Arrêt Hutchison
Fiche : Arrêt Hutchison. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar alex.sim • 6 Août 2017 • Fiche • 1 966 Mots (8 Pages) • 701 Vues
Analyse critique de l’arrêt Hutchinson.
L’arrêt Hutchinson constitue le dernier jalon d’une longue saga juridique dont les origines remontent jusqu’à l’arrêt Clarence (1) lui-même basé sur une abondante jurisprudence statuant, en essence, que des fraudes basées sur l’identité du partenaire ou sur la nature sexuelle de l’acte vicient le comportement de la victime. Les principes juridiques ainsi dégagés ont tracé les linéaments du Code criminel pendant près d’un siècle et ce, jusqu’à la révision de 1983. Ces principes en matière d’agression sexuelle se caractérisaient par leur difficulté d’interprétation dans la mesure ou le critère relatif à la nature et celui relatif à l’acte ne permettaient pas de différencier entre d’une part les tromperies qui viciaient le consentement et celles qui ne le viciaient pas. Entre d’autres mots, le Code ne permettait pas de trouver rapidement la mince ligne de démarcation séparant d’un part le domaine de l’affection partagée de celui du crime.
En 1983, les dispositions du Code furent remaniées avec l’introduction de l’article 265(3)c. Enfin, l’article 273a, introduit en 1992, définissait le consentement en fonction des préoccupations du législateur concernent la problématique de la violence faite aux femmes et aux enfants et ce, dans le respect de la protection des droits garantis par les articles 7 et 15 de la Charte et aussi, du moins nous l’espérons, dans la foulée des revendications féministes des années 1970. L’intention vraisemblable du législateur était à l’effet d’enfin clarifier la notion de consentement afin de rendre le processus judiciaire plus simple et prévisible pour les victimes (2).
Que l’on considère l’infraction d’agression sexuelle sous l’angle législatif ou bien sous celui de la jurisprudence, il appert que le droit criminel évolue vers une meilleure protection de l’autonomie sexuelle dans le sens ou il tend à conférer un degré de protection de plus en plus élevé au droit d’une personne de décider si elle va participer ou non à une activité sexuelle et dans quelles conditions. C’est justement dans cette longue perspective évolutive que Michelle Boivin (3) en vient à la conclusion qu’au fil de ses analyses des jugements majoritaires ou unanimes de la Cour suprême, il appert que les acquis du féminisme sont fragiles mais cependant bien réels.
S’il est de bon ton d’affirmer que de manière générale, le droit des femmes tend lentement à évoluer dans une perspective de plus en plus égalitaire, qu’en est-il du droit relatif aux infractions sexuelles ? Il peut être loisible d’affirmer que la justice est aveugle dans la mesure ou le droit est souvent idylliquement perçu comme étant neutre et objectif, s’appliquant ainsi uniformément à tous. Peut-on s’interroger sur l’égalité de droit entre les hommes et les femmes alors que traditionnellement c’est le droit des hommes qui s’applique aux femmes et ce, même en matière d’agression sexuelle. C’est justement dans cette perspective de recherche de l’égalité que nous allons tenter de situer ou se situe l’arrêt Hutchinson et de comprendre sa contribution relative à l’évolution du droit des femmes en matière d’agression sexuelle.
C’est pourquoi nous nous proposons d’inscrire notre démarche dans le giron global de celui de l’approche féministe du droit. Idéalement, nous souhaiterions pouvoir dégager de manière opérationnelle une caractéristique systémique présente dans notre droit que l’on pourrait qualifier d’endrocentrisme c’est-à-dire un à priori insidieux favorable aux valeurs masculines dominantes qui contaminent nos lois en pénalisant le droit des femmes dans une multitude de domaines, dont celui du droit criminel.
De manière générale, le féminisme est un ensemble de mouvements et d’idées philosophiques, politiques et sociales qui constituent en quelque sorte une directrice dont l’idée centrale consiste à tenter d’abolir dans de nombreux domaines les inégalités entre les homme et les femme et de promouvoir les droits de la femme. Dans une perspective plus juridique, le féminisme est traditionnellement considéré comme étant une doctrine qui préconise l’amélioration et l’extension du rôle et des droits des femmes en s’attachant à identifier les faiblesses de la loi et à les corriger. Le mouvement féministe créé suite à l’émergence des démocraties occidentales au siècle passé et organisé autour de divers groupes mais sans jamais présenter une structure organisationnelle ou bien une unicité théorique et universelle. En somme, il existe une diversité des féministes.
D’un point de vue francophone, la théorisation de la condition féminine et remonte aux années 1960 dans la foulée du mouvement de la libération des femmes en France. Ce mouvement s’inspirait alors beaucoup de l’œuvre de Simone De Beauvoir (1949) (4).
Dans une perspective plus canadienne, l’effort de théorisation s’inscrit dans la foulée des études féministes des années 1970, majoritairement américaines, se développant alors dans de nombreux départements universitaires de Women’s Studies ou de Feminist Studies. C’est justement dans cette veine que s’inscrit la démarche de remise en question ou plus justement de déconstruction de Michelle Boivin (5). Son approche théorique ne s’inscrit pas dans la foulée du radicalisme féministe mais bien dans celui d’un féminisme égalitaire, libéral et modéré. Sa prémisse de départ semble consister à affirmer que la discrimination dont sont l’objet les femmes est causé par des lois fondamentalement inégalitaires. Les femmes doivent donc chercher à atteindre l’égalité de droit formelle avec les hommes, c’est-à-dire à avoir exactement les mêmes droits et ce, au sein de la société et de ses institutions. Cette démarche pourrait permettre de situer l’arrêt Hutchinson dans la foulée du cheminement des idées féministes disséminées au fil des jugements de la Cour suprême.
Au fil des trente dernières années, la Cour suprême s’est penché sur des causes qui ont permis d’améliorer l’intégrité physique des femmes. Le très célèbre arrêt Morgentaler (6) portant sur les dispositions du Code criminel relatives à l’avortement a statué que ces dispositions portaient une atteinte déraisonnable au droit fondamental à la sécurité physique des femmes protégé par l’article 7 de la Charte. Pour sa part, l’arrêt Ewanchuk (7) est venu confirmer le fait que le consentement est une notion subjective déterminé par l’état d’esprit de la victime au moment de l’agression (8). Cette interprétation s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence développée depuis la mise en application des dispositions du Code criminel promulguées au début des années 1980 et 1992 (9). Selon les extraits des débats en chambre cités par les juges Abella et Moldaver, les modifications du Code criminel effectuée avaient pour but de clarifier la notion de consentement afin de rendre le processus judiciaire plus simple et prévisible pour les victimes (10
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