Les Lettres Persanes, Montesquieu
Discours : Les Lettres Persanes, Montesquieu. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar arss • 29 Décembre 2020 • Discours • 3 344 Mots (14 Pages) • 917 Vues
LES LETTRES PERSANES LE REGARD ELOIGNE
Au XVIIIème siècle, a lieu la traduction des Mille et Une Nuits. Celle-ci provoque un vaste engouement pour l’Orient et une grande influence dans la littérature. En effet, de nombreuses œuvres naîtront pour répondre à cette mode orientaliste. Charles-Louis de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu, né en 1689 et mort en 1755, précurseur des Lumières, publie anonymement à Amsterdam en 1721 une œuvre subversive : Les Lettres Persanes, à l’origine de diverses polémiques. Ce roman polyphonique épistolaire, de 161 lettres, raconte le voyage de deux Persans, Usbek et Rica, jusque dans la capitale française, de 1711, sous le règne de Louis XIV, à 1720, période de la Régence. De nombreux autres auteurs emploient le regard éloigné, le regard d’étrangers sur une autre société en l’occurrence la société française, dans leurs ouvrages. Tels Mme de Graffigny avec Lettres d’une Péruvienne en 1747 ou encore Voltaire, de son vrai nom François-Marie Arouet, avec L’Ingénu en 1767. La réflexion étant un sujet très en vogue à cette époque, une question se pose alors à nous : En quoi la mise en jeu d’un regard éloigné permet-elle le retour sur soi ? Il sera opportun de se demander de quelles manières le regard éloigné permet un retour sur soi. Nous verrons dans un premier temps que le regard distancié permet un apprentissage de l’autre mais aussi de soi-même, par comparaison, puis dans un second temps nous nous intéresserons à la visée critique que peut apporter le regard distancié sur notre société.
- Une réflexion sur l’autre et sur soi.
Tout d’abord, le regard étranger permet de nous en apprendre davantage sur l’autre et ainsi sur nous-même.
- L’utilisation du regard éloigné sert à confronter deux types de sociétés.
D’abord, cela nous en apprend davantage sur une autre culture. Grâce à l’arrivée d’étrangers, le lecteur français découvre la société, les mœurs et les coutumes orientales. Comme dans L’Ingénu, où le Huron fait part de sa langue natale. Les nobles du dîner sont très intrigués et curieux, ils lui demandent : « comment on disait manger, et il répondait essenten ». Les invités sont enchantés de sa réponse et de rencontrer un nouveau savoir. Mais surtout, en comparant ces sociétés, le regard éloigné impose une certaine remise en question. Dans la lettre XI des Lettres d’une Péruvienne, Zilia est au centre de l’attention des nobles. Au départ, elle dresse un portrait peu flatteur d’eux : « les ris excessifs que plusieurs jeunes filles s’efforçaient d’étouffer ». Elle les juge irrespectueuses. Mais peu à peu, par un retournement de situation, Zilia montre ses qualités morales et fait preuve d’introspection. Elle reconnaît l’erreur de son interprétation (« sur lesquelles j’ai fait tant de fausses conjectures »). Elle réalise que leurs démonstrations exubérantes de tendresse ne doivent pas être prises au sérieux. Elle va même trouver de l’intérêt à cette population. Elle écrit à son fiancé : « malgré leurs imperfections […] je me plairais avec eux ». Par ces exemples, surtout de la jeune Péruvienne, il y a une notion de relativisme. En effet, cela démontre qu’il n’existe pas un seul type de société et que l’autre n’est pas toujours mauvais. Ainsi, le regard éloigné fait connaître d’autres mœurs, d’autres points de vue. Ce regard est alors un regard nouveau.
- Par le procédé du regard décentré, l’auteur considère la société occidentale d’un regard neuf et naïf.
En effet, des étrangers, issus d’une culture lointaine, renouvellent le regard. Ils font apparaître les habitudes que l’on ne voit plus. Dans les Lettres Persanes, Rica voyage jusqu’en France et s’étonne de ce pays. La lettre 24 illustre parfaitement cela. Il découvre l’architecture déconcertante de Paris, presque vertigineuse pour lui : « les maisons y sont si hautes, qu’on jugerait qu’elles ne sont habitées que par des astrologues ». Effectivement, cela est nouveau pour Rica car en Orient il n’existe pas de maisons à plusieurs étages. De plus, il est surpris par la vivacité et le rythme effréné des Parisiens. Comme nous le prouve l’hyperbole suivante : « depuis un mois que je suis ici, je n’y ai encore jamais vu marcher personne ». Les Parisiens sont toujours pressés, par peur d’être en retard. Enfin, ce roman polyphonique de Montesquieu offre, par sa multiplicité de scripteurs, différentes visions d’une même société. Pour le lecteur avisé, ces constatations permettent un travail de recul et de prise de conscience. Le regard éloigné, sur le plan spatial et culturel, met donc en exergue des comportements qui nous semble si évidents que l’on n’y prête plus attention. Il permet ainsi d’établir une critique de la société.
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