Sommes-nous aliénés par notre conscience morale?

Sommes-nous aliénés par notre conscience morale ?

Remarques concernant l’analyse du sujet de dissertation :

La construction du devoir dépend tout entière de l’analyse de l’énoncé, qui conditionne le dégagement du problème. C’est pourquoi il ne faut pas commencer par chercher un plan, mais par étudier le sujet. Il faut bien sûr interroger les concepts d’aliénation et de conscience morale, mais dans la mesure où toute définition posée de manière rigide dès le départ impliquerait déjà l’orientation vers une réponse définitive et empêcherait l’indispensable travail de questionnement philosophique, il faut préalablement analyser la structure logique de la question : quel est le « moi » ou le « soi » qui se trouve aliéné par sa « conscience morale » ? Comment la conscience morale peut-elle apparaître comme une instance extérieure au soi, voire supérieure à lui ? Est-elle vis-à-vis du soi dans une position de surplomb ?

La difficulté est impliquée dans la préposition « par », qui peut être comprise de plusieurs manières. Elle peut d’abord renvoyer à une relation de causalité directe (« grâce à l’action de ») : la conscience morale serait comprise comme l’agent produisant l’aliénation, laquelle serait dès lors subie par le « moi » (lui-même compris comme « sujet » au sens de la soumission et de la passivité d’un « patient »). Toutefois, cette thèse suppose une extériorité de l’individu par rapport à sa conscience morale, et une telle extériorité est problématique.

D’un autre côté, la préposition « par » peut aussi renvoyer à une relation vectorielle (« au moyen de ») : la conscience morale serait alors seulement une sorte de courroie de transmission à travers laquelle l’aliénation se réaliserait, même si elle était due à d’autres causes : le rôle de la conscience serait celui d’un simple medium. Dès lors, si ce n’est pas notre conscience morale qui cause notre aliénation, il faut rechercher ce qui nous aliène à travers elle : est-ce une source externe (la société) ou une source interne (nos pulsions) ?

Au lieu de verrouiller la question par une définition posée a priori,c’est donc plutôt le travail d’analyse qui doit conduire à confron- ter des définitions possibles de la conscience morale : au premier abord, un conflit théorique semble ainsi se présenter entre d’une part, une définition sociologique qui y voit le résultat de l’intériorisation des règles sociales et d’autre part, une définition psychologique (psychanalytique) qui y voit le résultat d’un retournement intérieur des pulsions du moi individuel contre lui-même. Remarquons que ces deux conceptions définissent l’essence de la conscience morale par son origine et qu’il faut par conséquent envisager aussi une approche alternative refusant une telle réduction de l’essence à l’origine. Ceci doit conduire à prendre en compte le caractère spécifiquement moral de la conscience, irréductible à une simple détermination sociale ou psychique.

Devoir 05-PH00-16 43

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