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Commentaire arrêt Cass. 2e civ., 13 septembre 2018, N° de pourvoi : 17-22795

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Par   •  22 Novembre 2018  •  Commentaire d'arrêt  •  1 878 Mots (8 Pages)  •  5 442 Vues

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Commentaire arrêt Cass. 2e civ., 13 septembre 2018, N° de pourvoi : 17-22795

 

Le contentieux lié à la responsabilité des choses que l’on a sous sa garder amène régulièrement le législateur à trancher, comme en témoigne la décision de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 13 septembre 2018.

En l’espèce, une femme se blesse au poignet par le bris d’une porte vitrée se trouvant dans le domicile de son frère. Cette dernière décide alors d’assigner son frère, ainsi que l’assurance de celui-ci en réparation de son préjudice.

En première instance, la juridiction déboute la demanderesse.

Celle-ci forme alors un appel.

En seconde instance, ses demandes sont à nouveau rejetées par la cour d’appel de Bordeaux dans sa décision du 8 juin 2017.

Un pourvoi en cassation est ensuite formé par la demanderesse, considérant que les constatations faites par la cour d’appel de Bordeaux montre une fragilité excessive de la vitre, et que celle-ci est bien l’instrument du dommage. La demanderesse considère en outre que la cour d’appel n’a pas motivé sa décision en utilisation des motifs hypothétiques afin d’écarter le rôle actif de la partie vitrée de la porte dans la réalisation du dommage.

La responsabilité du gardien de la chose peut-elle être retenue si celle-ci ne revêt pas de caractéristiques anormales ?

Dans sa décision du 13 septembre 2018, la seconde chambre civile de la Cour de cassation répond à cette question par la négative et rejette le pourvoi, considérant que la responsabilité de l’homme en qualité de gardien de la chose ne pouvait être retenu, étant donné que la cour d'appel a pu décider que la vitre, qui s'était brisée parce qu'elle avait été heurtée par le poignet de la victime, n'ayant pas eu de rôle actif, et n'avait donc pas été l'instrument du dommage.

Cet arrêt qui s’inscrit dans un domaine de la responsabilité du fait des choses que l’on a sous sa garde très débattu, est particulièrement intéressant à étudier.

Afin d’étudier cet arrêt, il est primordial de voir dans un premier temps qu’il constitue un refus d’engager la responsabilité du gardien de la chose (I), et qu’il tend à clarifier des divergences jurisprudentielles (II).

 

I – Le refus d’engager la responsabilité du gardien de la chose

Il s’agira ici d’évoquer le fait que cet arrêt constitue l’affirmation de l’exigence du rôle actif de la chose pour indemniser la victime et retenir la responsabilité du gardien (a), puis que l’anormalité de la chose est vue comme un critère essentiel pour caractériser le rôle actif (b).

a) L’affirmation de l’exigence d’un rôle actif de la chose pour retenir la responsabilité du gardien

« On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ». Telle est l’affirmation posée par l’article 1242 alinéa 1 du code civil.

Dans cet arrêt la Cour de cassation ne retient pas la responsabilité du gardien de la chose qui est le propriétaire de la porte vitrée. Dans sa décision, la Cour de cassation estime en effet que la responsabilité du propriétaire ne peut être retenue qu'en cas de rôle actif de la chose.

La Cour se base ici sur la jurisprudence classique qui estime qu’il est en nécessaire que la chose ait été l’instrument du dommage pour que la responsabilité du gardien soit engagée. Ainsi, une chose parfaitement inerte (qui n’est donc pas en mouvement), qui n’est pas dans une position anormale, dont le fonctionnement n’est pas anormal, dont l’état n’est pas non plus anormal ou qui n’est pas dans une position anormale, ne peut être considérée comme l’instrument du dommage.

Pour être l’instrument du dommage, il faut donc que la chose ait joué un rôle actif dans la production du dommage. Pour qu’une chose inerte soit reconnue comme étant l’instrument d’un dommage, il appartient à la victime d’apporter la preuve que la chose ait été placée dans une position anormale et ait joué un rôle actif dans sa chute. Cette exigence posée par la Cour de cassation vient d’un célèbre arrêt de la chambre civile de la Cour de cassation « Dame Cadé » du 19 février 1941.

L’utilisation de cette exigence par les législateurs du 13 décembre 2018 montre une volonté de donner une place essentielle à l’anormalité de la chose afin de déterminer si celle-ci a eu un rôle actif ou non.

b) L’anormalité de la chose comme critère essentiel du rôle actif

La Cour de Cassation utilise en effet dans son arrêt du 13 septembre 2018 le critère de l’anormalité de la chose comme un critère essentiel pour caractériser le rôle actif de la chose, et donc rejeter le pourvoi de la demanderesse.

Ce raisonnement avait déjà été utilisée à ne nombreuses reprises, comme le montre l’arrêt de la deuxième chambre civile de la cour de cassation du 24 février 2005. En l’espèce, un tremplin avait été installé au bord d’un étang pour permettre d’y effectuer des sauts en VTT. Or il fut utilisé comme plongeoir par un touriste qui se blessa en heurtant le fond. La victime assigna le propriétaire du tremplin sur le fondement de l’art. 1384 alinéa 1er du code civil, mais fut déboutée par la Cour d’appel. La Cour de cassation approuve le raisonnement de cette dernière qui avait constaté « l’absence d’anormalité de la chose ».

 L’arrêt de la deuxième chambre civile de cette même Cour du 17 février 2005 constitue une illustration de cela. Ici, le conducteur d’un cyclomoteur, qui avait mis pied à terre en entrant dans la cour d’une propriété, avait fait une chute sur le sol recouvert de neige verglacée et avait été blessé. Il a pour donner suite à cela assigné le propriétaire en réparation de son préjudice. La cour d’appel repoussa son action au motif que « l’engagement de la responsabilité du gardien d’une chose inerte, telle que la neige et le verglas, suppose que leur présence ait eu un caractère anormal », ce qui n’était pas démontré dans le cas d’espèce. La Cour de cassation rejette donc le pourvoi, confirmant que « de ces constatations et énonciations, la Cour d’appel a pu déduire que le sol de la cour ne pouvait être considéré comme ayant été en l’espèce l’instrument du dommage ».

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