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Le Plaisir A T-il Une Valeur Morale ?

Note de Recherches : Le Plaisir A T-il Une Valeur Morale ?. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  18 Novembre 2014  •  1 799 Mots (8 Pages)  •  1 168 Vues

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ÉPICURE

(341 - 270 av. J.-C.)

« Quand donc nous disons que le plaisir est le but de la vie, nous ne parlons pas des plaisirs de l'homme déréglé, ni de ceux qui consistent dans les jouissances matérielles, ainsi que l'écrivent des gens qui ignorent notre doctrine, ou qui la combattent et la prennent dans un mauvais sens. Le plaisir dont nous parlons est celui qui consiste, pour le corps, à ne pas souffrir et, pour l'âme, à être sans trouble. Car ce n'est pas une suite ininterrompue de jours passés à boire et à manger, ce n'est pas la jouissance des jeunes garçons et des femmes, ce n'est pas la saveur des poissons et des autres mets que porte une table somptueuse, ce n'est pas tout cela qui engendre la vie heureuse ; mais c'est le raisonnement vigi¬lant, capable de trouver en toute circonstance les motifs de ce qu'il faut choisir et de ce qu'il faut éviter, et de rejeter les vaines opinions d'où provient le plus grand trouble des âmes. Or, le principe de tout cela et par conséquent le plus grand des biens, c'est la prudence. Il faut donc la mettre au-dessus de la philosophie même, puisqu'elle est faite pour être la source de toutes les vertus, en nous enseignant qu'il n'y o pas moyen de vivre agréablement si l'on ne vit avec prudence, honnêteté et justice, et qu'il est impossible de vivre avec prudence, honnêteté et justice si l'on ne vit agréablement. »

Nancy-Metz, juin 85, séries C, D, E.

La question

On peut la formuler tout simplement ainsi : « qu'est-ce que bien vivre ? ». La préoccupation du texte est donc beaucoup plus pratique que théorique, et la philosophie épicurienne est faite pour se traduire en un mode de vie. On remarquera que l'adjectif « épicurien » désigne nos jours celui qui sait profiter des plaisirs de la vie. Toutefois, l'épicurisme se révèle dans ce texte beaucoup plus austère qu'on ne le croit d'ordinaire. La première partie est une condamnation de la débauche sous toutes ses formes, la seconde est un éloge des vertus, au premier rang desquelles est placée la prudence. Comment articuler ces thèses avec l'affirmation répétée ici selon laquelle le plaisir est le but de la vie ? C'est essentiellement cette difficulté qui doit guider l'explication.

Pour comprendre le texte

« Le plaisir est le_but de la vie » : tel est sans doute l'aspect le plus connu de la philosophie épicurienne. Placer le plaisir au sommet de la hiérarchie des biens définit ce que l'on appelle l'hédonisme. Une telle pensée semble dévaloriser la vérité ou bien la vertu, qui pourraient apparemment revendiquer le_ rang ici dévolu au plaisir. Dès lors, on se représente volontiers l'hédoniste comme quelqu'un qui ignore toute barrière et se complaît dans une vie de débauché, au mépris de toute dignité.

Or, une telle interprétation constitue un contresens total, aussi Épicure est-il amené à faire une mise au point, contre ceux qui, dit-il, «ignorent notre doctrine, ou qui la combattent et la prennent dans un _mauvais sens », ce qui signifie que le contresens en question a parfois été commis volontairement, du vivant même d'Épicure, pour favoriser la polémique. Toutefois, il s'agit bien d'une précision nécessaire, et non d'un recul. Le plaisir est bien le but de la vie, mais encore faut-il comprendre qu'il « consiste, pour le corps, à ne pas souffrir et, pour l'âme, à être sans trouble ». On remarquera que le corps n'est pas négligé, ce que la suite du texte risquerait de faire oublier. Par l'intermédiaire de la santé, il participe à cet idéal de sérénité qui est visé par le sage épicurien.

Un tel plaisir est évidemment incompatible avec ceux Que cite ensuite Épicure et qui sont pourtant recherchés souvent par ceux qui font profession d'aimer le plaisir par-dessus tout. Mais ceux-ci se trompent sur la nature véritable du plaisir, car bien entendu si gourmandise et luxure menaient au contentement, le principe hédoniste rappelé au début du texte rendrait impossible toute condamnation d'un tel mode de vie. Il faut donc, pour compléter l'argumentation, montrer en quoi les festins répétés ou bien les jouissances charnelles éloignent du plaisir, si étonnant que soit un tel paradoxe. Le mot « déréglé » fournit un indice essentiel. Ces plaisirs s'éloi¬gnent de la norme, non pas essentiellement de la norme morale (le prin¬cipe hédoniste interdit de considérer un tel argument_ comme décisif), mais de la norme même du plaisir, fournie par la nature. Celui qui boit un peu_ d'eau pour étancher sa soif répond ainsi à une demande de la nature, et fait bien. En revanche, la nature ne commande pas de s'enivrer, et donc l'ivrogne ne suit aucune règle, car on ne peut appeler règle son désir.

La différence est essentielle : tout plaisir qui se contient dans les limites imposées par la nature est voué à trouver sa satisfaction pleine et entière, et s'achève donc dans l'absence de trouble, appelée également ataraxie, dont il vient d'être question. Mais aucune satisfaction n'est promise_ au débauché, si par satisfaction il faut entendre le fait d'avoir épuisé le désir. Bien au contraire, une telle satisfaction répugne, et c'est bien plutôt la prolongation indéfinie de son désir que recherche celui qui aspire à l'ivresse sous toutes ses formes, comme l'insinue l'expression de « suite ininterrompue » employée par Épicure.

Deux

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