Analyse Pierre JURIEU, Lettres pastorales adressées aux fidèles (protestants) de France qui gémissent sous la captivité de Babylone

Pierre Jurieu (1637-1713) est, avant tout, un homme religieux français. C’est, plus précisément, un pasteur calviniste ce qui signifie qu’il partage les convictions de la théologie protestante développée par Jean Calvin au XVIème siècle au moment du schisme chrétien. Plusieurs éléments biographiques témoigne de l’engagement religieux de P. Jurieu: son père est le pasteur de l’Eglise protestante de Mer dans le diocèse de Blois, il développe durant ses études une thèse de théologie (De Vita Dei) et il devient pasteur et professeur de théologie à Rotterdam. Jurieu est aussi un écrivain et pamphlétaire qui défend avec ferveur (certains dirons avec agressivité) sa position sur l’organisation de la monarchie absolue de Louis XVI et les propos développés par les théoriciens absolutistes comme Bossuet. Ces publications contestataires et la fermeture de l’académie réformée de Sedan sur ordre du roi l’obligeront, en 1681, à s’exiler en Hollande d’où il rédigera ses Lettres pastorales, hanté par la situation de protestants persécutés en France.

Les Lettres pastorales adressées aux fidèles(…) sont un périodique annoncé comme bimensuel dont le premier numéro remonte au 1er septembre 1686 dont les dernières lettres seront publiées en 1694. Les lettres seront diffusées clandestinement en France et répandues dans toute l’Europe. L’objectif poursuivi est double, à la fois religieux et politique. Sur le plan religieux, l’auteur se propose d'instruire les fidèles persécutés en leur donnant des arguments contre leurs convertisseurs, et de les consoler en leur prêchant la patience et l'espérance. Le périodique tire son nom de la fameuse Lettre pastorale adressée par Bossuet, pour Pâques 1686, aux « nouveaux catholiques » de son diocèse. Cette référence annonce in médias res l’opposition de Jurieu envers ce théologien qui affirma qu’aucune persécution n’a été organisée à l’encontre des protestants en France. De manière plus générale, ces lettres sont adressées à l’ensemble des persécuteurs catholiques comme le montre la référence à « Babylone » qui désigne l'Eglise de Rome avec laquelle les protestants ont rompu. Remarquons finalement que la première publication des Lettres pastorales concorde avec la révocation de l’Edit de Nantes (octroyant une certaine liberté de culte aux protestants), survenu un an plutôt avec la signature de l’édit de Fontainebleau, le 18 octobre 1685. Sur le plan politique qui nous intéresse ici, Jurieu critique le recours au droit divin, les dérives de la monarchie absolu et défend l'égalité des droits de l’Homme ainsi que le droit de résistance à la persécution. La forme périodique permet alors a Jurieu d’adapter son propos au contexte immédiat, ses explications ont chaque fois un écho particulier avec les circonstances.

La lettre XVI dont notre extrait est issu s’inscrit dans le long règne de Louis XIV (règne personnel du roi après 1660), le Roi soleil, qui marque l’apogée de l’absolutisme monarchique et de la répression des contestations du pouvoir monarchique absolu. La souveraineté appartient exclusivement au roi et est uniquement exercée par lui. Depuis les Six livres de la République de Jean Bodin de 1576, l’absolutisme doctrinal s’est renforcé, la monarchie absolue est totalement intégrée dans le discours politique et est présentée comme quelque chose de naturelle et d’indiscutable. Plus exactement, la lettre XVI a été publiée en 1689 lors de la « Glorieuse Révolution » (1688-1689) dirigée par Guillaume III d’Orange, que Jurieu assimile à celui qui rendra à tous la liberté de conscience. L’auteur qualifie alors la révolution de 1988 comme étant « la merveille de notre temps ».

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