Baudelaire, Les Fleurs du Mal « À une passante » / Introduction
Dissertation : Baudelaire, Les Fleurs du Mal « À une passante » / Introduction. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Antonin Chabaud-Pech • 3 Juin 2022 • Dissertation • 802 Mots (4 Pages) • 436 Vues
Baudelaire, Les Fleurs du Mal « À une passante »
Introduction
Baudelaire a été critique d’art. Il a notamment beaucoup admiré un artiste de son époque, Constantin Guys. Ce peintre capte des instants éphémères, représente ses contemporains dans les costumes de l’époque, dans la rue, au théâtre, accoudés au rebord des fenêtres. Il arrive à " tirer l'éternel du transitoire ».
La deuxième partie des Fleurs du Mal, après Spleen et Idéal, s’appelle « Tableaux Parisiens » : le poète va chercher dans la ville cette sorte de beauté qui peut seule le sauver du spleen. La passante devient alors une allégorie de cette beauté paradoxalement éternelle et transitoire.
Comment Baudelaire met-il en scène cette rencontre impossible, de manière à illustrer sa propre conception de beauté ?
I Premier mouvement : La mise en scène d’une rencontre
- La rue assourdissante autour de moi hurlait: un décor personnifié et agressif, une rue bruyante qui encercle (autour) engloutit le poète.
- Une femme passa : PS, action unique et soudaine, comme figée dans le temps, comme une photo. Ralentissement du rythme avec succession d'adjectifs et une incise : Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse. Effet de retardement.
- Une apparition : une silhouette longue. L'attention se déplace de la rue à la passante. On entend maintenant le bruit de son passage, le froissement de son manteau avec l'allitération en s: Soulevant, balançant le feston et l'ourlet. Geste figée (jambe de statue). Un fantôme? Thème de la mort et du deuil (chiasme), rime en "tueuse". Statue en mouvement.
Deuxième mouvement : Une allégorie de la beauté
- Fascination du poète devant le spectacle de la beauté: « Moi, je buvais .... crispé» la première personne du singulier est rejetée en tête de vers; paralysie, stupéfaction, soif ardente du poète face à la femme.
- Idéal de l'amour Baudelairien. On a trois verbes au présent « germe … fascine … tue » : Ce sont les caractéristiques immuables de la beauté recherchée par Baudelaire. Succession d'antithèse qui souligne l'opposition entre douceur et violence: ciel livide et ouragan; douceur/tue.
- Métaphore: ciel livide ou germe un ouragan. Beauté dangereuse. Tuer et faire renaître, ce sont des antithèses, le rapprochement de termes opposés, qui illustrent bien le paradoxe de la beauté baudelairienne : à la fois vitale et redoutable pour l’artiste,
Troisième mouvement : L’éternel et le transitoire
- Une rencontre qui ne dure pas : Un éclair... puis la nuit ! La beauté est comme un paysage éclairé par la foudre, fugace et menaçant. Le clair et l’obscur, ce sont des antithèses, qui illustrent bien le paradoxe de la beauté baudelairienne : éternelle et fugitive.
- Une absence définitive: Il s’adresse à elle directement à la deuxième personne : « ne te verrai-je plus ? » Mais en même temps, le futur et la forme négative en font une question rhétorique . Le dialogue est rendu impossible par cette absence définitive. Ne te verrai-je plus que dans l’éternité ? » l’obstacle qui les sépare est aussi infranchissable que la mort .
Le poète répond lui-même à sa question : « Ailleurs, bien loin d’ici, trop tard, jamais peut-être. » C’est une gradation : des termes de plus en plus fort, d’abord dans l’espace (ça laisse encore une possibilité de retrouvailles) mais ensuite dans le temps, et l’adverbe jamais signe la fin de cet espoir. Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais: c’est un chiasme, une structure en miroir qui les éloigne définitivement l’un de l’autre. - Le subjonctif est le mode de l’irréel , notamment pour faire des hypothèses. « Ô toi que j’eusse aimé » Ironie de ce poème qui raconte une rencontre qui justement, n’a jamais lieu. La double apostrophe finale va dans le même sens: O toi, O toi : elle semble initier un dialogue en soulignant au contraire cruellement la solitude du poète, une relation qui n’a jamais commencé d’exister.
Conclusion
Dans ce sonnet, Baudelaire met en scène une apparition fugitive, dans un cadre urbain, avec des effets inspirés par la photographie ou par des dessinateurs comme Constantin Guys, que Baudelaire appelle « peintres de la vie moderne ».
La sensualité de cette apparition transporte le poète, qui se sent renaître : l’espace d’un instant, il quitte le spleen pour retrouver l’ivresse que lui procure la rencontre avec la beauté. La passante va devenir à ses yeux l’incarnation de sa quête de beauté.
Mais précisément, la rencontre n’a jamais vraiment lieu, et c’est là tout le paradoxe de la beauté chez Baudelaire : à la fois présente et absente, éternelle et transitoire, elle semble impossible à saisir. Finalement, c’est peut-être une autre rencontre, celle du poème avec le lecteur, qui permet de faire renaître sans cesse cette émotion esthétique fugace.
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