Arrêt Manoukian
Commentaire d'arrêt : Arrêt Manoukian. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Sixtine Riescher • 17 Octobre 2017 • Commentaire d'arrêt • 2 030 Mots (9 Pages) • 1 806 Vues
Commentaire arrêt Manoukian
L’offre, en vue de la conclusion d’un contrat, est souvent précédée d’une phase de discussion qui mène donc vers la formation du contrat on appelle cela les pourparlers.
En application du principe de la liberté contractuelle, les pourparlers peuvent être rompus, dans la mesure où les parties ne sont pas encore liées par un contrat.
Cependant, leur rupture fautive peut engager la responsabilité de celui qui la commet.
L'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation rendu le 26 novembre 2003 porte sur la période pré-contractuelle des pourparlers. Ils désignent la période pendant laquelle les futurs contractants échangent leurs points de vue, formulent et discutent les propositions qu’ils se font mutuellement afin de déterminer le contenu du contrat sans être pour autant assurés de le conclure. Le Code civil ne s'intéresse par directement à cette période. Ainsi, faute de textes c’est la jurisprudence qui a posé les grands principes applicables à cette période.
En l’espèce, La société Alain Manoukian, engage avec deux actionnaires de la société Stuck, des négociations afin d’acheter les actions composant le capital de cette société. La société Alain MANOUKIAN et les deux actionnaires cédants engagent des pourparlers au printemps de l’année 1997 qui débouchent peu de temps après sur l’établissement d’un projet de protocole d’accord comprenant plusieurs conditions suspensives. Suite à de nouvelles discussions, la société Alain Manoukian accepte les demandes de modifications formulées par les cédants et propose de reporter la date limite de réalisation des conditions. En parallèle et sans en informer la société Manoukian, les cédants engagent des discussions avec la société Les Complices, portant également sur la cession des actions de la société Stuck. Plus tard dans l’année, les cédants consentent à la société Les Complices une promesse de cession des actions de la société Stuck. Entre temps, un nouveau projet de protocole de cession est adressé aux cédants par la société Alain Manoukian. Ce n’est que le plus tard, que les cédants cessent leur discussion avec la société Alain Manoukian qui apprend l’existence d’un protocole d’accord signé avec la société Les Complices. La société Alain Manoukian demande alors à ce que les cédants et la société Les Complices soient condamnés à réparer le préjudice résultant de la rupture fautive des pourparlers. La Cour d’Appel de Paris, par un arrêt rendu le 29 octobre 1999, condamne les cédants à payer la somme de 400 000 francs à la société Alain Manoukian à titre de dommages et intérêts et met hors de cause la société Les Complices.
Les cédants contestent l’arrêt rendu par la Cour d’Appel et forment un pourvoi en cassation en estimant ne pas avoir eu de comportement fautif. De plus, la société Alain Manoukian conteste également l’arrêt rendu et forme aussi un pourvoi en cassation en estimant, d’une part que le montant du préjudice retenu est insuffisant, et d’autre part que la responsabilité de la société Les Complices est engagée.
La rupture unilatérale et déloyale des pourparlers peut elle engager solidairement la responsabilité de celui qui décide de rompre les négociations et celle de celui qui profite de cette manoeuvre déloyale pour conclure le contrat ?
La Cour de Cassation y répond en rendant un arrêt de rejet. Elle valide l’existence d’une faute extracontractuelle, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, de la part des cédants car ils ont rompu les négociations brutalement en ayant été de mauvaise foi.
Elle estime de plus que la société Alain Manoukian était en droit de penser que les cédants étaient toujours disposés à lui céder leurs actions. En effet, les actionnaires de la société Stuck, qui avaient conduit des négociations parallèles avec la société Les Complices, n’avaient informés la société Alain Manoukian de cet accord que 14 jours après sa signature, tout en continuant à laisser croire que seul l’absence de leur expert comptable retardait la signature du protocole.
D’autre part, la Cour de Cassation considère que le préjudice correspond aux dépenses engagées par la société Alain Manoukian dans le cadre des discussions et non à la perte de chance de ne pas avoir pu acquérir les actions de la société Stuck. Enfin, la Cour de Cassation estime que la responsabilité extracontractuelle de la société Les Complices n’est pas engagée car elle n’a pas commis de faute à l’égard la société Alain Manoukian.
Pour répondre à la question posée nous verrons dans un premier temps la rupture fautive des pourparlers (I), puis dans un deuxième temps les conditions de réparation du préjudice subi (II).
I) La rupture fautive des pourparlers.
Nous observerons d’abord que dans cette affaire, la Cour de Cassation confirme la jurisprudence antérieure (A), puis nous observerons la position qu’elle adopte en ce qui concerne le sort du tiers contractant (B).
A) Confirmation de la jurisprudence antérieure.
Pendant longtemps, la rupture des relations pré-contractuelles n’a donné lieu qu’à très peu de contentieux, la liberté de ne pas contracter étant assimilée a un véritable dogme.
Toutefois, la jurisprudence tend à ne plus abandonner entièrement la période pré-contractuelle à la discrétion des parties, et prend en considération le fait que la préparation d’un contrat définitif, souvent lente et progressive, peut engendrer, des coûts financiers importants pour l’acquéreur évincé .
Aussi, dans cette matière, l’enjeu réside dans la conciliation du principe de la liberté contractuelle, de la bonne foi et du souci légitime de sécurité des partenaires.
Désormais, au regard du droit positif, la phase de négociation est, de plus en plus, soumise à un régime de liberté surveillée, se traduisant par un accroissement sensible du nombre des condamnations pour rupture fautive des pourparlers.
Selon qu’un accord pré-contractuel aura été conclu ou non, la rupture injustifiée des pourparlers entrainera la responsabilité contractuelle ou délictuelle de son auteur.
Dans tous les cas, la victime de la rupture devra apporter la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux. La jurisprudence est parfois conduite à rappeler l’exigence d’un tel lien de cause à effet, notamment dans le cas de réparation d’une perte de chance.
Les dispositions régissant les négociations pré-contractuelles sont régies par les nouveaux articles 1112 et 1112-1 du code civil, qui reprennent entièrement la position de la Cour de Cassation dans l’affaire Alain Manoukian. Ainsi, dans le projet d’ordonnance portant sur la réforme du droit des obligations, c’est la position de la jurisprudence qui a été reprise, il y a donc une codification de la position de la jurisprudence.
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