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Commentaire arrêt

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Par   •  18 Novembre 2018  •  Commentaire d'arrêt  •  1 578 Mots (7 Pages)  •  619 Vues

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Commentaire arrêt « Allègre c. France », requête no 22008/12.

Les revirements de jurisprudence, considérés comme étant des interprétations de la loi, présentent l’un des cas particuliers de l’application des lois pénales dans le temps.

Il s’agit d’un arrêt rendu par la CEDH le 12 juillet 2018, « Allègre c. France », requête no 22008/12.

En l’espèce, en mars 1994, l’époux de Madame Allègre, ingénieur au CEA, décéda au cours d’une explosion accidentelle. Au cours de l’instruction, la requérante se constitua partie civile. Aucune personne physique ou morale ne fut mise en examen malgré les demandes en ce sens des parties civiles au cours de l’instruction. Le 13 juillet 2005, onze ans après l’ouverture de l’information, le juge d’instruction rendit une ordonnance de non-lieu. Ni Mme Allègre, ni les autres parties civiles n’interjetèrent appel.

Le 1er février 2006, Madame Allègre fit citer directement le CEA devant le Tribunal correctionnel pour homicide involontaire. Le 13 mars 2007, le Tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence déclara la citation directe recevable. Le CEA et le ministère public firent appel du jugement et contestèrent la recevabilité de la citation directe. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence infirma le jugement. Madame Allègre forma un pourvoi en cassation. La Cour de cassation cassa l’arrêt et le renvoya devant la même cour d’appel autrement composée. Par un nouvel arrêt rendu le 2 novembre 2009, la cour d’appel infirma une nouvelle fois la décision de première instance et déclara la citation directe du CEA irrecevable. Le pourvoi en cassation de Mme Allègre fut cette fois-ci rejeté par arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 11 octobre 2011. Madame Allègre saisit la Cour européenne des droits de l’Homme (Cour EDH) par requête introduite le 6 avril 2012.

La requérante se plaint de n’avoir pu agir par voie de citation directe et exposer sa cause devant un tribunal, ce qui constitue une violation de l’article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales qui garantit le droit d’accès à un tribunal. Elle soutenait que l’exercice de cette voie de recours était effectif depuis la jurisprudence Botrans et que l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 11 octobre 2011 a constitué un revirement de jurisprudence imprévisible.

Il convient de se demander en l’espèce si le revirement de jurisprudence a été imprévisible, et permettait à la requérante de demander l’application non rétroactive de cette jurisprudence.

        

La Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH) rejette la requête de Madame Allègre et conclut à la non violation de l’article 6 § 1 de la Convention, aux motifs que la motivation de l’arrêt de la Cour de cassation du 11 octobre 2011 répondait aux exigences de l’article 6 § 1 de la Convention et qu’il n’y a pas eu violation de cette disposition en raison de la méconnaissance du principe de sécurité juridique.

Cet arrêt vient rappeler les conditions d’application particulières dans le temps des lois pénales de fond (I), tout en affirmant le principe de rétroactivité des revirements de jurisprudence prévisibles (II).

I. Les conditions d’application particulières dans le temps des lois pénales de fond

Dans un premier temps, nous verrons le cas particulier des revirements de jurisprudence par rapport aux lois pénales de fond (A), puis, dans un second temps, les conditions du principe de rétroactivité du revirement de jurisprudence (B).

A) Le cas particulier des revirements de jurisprudence par rapport aux lois pénales de fond

Les principes inhérents à l’application de la loi pénale dans le temps des lois de fond, à savoir le principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère, prévu par l’article 112-1 du Code pénal et de la rétroactivité in mitius, prévu par l’article 112-3 du Code pénal, ne sont pas applicables à la jurisprudence.

En effet, le premier principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère signifie qu’est applicable la loi pénale existante au jour de la commission des faits et que toute loi nouvelle postérieure à celle-ci qui s’avèrerait plus sévère, ne saurait recevoir application.

Le deuxième principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce, « in mitius », s’applique quant à elle aux infractions commises avant son entrée en vigueur et non pas seulement aux faits postérieurs à celle-ci. Lorsqu’on a une loi nouvelle plus douce, on considère que la loi ancienne ne survit pas et on peut ainsi profiter de l’abrogation ou de l’adoucissement d’une incrimination ou d’une peine.

À l’inverse, lorsqu’il s’agit d’un revirement de jurisprudence, on considère que ceux-ci doivent être rétroactifs, qu’ils se fassent de façon plus douce ou de façon plus sévère.

En effet, depuis l’arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 30 janvier 2002, le principe de non-rétroactivité ne s’applique pas à une simple interprétation jurisprudentielle de la loi pénale.

Toutefois, ce principe de rétroactivité doit répondre à certaines conditions.

B) Les conditions du principe de rétroactivité du revirement de jurisprudence : conditions d’accessibilité et prévisibilité de la loi

Si on considère qu’il y a une légalité matérielle qui existe, on a une difficulté du point de vue conventionnel car pour la Cour EDH, la jurisprudence est soumise à la légalité matérielle et donc aux exigences de prévisibilité et d’accessibilité de la loi. Autrement dit, les revirements de jurisprudence plus sévères ne devraient pas rétroagir en principe ou à tout le moins, devraient satisfaire les exigences de prévisibilité et d’accessibilité.

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