Commentaire d'arrêt
Commentaire d'arrêt : Commentaire d'arrêt. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar rayhwna • 27 Décembre 2021 • Commentaire d'arrêt • 1 610 Mots (7 Pages) • 274 Vues
Civ. 1re, 4 décembre 2013, n° 12-26.006, Publié
L’arrêt rendu le 4 décembre 2013 par la Première chambre civile de la Cour de cassation, ayant fait l’objet d’une publication au Bulletin, vient remettre en cause la prohibition de l’inceste relatif au moyen d’un contrôle judiciaire original et amené à se généraliser, le contrôle concret de proportionnalité.
En l’espèce, une femme épouse un homme qui se trouve être le père de son ex-mari avec qui elle avait eu un enfant. Le mariage a duré 22 ans, jusqu’au décès du mari qui a laissé pour lui succéder son fils et son épouse en qualité de légataire universelle. Le fils du mari, ex-époux de la femme, agit en nullité du mariage en ce qu’il contrevenait à l’article 161 du Code civil relatif à la prohibition de l’inceste relatif.
Les juges du fond ont accueilli la demande du fils et prononcé l’annulation du mariage litigieux. Les juges ont considéré que si la prohibition du mariage entre deux personnes autrefois unies par un lien d’alliance dissout par le divorce porte atteinte au droit au mariage tel que protégé par la Convention EDH, cette prohibition est justifiée en ce qu’elle participe de l’homogénéité de la famille. Ils ont également estimé que le remariage de la femme avec son ancien beau-père avait eu des conséquences négatives pour le développement de sa fille issue du premier mariage. Au-delà, les juges du fond ont admis la recevabilité de l’action en nullité par le fils.
L’épouse forme un pourvoi en cassation, les juges du quai de l’Horloge devant déterminer si un mariage ayant duré plus de vingt ans entre une femme et son ancien beau-père doit être annulé sur le fondement de l’article 161 du Code civil.
La Cour de cassation répond à par la négative à cette question, cassant et annulant l’arrêt rendu précédemment. Au visa de l’article 8 de la Convention EDH, la Cour écarte l’annulation du mariage malgré l’application théorique de l’article 161 du Code civil car cette annulation “revêtait, à l'égard de [la femme], le caractère d'une ingérence injustifiée dans l'exercice de son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que cette union, célébrée sans opposition, avait duré plus de vingt ans”.
La solution proposée par la Cour de cassation interroge à de nombreux égards et, par le contrôle mené par les juges, ces interrogations pourraient rejaillir sur bien d’autres sujets. L’attention doit toutefois se concentrer sur l’apport essentiel de l’arrêt : la remise en cause judiciaire de la prohibition de l’inceste relatif, qu’il faut successivement relever et apprécier. En somme, la constatation (I) de la remise en cause de la prohibition de l’inceste relatif par le juge doit être suivie par sa contestation (II).
- La constatation de la remise en cause de la prohibition de l’inceste relatif par le juge
La décision commentée témoigne du fait qu’il est possible pour le juge, dans certaines circonstances, de dépasser l’interdit au mariage posé par le Code civil à son article 161. C’est dire qu’une prohibition légale (A) peut être supplantée par une autorisation judiciaire (B).
- Une prohibition légale
- Distinction entre l’inceste absolu et l’inceste relatif (ici relatif)
- Conséquences de la distinction dans le droit (art. 161 et suivants C. civ.)
- Ici, a priori, on doit faire application de la prohibition et le mariage célébré en violation doit faire l’objet d’une annulation. C’est ce qu’a fait le fils qui disposait d’un droit d’action pour ce faire. Et c’est la solution retenue par les juges du fond qui avaient procédé à l’annulation.
- Une autorisation judiciaire
- Les juges du fond ont maintenu la prohibition légale en la soumettant malgré tout à un contrôle de conventionnalité.
- La Cour de cassation va plus loin et décide d’écarter l’application du texte légal dans cette espèce.
- Recours pour la première fois, de manière aussi ostensible, au contrôle concret de proportionnalité : la méthode de ce contrôle.
- Ici, le contrôle conduit à écarter la prohibition de l’inceste relatif.
- La contestation de la remise en cause de la prohibition de l’inceste relatif par le juge
La remise en cause prohibition de l’inceste relatif portée par l’article 161 du Code civil appelle des remarques et même, plus certainement, des critiques quant à sa prévisibilité (A) et sa légitimité (B).
- Quant à sa prévisibilité
- Par nature, ce contrôle est casuistique car c’est dans l’espèce que cela se passe
- Ici, les éléments pris en compte : durée de l’union, l’absence d’opposition.
- Mais est-ce tout ? Peut-on imaginer d’autres critères ? Dans une décision ultérieure, on fait apparaître un autre critère, celui de l’enfant issu de l’union litigieuse (même si pas d’enfant en fait). Dans cette autre décision, le mariage est annulé alors qu’il avait duré pendant 9 ans. Cette fois-ci la situation était plus gênante - mais quand mettre le seuil entre l’atteinte proportionnée et celle qui ne l’est plus ? C’est un problème d’arbitraire du juge et, alors, se pose la question de la légitimité de la remise en cause.
- Quant à sa légitimité
- Problème essentiel : le juge vient écarter une règle légale, parfaitement applicable. Ce n’est pas comme dans les cas où le juge est invité par le législateur a fait un contrôle de proportionnalité ou bien parce qu’il se trouve face à deux droits qu’il faut faire cohabiter. Là, on a une règle parfaitement applicable et le juge s’en écarte.
- Et surtout, à développer cette méthode, ce sont l’ensemble des règles légales qui se trouvent désormais soumises à une forme de menace ; il y a un risque que le juge écarte l’application. V° la question du délai de prescription dans les actions en matière de filiation.
Civ. 1re, 4 décembre 2013, n° 12-26.006, Publié au bulletin
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