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Spinoza Traité Théologico-politique CHXX

Dissertation : Spinoza Traité Théologico-politique CHXX. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  17 Mars 2013  •  3 944 Mots (16 Pages)  •  1 940 Vues

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ON ÉTABLIT QUE DANS UN ÉTAT LIBRE

CHACUN A LE DROIT DE PENSER CE QU’IL VEUT

ET DE DIRE CE QU’IL PENSE.

L'objet de ces pages est d'opérer une distinction claire entre la liberté de pensée et la liberté de décréter et d'agir selon sa pensée. Si l'on dispose de la première, on ne dispose pas pour autant de la seconde. On s'interroge alors sur la portée du droit reconnu. On est tenté de se dire que chacun ayant toujours la possibilité de penser autre chose que ce qu'il est contraint de dire, lui reconnaître ce qu'on ne peut lui ôter n'engage strictement à rien. Mais on ne saurait vraiment comprendre la thèse réellement audacieuse de Spinoza, si l'on ne saisissait pas qu'à la liberté reconnue à chacun de penser appartient aussi celle de s'exprimer et, mieux encore, de professer et d'enseigner sa pensée. Le citoyen ou le sujet n'a pas seulement le droit de " parler à son bonnet ", il a aussi celui de dire tout haut ce qu'il pense tout bas, de le communiquer à autrui par tout moyen qui est à sa portée et de le convaincre par ses raisons. C'est l'action politique qui se trouve libérée. Il faut donc montrer à la fois qu'il est utile à l'Etat que s'expriment les pensées de chacun et qu'il est juste que chacun se soumette à la loi, alors même qu'il la juge mauvaise.

Le mouvement de la pensée de l'auteur dans ce second § du chapitre XX est particulièrement limpide. 1° La fin de l'Etat est la liberté. 2° Chacun conserve dans l'Etat la liberté de pensée et de parler. 3° Il est juste et pieux de faire le contraire de ce qu'on croit juste et pieux, dès lors que l'Etat le commande. 4° Il y a cependant des opinions séditieuses. La conclusion est que l'Etat concède à chacun exactement la même liberté que lui concède la foi.

L'Etat doit permettre à chacun de déployer sa nature et les forces tant physiques qu'intellectuelles qui la constituent. Les hommes ne renoncent à leurs droits naturels que dans ce but, se libérer de l'insécurité, et il serait donc absurde qu'ils transfèrent le droit de raisonner et de juger. On peut ainsi distinguer entre le meilleur des citoyens (optimus civis) et celui qui est perturbateur et rebelle. Le début du § est une protestation contre la philosophie politique de Hobbes. Celui-ci ne voit de remède au désordre de l'état de nature qu'en brisant l'égalité naturelle des droits et en instaurant la dictature d'un prince ou d'une aristocratie à qui l'on donne les moyens de soumettre le peuple par la terreur. Le contrat sur lequel il fonde l'état civil implique que tout le monde ne renonce pas aux droits qu'il tient de la nature et que ce ne soit pas à la collectivité toute entière que ces droits soient transférés . Si l'on suivait cet auteur il faudrait admettre que la fin dernière de l'Etat est la domination. Il justifie le despotisme. Qu'il le veuille éclairé ne change rien à l'affaire.

Mais " la fin dernière de l'Etat " est toute autre. Elle est même diamétralement opposée à ce que voudraient " les fauteurs du despotisme " (comme les nomme Rousseau). L'Etat est issu d'un transfert, qui est un acte volontaire, il a une fin. Ce sont les contractants, ceux qui forment un pacte, c'est à dire rien d'autre que les hommes eux-mêmes dans leur masse, autrement dit le peuple, qui poursuit une fin déterminée en constituant l'Etat. D'ailleurs ce faisant ils ne quittent pas l'état de nature, en ce sens au moins, très clair, qu'ils n'abandonnent pas leurs droits de nature, mais qu'ils les transfèrent. On l'a vu au chapitre XVI, ce n'est pas sans importance. Ainsi au-delà de toutes les apparences, et quelle que soit sa forme, l'Etat ne peut avoir été instauré pour le pur renoncement des sujets aux droits que leur donne la nature.

Au lieu de viser à " tenir par la crainte ", c'est à dire par la menace du recours à la violence légalisée, des hommes toujours enclins à agir sous l'aiguillon de leurs multiples désirs, l'Etat tout au contraire vise à les " libérer de la crainte ". Chacun fait donc aisément le calcul que la crainte, que lui inspire l'insécurité lorsqu'il est rival de tous les autres, peut être surmontée dès lors que tous coopèrent en vue de ce qui est profitable à chacun ; chacun souscrit au pacte social parce que la sécurité dans la jouissance des biens y sera possible. Au lieu que le pacte dans la version de Hobbes fait que chacun " appartienne à un autre ", le pacte dans la version de Spinoza fait que chacun " conserve son droit naturel ". Contrairement à ce qui se passe dans l'édification du Léviathan, le transfert à la collectivité toute entière des droits donnés par la nature n'aliène pas ceux qui y procèdent. Il ne fait pas des hommes des sujets, au sens où l'entendent les despotes, les hommes ne passent pas sous un maître (dominus ->dominari). Le pacte est fait pour que chacun conserve (optime retineat) le droit naturel. Les sujets, tels que les entend ce chapitre (subditus), ne sont pas du bétail privé de raison ni des automates tout autant privés de raison, que l'on mène à la baguette, avec des chiens de garde, ou pire encore que l'on a conditionnés ou programmés à certains types de conditionnements.

Ils conservent la puissance de juger qu'ils tiennent de la nature, la puissance de penser, qui manque au contraire à des êtres qu'on peut commander sans s'inquiéter d'une raison qu'ils n'ont pas. L'Etat (Res publica) est instauré afin de permettre l'usage des fonctions, qui sont données par la nature, dans une situation nouvelle exempte de rivalités, pour permettre le déploiement de toutes les puissances du corps et de l'âme, pour que chacun soit pleinement ce que la nature lui permet d'être. C'est pourquoi en même temps qu'ils " s'acquittent de toutes les fonctions " de leur corps, telles que manger, dormir, copuler, ils usent aussi d'une " raison libre ". C'est une fonction de leur âme, qui leur a été donnée par la nature, que de penser pour se représenter l'ordre des choses dans le monde et pour diriger leur propre conduite. Autant il est possible en plaçant les hommes sous l'empire de la crainte d'entraver l'accomplissement de leurs fonctions corporelles, il est possible aussi de s'opposer à l'exercice

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