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CE, 13 juillet 2016

Commentaire d'arrêt : CE, 13 juillet 2016. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  13 Mars 2017  •  Commentaire d'arrêt  •  1 740 Mots (7 Pages)  •  4 244 Vues

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        Dans cet arrêt en date du 13 juillet 2016, le Conseil d’Etat illustre une fois encore la possibilité qu’il s’octroie d’établir les règles du contentieux administratif de manière prétorienne, praeter legem, c'est-à-dire dans le silence de la loi, voire même contra legem, à l'encontre de la loi.

        Le 24 juin 1991, le ministre de l'économie et des finances concédait à un ancien brigadier de police par le biais d'un arrêté le versement d'une pension de retraite ne prenant pas en compte la bonification pour enfants prévue dans le Code des pensions civiles et militaires de retraite. La notification reçu le 26 septembre 1991 contenait la mention du délai durant lequel l'administré pourrait effecteur un recours contentieux à l'encontre de l'arrêté mais ne faisait nullement mention de la juridiction compétente.

        Vingt-trois années plus tard, l'ancien brigadier saisit le tribunal administratif de Lille en annulation de l'arrêté du 24 juin 1991 en ce que celui-ci ne permet pas la bonification pour enfants. Le 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Lille rejette sa demande. Le requérant se pourvoit alors devant le Conseil d'État en lui demandant d'annuler l'ordonnance rendue par le tribunal administratif de Lille ainsi que l'arrêté du 24 juin 1991, d'enjoindre au ministre des finances et des comptes publics de modifier les conditions de s pension dans un délais de deux mois suivant la notification de l'arrêt du Conseil d'État, de revaloriser rétroactivement ladite pension à partir du 1er janvier 2010 et enfin, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en vertu de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

        La question posée devant l'Assemblée du Conseil d'État était celle visant à savoir si une imprécision quant aux modalités de recours contre un acte administratif individuel revenait à la possibilité de contesté cet acte devant la juridiction administrative sans délai.

        Le 13 juillet 2016,  l'Assemblée du Conseil d'État a annulé l'ordonnance du 2 décembre 2014 du tribunal administratif de Lille et a rejeté la demande de l'administré.

        Bien que cet arrêt et la nouvelle règle qu'il créé soit insécuritaire pour l'administré concerné (I), le Conseil d'État s'est cependant fondé sur le principe de sécurité juridique (II).

I- DU PRINCIPE DE SÉCURITÉ JURIDIQUE COMME FONDEMENT D'UN DÉLAIS TACITE

        Le principe de sécurité juridique au cœur de cet arrêt semble édicter une règle allant à l'encontre de la traditionnellement protection de l'administré en cas d'absence de notification des délais et de recours (A), cependant contrebalancée par la nature de « règle » du principe en question (B).

        A) UNE RÈGLE EN FAVEUR DE L'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE

  • Au terme de cet arrêt d'Assemblée du 13 juillet 2016, le Conseil d'État fait référence à la notion de sécurité juridique : « le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance ». Cela n'est pas rare puisque la notion de sécurité juridique est très présente en droit administrative en tant que véritable contre-pied aux pouvoirs exorbitants de l'administration. Dans une décision du 20 octobre 2011, Nedjet Sahin et Perihan Sahin c. Turquie, la Cour européenne des droits de l’Homme considère que le droit à un procès équitable doit être interpréter à la lumière du principe de sécurité juridique.

  • Cependant, traditionnellement, ce principe venait protéger l'administré. Il était comme autant de garantie contre la suprématie de l'autorité administrative, permettant justement l'établissement d'un procès équitable. C'est d'ailleurs en ce sens que le Conseil d'État a jugé en Assemblée le 24 octobre 1997 dans un recours Mme de Laubier que ledit Conseil ne pouvait se soustraire au possible recours à l'encontre un acte administratif au seul motif de l'absence de notification des voies et délais de recours. Ainsi, l'erreur effectuée par l'administration profite ordinairement à l'administré. En outre, si le délais indiqué par la notification est inférieur à celui prévu par les textes, selon l'arrêt Thiver du 22 octobre 2010, le délai à retenir est celui qui aurait dû être notifié. Dans le cas inverse, lorsque le délais prévu est supérieur à celui des textes alors il bénéficie au requérant aux termes de l'arrêt du Conseil d'État du 8 janvier 1992, Masses. En l'espèce, le Conseil d'État appréhende en espèce les effets de l’irrégularité de la notification sous l'angle du défendeur, de l'autorité administrative.

        Malgré le fait que dans son principe même cette règle soit une exorbitance de plus parmi les pouvoirs de l'administré, sa nature semble plus bénéficié à l'administré qui pourra se prévaloir du caractère supplétif d'une règle, en opposition à un principe.

        B) LE CHOIX D'UNE RÈGLE FAVORABLE À L'ADMINISTRÉ

  • Néanmoins, malgré cette apparente volonté de protéger l'administration contre l'absence de notification des voies et délais de recours, le Conseil d'État fait le choix d'édicter une règle et non un principe. En matière administrative, la différence terminologique entre règles et principes tient à leur position hiérarchique. Alors que les principes, normalement dits « principes généraux du droit », disposent d'un rang infralégislatif mais supradécrétal, les règles s'avèrent être supplétives. En effet, le pouvoir réglementaire peut y déroger.

  • Dans son arrêt du 13 juillet 2016, le Conseil d'État consacre cette règle dans son cinquième considérant et vient affirmer au début du considérant suivant qu'il s'agit bien d'une règle. Selon Frédéric Rolin dans sa lettre ouverte au Président de la République, la nature de ce principe peut amener d'aucuns à entrevoir la possibilité de passer outre, de renverser cette règle par voie décrétale. Ce choix de vocable peut être vu comme une manière de déroger aux dispositions réglementaires du Code de justice administrative et pas seulement comme un simple pouvoir créateur du juge administratif.

        Ce revirement jurisprudentielle n'a pas seulement des effets considérables en ce qu'il déstabilise la balance juridique du coté de l'autorité administrative, cet arrêt vient également une situation instable et peu sécuritaire pour l'administré ce qui va à l'encontre du principe de sécurité juridique sur lequel s'est fondé le Conseil d'État.

II- DE LA SITUATION INSÉCURITAIRE DE L'ADMINISTRÉ

        Face à ce délais dit raisonnable, l'administré se retrouve dans une situation juridique autant concernant des considérations matérielles, sur les actes concernés (A) que temporelle avec la possible limitation de la rétroactivité au passé (B).

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