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Commentaire du Gorgias de Platon

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Par   •  15 Janvier 2018  •  Commentaire de texte  •  3 816 Mots (16 Pages)  •  8 028 Vues

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Commentaire de Texte

Ce texte est un extrait du Gorgias en 464e2- 465b2 dans lequel Socrate montre que le rapport qu’entretient la rhétorique avec la justice est analogue à celui qu’entretient la cuisine avec la médecine. « Rhétorique » et « cuisine » sont toutes deux ce que Socrate appelle des « flatteries ». Les flatteries s’appuient sur une imitation fallacieuse des véritables arts et donnent toutes l’apparence d’apporter autant de bien, si ce n’est un plus grand que les arts véritables, mais elles n’en apportent en réalité aucun.  Avant cet extrait Socrate explique qu’il existe quatre grands arts : la médecine et la gymnastique, la justice et la législation. Ces disciplines sont des « arts », des « techne », c’est-à-dire des disciplines dont la pratique émane d’un savoir fondé en raison et qui, de surcroit, apporte un bien véritable à l’homme. Ainsi, les deux premières formes d’art, la médecine et la gymnastique, apportent un plus grand bien au corps, les deux autres, la justice et la législation, apporte un plus grand bien à l’âme. Or de manière concomitante, la flatterie s’est développée et s’est glissée subrepticement sous chacune de ces quarte disciplines et elle a pris le masque de l’art qu’elle a imité. Or contrairement à l’art, la flatterie a pour seule intention de feindre et de faire-semblant sans se préoccuper d’apporter un bien quelconque à la personne qu’elle déguise. Dans cet extrait, Socrate prendra l’exemple de la cuisine puis de l’esthétique pour en dépeindre les travers. Ce qu’il ne faut cependant pas oublier c’est le projet platonicien qui guide l’œuvre du Gorgias qui est une interrogation constante sur la nature de la rhétorique. Nous verrons dans cet extrait que l’ensemble de la critique que Socrate adresse à la cuisine puis à l’esthétique et plus généralement aux pratiques auxquelles il donne l’appellation de flatteries, valent aussi pour la rhétorique. Notre problématique sera donc la suivante :

En quoi la critique des pratiques comme la cuisine ou l’esthétique, considéré comme des flatteries par Socrate, nous renseigne en creux sur la nature pernicieuse de la rhétorique qui en définitive n’est qu’un savoir-faire et non un art, agissant nullement dans la perspective d’un bien pour l’homme ?

 « Voilà ce que j’appelle flatterie, et je la déclare bien vilaine ». Voici en quels termes Socrate s’exprime à propos de la cuisine au début de l’extrait. Pour lui, cette dernière est une pratique délétère car « elle vise à l’agréable sans souci du meilleur ». Cette expression sera fondamentale pour la compréhension de la nature de la rhétorique. Nous allons donc dans ce premier paragraphe définir la nature de la flatterie selon Socrate à travers l’exemple de la cuisine pour montrer qu’elle provoque une confusion entre hédonisme momentané et bien durable. Cette définition vaudra par la suite pour la rhétorique qui ne fait que donner l’illusion du bien sans pour autant l’apporter.  

Pour commencer, nous pouvons dire que La cuisine comme toutes les autres flatteries, a pour seul objectif de procurer chez l’individu un sentiment de plaisir et non de lui apporter un plus grand bien. Elle recherche le plaisir gustatif momentané et non le bien-être de l’individu à plus long-terme. La notion de « bon plat », communément employé de nos jours, peut d’ailleurs faire l’objet d’une courte analyse en relation avec l’idée que nous voulons expliciter. En effet, l’ambivalence sémantique de l’adjectif « bon » dans l’expression « bon plat » fait écho de manière assez retentissante au propos de Socrate. Aujourd’hui dire d’un repas que c’est un « bon » plat c’est vouloir dire qu’il est bon en bouche, qu’il procure un plaisir gustatif. On exprime par-là la stimulation immédiate qu’il produit sur nos sens, à commencer par le goût, mais aussi sur l’odorat et la vue. Pensons au plaisir que peut procurer la vue d’une raclette ou de pâtisseries, qui attisent spontanément l’appétit et la gourmandise chez l’individu.  Ce que nous retenons est donc la sensation accommodante et plaisante que le plat procure sur nos sens et que nous transcrivons par cette expression. Ainsi l’expression de « bon plat », dans son acception populaire, semble s’arrêter à une dimension purement hédoniste du terme « bon ». Or cette expression devrait avant tout être employé pour qualifier un plat qui nous apporte un bien sanitaire, un bénéfice pour notre organisme. Or c’est justement ce second pan fondamental de l’expression que nous avons tendance à délaisser au profit de la dimension purement hédoniste de l’adjectif nous dit Socrate à travers sa critique de la cuisine. Un « bon plat » doit avant tout être un plat dont la qualité et la diversité des aliments apportent au corps les nutriments nécessaires pour son bon fonctionnement à long terme. Le rapport au temps qu’entretiennent les deux acceptions du terme sont d’ailleurs intéressantes. Celui qui se focalise sur la dimension purement hédoniste du plat, entretient une relation à la temporalité immédiate, il jouit d’un plaisir momentané, immédiat et éphémère, tandis que celui qui prend en compte la dimension plus noble du plat, comme condition de bien-être pour le fonctionnement de son corps, se place dans une temporalité à plus long-terme et recherche un état de bien-être durable.  Aujourd’hui cette question d’apparence pourtant évidente, est devenue depuis une quinzaine d’années une question d’Etat.  Cette préoccupation a en effet l’objet d’une politique de santé publique par la création du programme national nutrition santé  en 2001 par le ministère de la santé.  Ce programme a pour objectif général l’amélioration de l’état de santé de l’ensemble de la population en agissant sur l’un de ses déterminants majeurs : la nutrition. Il vise par exemple la population à diminuer la consommation générale de sel et de sucre, qui, à long terme peuvent provoquer des maladies comme le diabète. On peut en avoir un aperçu de manière quotidienne par les campagnes de prévention télédiffusées exhortant la population à « manger cinq fruits et légumes par jours », ou à « manger moins gras, moins sucré, moins salé ».  Ainsi, tout comme le ministère de la santé, Socrate nous exhorte à nous focaliser sur ce qui est bon à long terme et non agréable à court terme. L’adage français que l’on doit à Jacques Chirac « Bien manger c’est le début du bonheur », ne serait-il pas pétri d’une sagesse Socratique ? Quoi il faut garder à l’esprit qu’en filigrane de cette critique de la cuisine qui se cache une critique de la rhétorique qui possède cette même propension délétère que la cuisine à « viser l’agréable sans souci du meilleur » ?

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