Exemple de traitement possible sur la question: Sommes-nous aliénés par notre conscience morale ?
Analyse sectorielle : Exemple de traitement possible sur la question: Sommes-nous aliénés par notre conscience morale ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar amneshic • 12 Février 2015 • Analyse sectorielle • 8 466 Mots (34 Pages) • 1 766 Vues
Exemple de traitement possible du sujet proposé
Remarque importante
Ce traitement possible du sujet proposé doit être considéré comme une véritable leçon de philosophie venant compléter celles
du cours.
Sommes-nous aliénés par notre conscience morale ?
(a)
P. Soulier
[Introduction]
Dans les sociétés démocratiques contemporaines régies par le principe du libéralisme politique, il appartient au libre choix de
l’individu d’orienter les valeurs de son existence en fonction de ses désirs, dans la stricte mesure où la satisfaction de ces
derniers demeure compatible avec l’exercice du même droit chez autrui : la seule limite à cette satisfaction est le respect de la
liberté d’autrui. Mais un tel principe de « non-nuisance » définit un simple respect juridique, que la fonction de l’Etat est
précisément d’assurer dans une sorte de neutralité morale. Pourtant à travers l’éducation qu’il reçoit, l’individu intériorise des
normes et ce sentiment intériorisé constitue sa conscience morale personnelle, qui résonne en lui comme une voix intérieure.
Dans certains cas, cette voix intérieure le conduit même à s’abstenir de satisfaire certains désirs qui semblent pourtant exprimer
sa personnalité la plus profonde et conditionner son épanouissement ou son bien-être psychique, alors même que cette
satisfaction n’est pas interdite par la juridiction de la loi civile. L’individu peut même être amené à souffrir de cette division à
l’intérieur de lui-même et la vivre sous diverses formes : frustration, amertume, désespoir. Dès lors, ne peut-on pas considérer
que la conscience morale de l’individu l’empêche d’être pleinement lui-même, voire qu’elle le dénature en le rendant étranger à
lui-même ? Si l’individu ne peut plus se reconnaître dans sa propre conscience morale qui le représente à lui-même comme un
ennemi, ne doit-on pas considérer qu’il est aliéné par elle, au sens où il ne s’appartient plus à lui-même, mais se trouve comme
assujetti au pouvoir d’un autre ? L’aliénation se présente ici comme l’envers de la liberté du « soi ». Mais pour déterminer si la
conscience morale nous aliène ou si au contraire elle nous livre l’expérience par laquelle nous pouvons chercher à exister
comme des sujets libres, il nous faut d’abord en déterminer la nature exacte.
[I] [L’expérience de la conscience morale]
L’expérience de la conscience morale se vit d’abord dans un rapport du « moi » à des règles. La morale pourrait en effet être
définie, dans une première approche, comme l’ensemble des règles qui établissent la différence entre ce qui est bien et ce
(a) Les titres entre crochets ne sont indiqués que pour faciliter la lecture du corrigé ; une dissertation, à l’épreuve
écrite de philosophie du baccalauréat, ne doit pas en comporter.Cned – 7PH00CTPA0514 2/9
qui est mal dans nos conduites, en nous montrant la valeur du « bien » comme but à suivre dans notre vie. Toute morale
semble donc présenter deux aspects, qu’a soulignés Emile Durkheim. D’une part, elle est un système de règles de conduites
investies d’une autorité spéciale en vertu de laquelle elles revêtent un caractère obligatoire, celui d’un devoir ; elles sont obéies
parce qu’elles commandent. D’autre part, ces règles de conduite nous apparaissent comme désirables en vertu de la valeur du
bien que nous reconnaissons en elles1
. De ce double point de vue, la morale se présente comme une instance extérieure à
notre conscience personnelle, puisque le bien ne peut apparaître comme une norme pour moi que dans la mesure où j’éprouve
sa différence avec ce qui est simplement « mien », c’est-à-dire avec mes désirs ou mes intérêts subjectifs et particuliers. Le
désir du bien ne peut donc se confondre avec le désir du mien. De fait, si le « bien » était d’emblée identique au « mien », il n’y
aurait aucun sens à en faire un but normatif, puisque le propre d’une norme est de ne jamais se contenter de décrire un simple
état de fait ni d’indiquer simplement ce qui est, mais plutôt de prescrire ce qui doit être. C’est pourquoi on peut affirmer que la
valeur morale du bien transcende par définition la sphère de mon expérience personnelle. Ceci explique aussi le fait que
l’éducation morale implique toujours forcément une part de déplaisir et de renonciation à soi, puisque là où la particularité
contingente de nos désirs individuels nous pousse, elle oppose son pénible veto : « ce n’est pas bien ! ». On comprend par là
dans quelle mesure le caractère contraignant du devoir moral n’est que l’envers de la désirabilité du bien : c’est que, comme l’a
montré Durkheim, le désir du bien moral « nous tire hors de nous-mêmes » et « nous élève au-dessus de notre nature »
2
.
À partir de ces considérations, il ne paraît pas très difficile de situer l’origine de l’ensemble de ces règles que notre conscience
morale nous représente sous la forme des interdits et des obligations. En effet, l’observation des systèmes de valeurs ayant
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