Jean-Jacques Rousseau, Lettre sur vertu (1757), Mille et une nuits, 2012, pages 19-20
Commentaire de texte : Jean-Jacques Rousseau, Lettre sur vertu (1757), Mille et une nuits, 2012, pages 19-20. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar aniesse1111 • 14 Novembre 2022 • Commentaire de texte • 2 093 Mots (9 Pages) • 381 Vues
Texte expliqué :
« Je crois donc qu’en devenant homme civil j’ai contracté une dette immense avec le genre
humain… ». D’emblée, Rousseau souligne une reconnaissance envers le genre humain et la société
qui peut, au premier abord, étonner. Autant, chacun d’entre nous, nous sommes susceptibles
d’éprouver de la « Je crois (…) qu’en devenant homme civil j’ai contracté une dette immense avec le
genre humain, que ma vie et toutes ses commodités que je tiens de lui doivent être consacrées à son
service ; je vois de plus que si je puis me procurer une sorte de bien-être exclusif et quelques plaisirs
douteux en sacrifiant tout à moi seul, je ne pourrais m’assurer un état de paix et une félicité durable
que dans une société bien ordonnée ; je vois que si je ne respecte pas en autrui les droits que je veux
qu’on respecte en moi, je me rends le commun ennemi de tous et n’ai d’autre sécurité, dans l’inique
possession de mes biens, que celle des brigands qui dévorent dans leurs cavernes les dépouilles des
infortunés. Ce devoir sacré que la raison m’oblige à reconnaître n’est point proprement un devoir de
particulier à particulier, mais il est général et commun comme le droit qui me l’impose. Car les
individus à qui je dois la vie, et ceux qui m’ont fourni le nécessaire, et ceux qui ont cultivé mon âme,
et ceux qui m’ont communiqué leurs talents peuvent n’être plus ; mais les lois qui protégèrent mon
enfance ne meurent point ; les bonnes mœurs dont j’ai reçu l’heureuse habitude, les secours que j’ai
trouvés prêts au besoin, la liberté civile dont j’ai joui, tous les biens que j’ai acquis, tous les plaisirs
que j’ai goûtés, je les dois à cette police universelle qui dirige les soins publics à l’avantage de tous les
hommes, qui prévoyait mes besoins avant ma naissance, et qui fera respecter mes cendres après ma
mort. Ainsi mes bienfaiteurs peuvent mourir, mais, tant qu’il y a des hommes, je suis obligé de
rendre à l’humanité les bienfaits que j’ai reçus d’elle. »
Jean-Jacques Rousseau, Lettre sur vertu (1757), Mille et une nuits, 2012, pages 19-20
A de très rares exceptions près, et cette règle est confirmée, tous les hommes vivent dans une
société politique, c'est-à-dire un groupe de personnes sur un territoire particulier, obéissant aux
règles et lois qu'ils édictent, et partageant une culture commune. En apparence, les obligations qu'ils
se donnent peuvent leur coûter cher et devenir un obstacle à leur liberté ou à leur bonheur.
Cependant, ce n'est pas le cas, bien au contraire. Pourquoi devrions-nous obéir à la loi et respecter
les droits d'autrui ?
Dans le texte dans lequel l'interprétation est présentée ici, Rousseau soutient à juste titre
l'affirmation selon laquelle la paix, le bonheur et la liberté ne sont connus que des individus par le
respect de la loi et de ses obligations implicites envers le reste de la société. A cet égard, les roturiers
ont ainsi une "énorme dette" envers les compatriotes avec lesquels il s'associe.
Il n'y a que trois moments dans les phases de raisonnement et d'argumentation de Rousseau. Dans
un premier temps (l.1-8), il va montrer comment la renonciation à la liberté naturelle et à l’intérêt
personnel par l’entrée en société est une nécessité pour qui souhaite un bonheur stable et assuré.
Ensuite (l.8-10), il est montré que le respect des lois relève d’un devoir sacré et universel. Pour finir,
Rousseau rend hommage à ceux qui l’ont précédé et fait une fois encore l’apologie de la réciprocité
morale, des lois et de la société qui les rend possible.
« Je crois donc qu’en devenant homme civil j’ai contracté une dette immense avec le genre humain…
». D’emblée, Rousseau souligne une reconnaissance envers le genre humain et la société qui peut, au
premier abord, étonner. Le passage à l’état civil est devenu nécessaire au fil du temps et des
événements, et il apparaît dans ce texte qu’il a sans doute été un fait heureux pour l’homme. En
devenant citoyen, c’est-à-dire en s’associant avec les autres (le « genre humain »), l’homme s’est
engagé (pacte/contrat social) en même temps que tous à respecter les règles de la cité. À cet égard,
cet engagement vaut « dette », une « dette immense » même mais que Rousseau ne semble pas
regretter d’avoir à acquitter, tout au contraire. Qu’est-ce qui le justifie ?
Il est d’abord question des « commodités » que la société procure à l’homme, lesquelles étaient sans
doute absentes de l’état de nature. Quelles seraient-elles ? Si chacun de nous peut être
particulièrement reconnaissant envers quelques-uns, nous ne savons pas exactement ce que nous
devons à l'humanité dans son ensemble ! Pour comprendre ce que veut dire Rousseau, il faut
d'abord se demander ce que signifie être un « homme ordinaire ». Premièrement, si
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