Analyse de texte - Lettre à Lucilius de Seneque
Commentaire de texte : Analyse de texte - Lettre à Lucilius de Seneque. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar nabichoco • 28 Mars 2021 • Commentaire de texte • 1 593 Mots (7 Pages) • 3 104 Vues
Sénèque, célèbre philosophe stoïcien, voyait dans la philosophie une utilité au quotidien des hommes. La correspondance de Sénèque avec son ami Lucilius donne une bonne image des débats et des sujets qui pouvaient intéresser les hommes cultivés de l’empire romain au Ier siècle après J.-C.
Dans cet extrait de la lettre I des Lettres à Lucilius, il traite des sujets du temps et du bonheur, en liant intimement la mort au passé, et l’inquiétude à l’avenir. Il va essayer de montrer à Lucilius comment estimer le temps à sa juste valeur pour être heureux.
Nous pouvons ainsi nous demander comment, dans ce passage, Sénèque montre à Lucilius que notre perception du temps est la clé de notre bonheur.
L’auteur pose le sujet, et commence l’extrait par une question rhétorique. : « Quel est l’homme qui connaît le prix du temps, qui sait estimer la valeur d’une journée et comprendre qu’il meurt un peu chaque jour ? » C’est avec cette question ouverte et orientée qu’il pose le sujet et le thème.
Ouverte, car il est difficile de trouver une réponse à une question métaphorique qui traite du prix du temps. Le prix, est une valeur tangible que l’on peut quantifier, additionner, soustraire, multiplier, comparer et convertir. Il paraît donc assez contre-intuitif de le lier à un concept aussi abstrait et flou que celui du temps. Comment donner un prix au temps ? Comment pourrait-on estimer une journée ?
En plus d’être ouverte, la question est orientée puisqu’en rapprochant ces deux concepts, il invite Lucilius ainsi que le lecteur à considérer le temps comme une chose tangible que l’on peut quantifier. Il brouille nos repères, nous invite à repenser les définitions que nous avons des choses, et nous incite à porter sur le temps la même vision que l’on pourrait porter sur les biens meubles que nous possédons et qui nous entourent.
Il continue sa question en nous parlant de « comprendre qu’il meurt un peu chaque jour ».
C’est déjà là un point de vue, et une vision sur la vie. On pourrait penser par exemple que l’on vit un peu plus chaque jour, et que chaque réveil est une victoire supplémentaire sur la mort.
Or l’auteur utilise cette expression dans un but bien précis qui est celui de nous faire prendre conscience de l’importance du temps qui passe. Il poursuit son explication en nous encourageant à considérer la mort comme étant un domaine du passé. C’est là également un raisonnement contre naturel, et contre-intuitif puisque nous avons tendance à voir la mort comme un évènement à venir.
Mais il explique que ce qui est vraiment mort n’est rien d’autre que le temps qui est déjà passé et qu’on ne peut rattraper.
La mort est ainsi reléguée au statut du passé plus que du futur. En effet, comme il le dit clairement dans sa phrase : « notre erreur est de ne voir la mort que devant nous, alors qu’elle est en grande partie derrière. »
Par cet exercice de la pensée, il cherche à dépouiller la mort de ce qu’elle a de plus inquiétant.
En effet, nous avons tendance à nous méfier des évènements qui arrivent, mais très peu des évènements passés puisqu’ils sont connus, donc il ne s’agit pas d’une source de mystère.
Son utilisation du pronom « nous » marque une forte volonté d’atténuer sa présence et de vider son affirmation de tout jugement personnel, afin de lui donner une valeur « objective » et presque de « vérité générale ».
Ainsi, en commençant sa lettre par une question et une affirmation que l’on pourrait croire neutres alors qu’elles portent déjà en elles des arguments à sa thèse, il nous fait implicitement part de son point de vue.
Par ces techniques d’argumentation, il nous invite subtilement à changer notre perception des concepts du temps, de la mort, de l’avenir, concepts familiers avec lesquels nous avons pourtant toujours vécu.
Il poursuit son argumentation en s’adressant directement à Lucilius, et lui ordonnant d’agir : « Agis donc, mon cher Lucilius ».
En interpellant Lucilius, il change le rythme de la lettre et tente de capter notre attention. Sénèque s’adresse non seulement à Lucilius, le destinataire de la lettre, mais à chaque lecteur qui s’identifiera à ce « tu ». L’emploi de l’impératif dans les verbes « agis », « saisis » soutient l’idée que lui seul peut se libérer des contingences extérieures. Cela n’est pas qu’une simple invitation, mais devient une obligation morale.
Sénèque cherche à impliquer le lecteur, et à susciter la réflexion et la prise de conscience.
Cette idée est renforcée par le mot « maître ».
Sénèque dit : « En étant maître du présent, tu dépendras moins de l’avenir. À force de remettre à plus tard, la vie passe ». Il veut donc que l’on se délivre de l’inquiétude du lendemain en s’appliquant à la tâche aujourd’hui. La réflexion sur l’avenir ne peut être que cause de soucis. L’imagination nous fera espérer ou craindre.
Il poursuit son idée en affirmant « Seul le temps nous appartient ». Tout comme au début de la lettre, il utilise la même technique qui nous pousse à réfléchir dans une direction qui ne nous parait pas logique au premier abord, comme une sorte de provocation.
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