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Arrêt Manoukian

Commentaire d'arrêt : Arrêt Manoukian. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  2 Décembre 2018  •  Commentaire d'arrêt  •  1 976 Mots (8 Pages)  •  1 949 Vues

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Arrêt Manoukian du 26 novembre 2003 (Com. 26 nov. 2003)

Nous sommes en présence d’un arrêt rendu par la chambre commerciale financière et économique de la Cour de Cassation en date du 26 novembre 2003. Cet arrêt traite de la rupture abusive ou fautive des pourparlers.

Dans l’affaire examinée, la société Manoukian (cédant) a engagé des négociations avec les actionnaires X et Y de la société Stuck (cessionnaire) en vue d’acquérir des actions. Les pourparlers durent plusieurs mois durant lesquels, ils établissent plusieurs projets d’accord, jusqu’à ce que la société Manoukian apprenne que les actionnaires ont consenti à la société Les Complices, une promesse de cession de leurs actions.

Après l’arrêt de la Cour d’Appel qui condamne les actionnaires à payer à la société Manoukian 400 000 francs à titre de dommages et intérêts, les deux parties se pourvoient en cassation.

Nous avons donc dans cet arrêt une double critique de la décision d’appel. D’une part par les actionnaires, qui estiment que leur comportement n’est pas contraire à la bonne foi. Et d’une autre part par la société Manoukian qui déplore que la condamnation des consorts X ne soit que de 400 000 francs et qui déplore également la mise hors de cause de la société Les Complices.

La Cour de Cassation se demandait donc si la rupture unilatérale et dépourvue de bonne foi pouvait engager solidairement la responsabilité de son auteur et du tiers qui en profite pour conclure le contrat, et si oui la question posée à la Haute Juridiction était de savoir si l’indemnisation du préjudice comprenait la perte de chance d’obtention des gains.

La Cour de Cassation répond par la négative et rejette le pourvoi du cédant et du cessionnaire, elle reconnait qu’il y a eu défaut de bonne foi lors des pourparlers car les cédants ont fait des négociations parallèles avec une société tierce en laissant entendre à la société Manoukian que leur projet d’accord tenait encore. Cette rupture étant fautive et déloyale, elle entraine donc des dommages et intérêts à la société Manoukian pour le préjudice subi.

De plus elle rejette le pourvoi de la société Manoukian, elle estime que la société tierce n’a pas usé de manœuvres déloyales pour conclure le contrat. Et elle ajoute que l’indemnisation versée à titre de dommages et intérêts ne comprend pas la perte de chance contrairement aux frais occasionnés lors de la négociation qui eux le sont.

Cette décision reconnait la rupture abusive des pourparlers (I) et nous étudierons donc la nature des dommages et intérêts pris en considération (II).  

  1. La rupture abusive des pourparlers

La mise en œuvre de la responsabilité civile et délictuelle suppose que le principe de liberté et l’exigence de bonne foi ne soient pas respectés par une des parties des pourparlers (A) mais que cela n’engage tout de même pas la responsabilité du tiers qui en a profité. (B)

  1. La liberté et l’exigence de bonne foi

Les pourparlers ont deux exigences qui font partie des grands principes du droit des contrats : la liberté et la bonne foi.

Nous sommes tous présumés de bonne foi. La bonne foi nécessite pour le cocontractant d’être honnête et de dire la vérité. Cette nécessité a été reconnue à plusieurs reprise par la jurisprudence (Com.2 juillet 2002). Les parties doivent donc négocier de manière loyale.

Mais lorsqu’un des partenaires commet une faute extérieure à la rupture, sa responsabilité civile délictuelle est alors engagée.

Finalement, la rupture des pourparlers n’est pas un acte fautif en lui-même.

L’abus est à l’évidence constitué lorsque l’auteur de la rupture est motivé par l’intention de nuire à son partenaire. C’est le cas de celui qui rompt des négociations, engagées sans intention sérieuse de contracter, à seule fin d’obtenir la révélation de certains secrets par exemple. Tel était le cas, en l’espèce, du fait que l’interlocuteur de la société Manoukian lui avait laissé croire que la conclusion du contrat projeté était encore possible, alors que ce contrat était déjà conclu avec la société Les complices. Dans cette espèce, les pourparlers étaient très avancés et avaient fait naître chez la société Manoukian une confiance dans la conclusion du contrat. Ainsi la chambre commerciale a jugé la rupture brutale et sans motif légitime des pourparlers qui se sont déroulés pendant une longue période à un caractère fautif (Com. 7 janv. 1997).  Et la même chambre a jugé que la rupture, pour des considérations internes au groupe, de négociations durant lesquelles il avait été laissé espérer au partenaire pendant quatre années un accord définitif, est dépourvue de motif légitime (Com. 7 avr. 1998).

Et si la responsabilité de la rupture abusive de période précontractuelle est reconnue pas la Haute Juridiction dans cet arrêt, il n’en est pas de même pour la société tierce.

  1. La responsabilité du tiers

La rupture des pourparlers dont se plaignait la société Manoukian s’expliquait par le fait que les consorts X et Y avaient finalement conclu le contrat projeté avec un tiers : la Société les Complices. La société Manoukian lui ayant également demandé réparation, la Haute Juridiction avait dû répondre à une question à laquelle elle n’avait encore jamais fait face. En effet, il s’agissait là de dire, si oui ou non la responsabilité du tiers qui profitait de la rupture abusive des pourparlers voyait sa responsabilité délictuelle engagée. Pour la Cour de Cassation le seul fait de contracter, en sachant même que la société en question a déjà engagé des pourparlers avec une société tierce, ne présente en aucun cas, s’il n’est pas motivé par des intentions de nuire ou par de manœuvres déloyales, une faute qui engagerais son auteur.

Cela tient à un principe, celui qui irrigue la matière est le principe de la liberté. En effet, chacune des parties est libre de rompre à tous moments, la négociation contractuelle, il n’y a aucune obligation de conclure le contrat.

Il convient d’observer que pendant la phase de négociation, il est possible de mener des négociations parallèles avec d’autres partenaires. On n’a aucune obligation d’informer son partenaire.

En l’espèce, même si cela semble déloyale dans l’arrêt Manoukian, il n’en est rien. La Cour de Cassation estime que la responsabilité du tiers n’aurait pu être engagée qu’en cas de volonté de nuire ou de manœuvres frauduleuses. Les manœuvres frauduleuses peuvent être vues comme par exemple de fausses informations communiquées sur un concurrent. L’intention de nuire quant à elle, peut se manifester par l’acceptation d’un contrat dans le but de faire échouer les pourparlers de son concurrent.

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