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Commentaire arrêt Bekheit 12/02/2020

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Par   •  21 Septembre 2021  •  Commentaire d'arrêt  •  2 064 Mots (9 Pages)  •  665 Vues

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CE, 12 Février 2020, Bekheit

Les gouvernants récents, dans leur lutte effrénée contre l’islamisme, ont participé à la confusion qui règne entre certains choix vestimentaires ou stylistiques et l’atteinte au principe républicain et constitutionnel de laïcité, il est possible par exemple de citer Christophe Castaner, ancien Ministre de l’Intérieur, qui devant plusieurs commissions parlementaires, disait qu’il fallait être sensible à la barbe parmi les signes de radicalisation des islamistes, provoquant de vives réactions de l’opinion publique, faussement inquiétée par les « hipsters » ou par la barbe arborée par le Premier Ministre Édouard Philippe..

Ce contexte social et politique peut venir expliquer la prudence des premières instances dans l’affaire du stagiaire en milieu hospitalier arborant une imposante barbe, au vu des déclarations du pouvoir en place, il semblait normal de vouloir caractériser une atteinte au principe de laïcité, mais le Conseil d’État va venir par la suite rétablir une certaine mesure dans l’établissement d’une telle atteinte.

En l’espèce, un homme a été accueilli en tant que stagiaire chirurgien dans le centre hospitalier de Saint-Denis, le directeur du service hospitalier lui demande à plusieurs reprises de tailler son imposante barbe, qu’il considère comme un signe ostentatoire d’une appartenance à une religion, mais le stagiaire refuse et laisse sa barbe comme elle est. Par une décision du 13 Février 2014, le directeur résilie la convention de stage de l’homme, à la fois à cause de sa barbe et d’une maîtrise insuffisante de la langue française, mais sans que ces motifs ne justifient un manquement aux exigences particulières liées au fonctionnement d’un bloc opératoire.

Le chirurgien stagiaire vient alors saisir le tribunal administratif afin de faire annuler la décision de résiliation de sa convention. Le tribunal administratif de Versailles, dans un jugement du 25 Septembre 2015, rejette sa demande. Le stagiaire interjette appel, mais dans son arrêt du 19 Décembre 2017, la Cour administrative d’appel de Versailles rejette son appel, en se fondant sur le fait que cette imposante barbe était perçue par les membres du personnel hospitalier comme une manifestation d’appartenance à une religion. Le stagiaire va donc former un pourvoi en cassation.

La barbe d’un stagiaire soumis aux mêmes principes qu’un agent du service public peut-elle être interprétée comme un signe de manifestation ostensible d’une appartenance religieuse, constituant une atteinte au principe de laïcité ?

Dans un arrêt du 12 Février 2020, le Conseil d’État annule la décision de la Cour administrative d’appel, car l’arrêt rendu en appel est entaché d’une erreur de droit, étant donné que les éléments sur lesquels se fondent les juges d’appel sont insuffisants pour caractériser une atteinte au principe de laïcité, et que l’absence de circonstances établissant que le stagiaire aurait effectivement manifesté des convictions religieuses au sein de l’hôpital, les arguments ne sont pas convaincants.

Dans sa décision, le Conseil d’État vient établir que le port d’une barbe, aussi imposante soit-elle, par un agent du service public, ne peut à elle seule caractériser une atteinte au principe de neutralité du service public (I), venant de ce fait fermer la porte à des discriminations futures, une barbe ne pouvant être considérée seule comme une, manifestation ostentatoire d'appartenance à une religion, même si l’entourage de l’agent la voit comme telle (II).

I : Le port d’une barbe imposante par un agent du service public, critère insuffisant à caractériser une atteinte au principe de neutralité du service public.

Dans de nombreuses décisions antérieures, les juridictions administratives ont mis en lumière des obligations spécifiques pour les agents du service public, notamment dans leur rapport au principe de neutralité et dans la détermination de ceux qui sont soumis à ces obligations, mais ces obligations sont nuancées en pratique (A), et en l’espèce le Conseil d’État va venir appliquer une nouvelle nuance à la définition d’une manifestation ostentatoire d’appartenance à une religion, afin qu’une barbe ne soit pas pénalisante sans raisons (B).

A : Une jurisprudence mettant en lumière des obligations spécifiques aux agents du service public, mais restant nuancée dans la pratique.

La jurisprudence a, au fil du temps, mis en lumière les différentes personnes englobées dans le terme « agent du service public », permettant en premier lieu de savoir si le stagiaire chirurgien du cas d’espèce est bien soumis au devoir de neutralité et de laïcité qui incombe à chaque agent du service public. Dans son arrêt du 28 Juillet 2017, le Conseil d’État vient affirmer que les élèves infirmiers, quand ils sont en stage dans un établissement de santé chargé d’une mission de service public, sont considérés comme les agents qui travaillent au sein de l’établissement et doivent donc respecter les obligations des agents du service public, notamment le principe de neutralité qui interdit toute manifestation ostentatoire d’appartenance à une religion. Ce premier arrêt vient donc montrer pourquoi les jugements en instance ont choisis de sanctionner la barbe d’un stagiaire comme si ils sanctionnaient un agent du service public qui arborait un signe religieux. Ce devoir de neutralité existe depuis longtemps au sein du service public, comme en témoigne les arrêts du Conseil d’État de 1950 et 1948, « Jamet » et « Pasteau », qui où le Conseil préconise déjà cette « stricte neutralité s’imposant à tout agent collaborant à un service public ».

Mais par ailleurs, dans son avis du 3 Mai 2000, le Conseil d’État vient rappeler que la liberté de conscience propre à tout agent du service public interdit toute discrimination liée à leur religion, mais malgré cela le principe de laïcité leur interdit de manifester ces croyances.

Encore plus récemment, dans la décision-cadre du Défenseur des Droits numéro 2019-205, ce dernier venait disposer qu’au sein de la fonction publique, il est impossible de caractériser une violation du principe de neutralité par le simple port d’une barbe, et bien que cette décision intervienne après le jugement rendu en appel, elle devrait aiguiller le jugement du Conseil d’État.

Si bien qu’en résumé, la jurisprudence est venue dire que les stagiaires dans des établissements assurants un service public étaient assimilés à des agents de

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