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Commentaire arrêt Frata 1995

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Par   •  4 Février 2023  •  Commentaire d'arrêt  •  2 459 Mots (10 Pages)  •  536 Vues

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Commentaire universitaire (L3) de l’arrêt Frata du 10 octobre 1995

Cet arrêt de rejet rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 10 octobre 1995, surnommé l’arrêt Frata, constitue une illustration de principe de la transformation d’une obligation naturelle en obligation civile.

Un homme a gagné un pari sportif. Il devait donner 10% de ses gains à son collègue qui avait validé le ticket dans l’hypothèse où il remporterait la mise. Une fois vainqueur, il lui a assuré la remise de la somme, mais s’est par la suite rétracté.

Son collègue l’a donc assigné en paiement de la somme due. Les premiers juges ont accueilli sa demande, jugement repris par la cour d’appel de Metz dans un arrêt confirmatif en considérant que l’obligation naturelle du joueur s’est novée en obligation civile. Le gagnant se pourvoit donc en cassation contre cette décision.

En premier lieu, selon le demandeur au pourvoi, pour qu’il y ait novation de l’obligation naturelle une obligation civile doit préexister. Comme aucune dette n’existait entre les deux collègues, la transformation de l’obligation civile en obligation naturelle devait être réfutée. De plus la volonté de nover doit résulter clairement de l’acte alors qu’ici elle a été fondée sur l’interprétation d’un procès-verbal de comparution personnelle des parties et de témoignages.

La Cour de cassation a donc été amenée à trancher la question suivante : la promesse orale du don d’une partie des gains transforme-t-elle une obligation naturelle en une obligation civile ?

Dans un arrêt de rejet, la Cour de cassation rejette ces moyens et valide l’argumentation de la cour d’appel en ce qu’elle a souverainement retenu qu’il existait un engagement unilatéral manifestant la volonté du joueur de donner 10% de ses gains à son collègue, soit une obligation naturelle qui se transformait en une obligation civile à cause de la promesse.

        Par cet arrêt la Cour de cassation semble transformer une obligation naturelle en une obligation civile en se reposant sur l’engagement unilatéral d’un débiteur.

Ainsi, cet arrêt a affirmé la conception moderne de l’obligation naturelle en lui associant de nouveaux principes (I), principes dont les fondements semblent parfois discutables (II).

I – La modernisation bienvenue de la notion d’obligation naturelle dont découle un nouveau principe

        Les juges de la Cour de cassation dans cet arrêt affirment la conception moderne de l’obligation naturelle en précisant ses caractéristiques (A) ainsi qu’en introduisant un nouveau principe qui semble pourtant vacillant : celui de la transformation d’une obligation naturelle en obligation civile (B).  

  1. La clarification de la notion d’obligation naturelle précisée par le juge

Dans cet arrêt rendu le 10 octobre 1995, les juges du quai de l’horloge placent la notion d’obligation naturelle au centre de leur décision. C’est en effet cette obligation qui va se « transformer » en obligation civile et permettra aux juges de rejeter le pourvoi du joueur.

Cette notion n’avait pas été définie dans le Code civil napoléonien de 1804, la doctrine a donc tenté à plusieurs reprises de l’expliquer. Deux conceptions ont été dégagées : une conception classique et un autre moderne.

L’obligation naturelle, dans son sens classique, est une obligation civile dite « imparfaite ». Selon Aubry et Rau, créateur de la théorie de l’unicité du patrimoine, une obligation naturelle serait une obligation civile privée de son élément de contrainte, soit à cause d’un vice (par exemple une obligation civile prise par un incapable) ou d’un élément extérieur (lorsque l’obligation civile est prescrite).

Cette conception n’a en revanche pas été retenue, qu’il s’agisse de la réforme du droit des obligations résultant de l’ordonnance de 2016 ou encore de notre arrêt.

Nous devons en effet la théorie retenue à Ripert : la conception moderne de l’obligation naturelle considère que les obligations civiles et naturelles sont indépendantes, ces dernières résultant d’un devoir de conscience. En l’espèce le devoir de moral du gagnant de verser à son collègue les 10% convenus en cas de gain cristallise cette conception moderne de l’obligation naturelle puisqu’aucune obligation civile ne préexistait. C’est dans ce contexte que ne sera plus envisagée la conception classique de l’obligation naturelle déjà écartée dans un arrêt rendu en 1960 par la cour d’appel de Colmar ou encore par la première chambre civile de la Cour de cassation en 1987. 

Par ailleurs, l’ordonnance du 10 février 2016 viendra consacrer, sans la nommer, l’obligation naturelle à l’article 1100 du Code civil.

L’arrêt Frata est un arrêt de principe en termes de droit des obligations. Les juges du fond et ceux de la cour d’appel ont reconnu la novation d’une obligation naturelle. Outre la décision prise, cela démontre que ce sont les juges qui ont distingué l’existence de l’obligation naturelle. Cette distinction est seulement effectuée à postériori par les juges du fond à l’occasion du litige. Nous comprenons donc que c’est à ces derniers de déterminer si oui ou non il existe un devoir de conscience. Les juges ont donc un pouvoir très important que nous qualifierions de moralisateur qui se base sur leur propre ressenti, ce qui semble plus que dangereux dans la mesure où l’appréciation de chaque juge peut être faussée selon sa situation personnelle et ses croyances. Nous ne pouvons dans ce cas que nous reposer sur la bonne foi des juges et, nous pouvons l’espérer, sur leur rationalité et raisonnabilité.

Dans cet arrêt, l’obligation naturelle se « transforme » en obligation civile.

Une obligation civile se définit comme un lien de droit qui existe entre deux personnes en vertu duquel l’une d’elle, le créancier, peut exiger de l’autre, le débiteur, une prestation ou une abstention. Le créancier bénéficie donc d’une action contre son débiteur et peut le contraindre de s’exécuter, ce qui n’est pas le cas pour les obligations naturelles. Le principe dans notre arrêt serait donc que le collègue du gagnant ne puisse pas le contraindre à lui verser les 10% des gains convenus puisqu’aucun lien de juridique ne les liait, seulement un devoir moral.

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