Commentaire arrêt sur base 1382 CC
Commentaire d'arrêt : Commentaire arrêt sur base 1382 CC. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Elie Badawi • 13 Mars 2018 • Commentaire d'arrêt • 2 111 Mots (9 Pages) • 851 Vues
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer » (article 1382 du Code Civil). Ainsi, pour engager la responsabilité civile d’une personne il faut qu’il y ait eu une faute de cette personne, que la victime de la faute ait subi un dommage et enfin il faut un lien de causalité entre la faute et le dommage. Ce lien de causalité est exigé au travers du verbe « cause » de l’article 1382 du Code Civil. Le lien de causalité a une double fonction : tout d’abord il doit être prouvé par la victime et d’autre part il peut permettre au prétendu responsable d’échapper à sa responsabilité s’il parvient à prouver que le dommage est en réalité lié à une cause étrangère.
En l’espèce, un commerçant fait plusieurs chèques à sa banque, mais celle-ci les refuse parce qu’ils sont sans provision et notifie au client une interdiction bancaire. Le lendemain le commerçant se suicide.
Sa femme, agissant en son nom personnel et en sa qualité d’administratrice légale de ses enfants mineurs, assigne la banque et demande réparation du préjudice résultant du décès de son mari. La Cour d’Appel rejette la demande en admettant que le suicide du mari n’était pas motivé par la rupture fautive du crédit imputable à la banque et que ce geste relevait du libre arbitre de la personne. La veuve forme alors un pourvoi en cassation.
Elle invoque la violation de l’article 1382 du Code civil. Elle fait grief à la Cour d’Appel de ne pas avoir admis le lien de causalité entre la rupture du crédit et le suicide de son mari alors que celui-ci s’est donné la mort devant la banque le lendemain du rejet et de la notification, que son mari avait sur lui la lettre d’injonction de la banque ainsi qu’une lettre adressée à ses proches leur faisant part de ses difficultés financières et enfin de ne pas avoir recherché si le suicide ne procédait pas du traumatisme psychologique provoqué par la rupture de crédit.
Le suicide d’un client venant de s’être vu refuser un crédit est-il imputable à l’action de l’établissement de crédit ?
La Cour de cassation répond par la négative et rejette le pourvoi. Le refus de l’établissement de crédit n’est pas considéré comme la cause du suicide et donc comme la cause du préjudice subi par la femme et ses enfants. La Cour de cassation admet que le suicide du client a un caractère « irrémédiable et excessif » relevant du libre arbitre de son auteur. La Cour ajoute que « rien dans les relations antérieures entre le client et la banque ne permettait de considérer que celle-ci avait connaissance de la fragilité de son client ».
Ainsi, la responsabilité civile ne peut être engagée en l’absence d’une condition essentielle comme le lien de causalité (I). A de nombreuses reprises la Cour de cassation a rejeté le lien de causalité entre une faute et un préjudice mais chaque décision reste casuistique. Par conséquent, cette décision s’inscrit dans le courant jurisprudentiel mais la portée de l’arrêt reste limitée (II).
- L’absence d’une condition essentielle dans la caractérisation de la responsabilité civile : le lien de causalité
Pour engager la responsabilité civile d’une personne il faut qu’il y ait une faute caractérisée, un préjudice subi et un lien de causalité entre la faute et le préjudice. Dans le cas présent, la faute et le préjudice sont présents (A) mais le lien de causalité est rejeté par le juge de la Cour de cassation (B).
- La présence d’une faute et d’un préjudice
La faute en présence est de nature contractuelle (1) et le préjudice est surtout subit par ricochet (2).
La faute en matière de responsabilité civile peut avoir plusieurs formes. Tout d’abord, elle peut constituer un comportement contraire aux bonnes mœurs et à l’ordre public. Dans ce cas, ce sera alors la responsabilité délictuelle de la personne fautive qui sera engagée. Ensuite, la faute peut être la mauvaise exécution voire l’inexécution d’un contrat. Par conséquent, la faute sera de nature contractuelle.
En l’espèce, une banque doit avertir son client que les chèques de ce dernier seront rejetés et qu’il risque une interdiction bancaire. Il est de son devoir, également, d’envoyer un préavis de rejet à son client. Or la banque a manqué à ses obligations et le client a subi une interdiction bancaire sans avoir été prévenu par avance.
Ainsi, la faute de la banque est de nature contractuelle car l’obligation d’informer son client avant de lui imposer une interdiction bancaire est une obligation contractuelle.
Ainsi, si la responsabilité de la banque était retenue, il s’agirait alors d’une responsabilité contractuelle. Or cette responsabilité contractuelle limite la réparation des dommages à ceux qui sont prévisibles à la formation du contrat.
Le préjudice par ricochet est un préjudice qui touche par contrecoup du dommage initial une victime indirecte. Dans le cas présent, il s’agit d’un commerçant qui se suicide. Par conséquent, sa femme, en son nom et « en sa qualité d’administratrice légale de ses enfants mineurs » demande la réparation du préjudice qu’ils subissent.
Ainsi, un lien de droit, non obligatoire, unit la victime directe et les victimes indirectes. Dans ce cas, il y a une présomption de souffrance. Par conséquent, la Cour de cassation accepte de réparer le préjudice moral que subissent la femme et les enfants de la victime.
Ainsi, deux conditions essentielles pour engager la responsabilité civile d’une personne (morale ou physique) sont réunies. Mais pour assigner la banque en responsabilité il faut que les trois conditions soient réunies or le lien de causalité est rejeté par le juge.
B – Un acte arbitraire rompant le lien de causalité
La troisième condition nécessaire pour que la responsabilité civile soit engagée est l’existence d’un lien de causalité. Il s’agit d’un lien de cause à effet entre le fait générateur, en l’espèce la faute contractuelle de la banque et le préjudice subi par la famille suite au suicide du père.
En l’espèce, les circonstances seraient en faveur d’un tel lien. En effet, le commerçant s’est donné la mort le lendemain du refus, devant l’agence, il détenait la notification et une lettre adressée à ses proches leur faisant part de ses difficultés financières et dans laquelle il imputait son geste au comportement fautif de la banque. De plus, il peut paraître louable que ce refus ait atteint psychologiquement le client.
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