqu’en l’espèce les règles ne se contredisaient pas frontalement mais au contraire venaient se compléter.

        En effet, le cumul des garanties est justifié car les garanties légales et contractuelles ont chacune un domaine et des sanctions différentes. La mise en place d’une garantie d’actif permet à l’acquéreur d’être couvert contre toute diminution des actifs ayant une origine antérieure à la cession. A l’inverse, la garantie légale des vices du consentement permet au cessionnaire d’être protéger contre un vice du consentement, en l’espèce le dol. Ainsi, le recours aux garanties légales, notamment au dol permettent de sanctionner les vices affectant la formation du contrat, tandis que les garanties contractuelles concernent surtout les défauts affectant l’exécution du contrat. De plus, le dol permet de procéder à la nullité du contrat, ce qui n’est pas permis par la mise en œuvre d’une garantie de passif. Il aurait été désavantageux pour le cessionnaire de devoir choisir entre deux garanties dont les buts étaient opposés. Par conséquent, il paraît tout à fait judicieux que le cessionnaire puisse bénéficier des garanties auxquelles il a consenti lors de la cession, mais également des garanties spécifiques que la loi lui octroi.

        Il semble s’agir d’une solution d’opportunité pour la Cour de cassation qui profite de ces faits d’espèce pour réitérer une solution déjà posée par le passé (Com, 3 novembre 2004 ; Com, 2 mai 2007 ; Com, 2 mai 2007 ; Com, 4 décembre 2007 et Com, 15 décembre 2009). Toutefois, cette solution aura l’honneur d’une publication au bulletin, ce qui diverge des précédents jurisprudentiels et amène à se questionner sur un tel choix. Il ne semble pas que ce choix relève du visa de la solution, puisqu’au contraire la solution n’est rendue qu’au moyen de l’article 1116 ancien du Code civil (art. 1137 nouv. du Code civil). Celui-ci énonce que « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé ». Toutefois, les solutions jurisprudentielles antérieures avaient été rendues au visa des articles 1116 et 1134 ancien du Code civil ce qui interroge. L’article 1134 ancien du Code civil (art. 1104 nouv. du Code civil) correspondait à l’exécution de bonne foi du contrat mais comment l’acquéreur entend-il annuler la cession pour dol sans soulever sa mauvaise foi ? Peut-être, cela explique-t-il la raison du renvoi.

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