Peut-on vivre sans mémoire?
Dissertation : Peut-on vivre sans mémoire?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar marieh07 • 6 Janvier 2019 • Dissertation • 1 250 Mots (5 Pages) • 16 185 Vues
Les jours s'en vont, je demeure, écrit Apollinaire. La mémoire apparaît comme une sorte de revanche de l'homme sur la fuite des jours puisque l'esprit humain est capable de retrouver et de garder ce qui se passe. Le monde et ses changements continuels trouvent une certaine fixité dans notre mémoire. Mais, ces moments que ma mémoire «sauvegarde», elle ne les ressuscite pas vraiment, car la mémoire n'est pas une hallucination. En effet, je ne revis mon passé qu'en le sachant passé, en le pensant comme passé. En un sens, par la mémoire, je retrouve mon passé, je coïncide avec lui, je suis mon passé, mais d'une autre manière, je pose mon passé comme aboli, je le tiens à distance de moi même. J'ai un passé. Il y a donc une ambiguïté de la mémoire qui est à la fois résurrection du passé et position du passé comme passé. Donc la mémoire est comme la résurrection d'un passé dont on sait qu'il est révolu. C'est précisément parce que le présent ne cesse de passer que l'on peut expliquer la nécessité de la mémoire.
Il reste une petite précision à apporter quant à la formulation de «vivre sans mémoire». Ici, le sujet nous invite à nous questionner sur la nécessité de la mémoire dans la vie psychique, et non physique. Tout simplement parce que nous avons des exemples qui nous prouvent qu'une vie au sens physiologique, corporelle, matérielle, est possible sans la mémoire, il suffit pour cela de se tourner vers les personnes atteintes de perte de mémoire, comme les malades d'Alzheimer, qui malgré le fait qu'ils n'ont plus de souvenirs, sont en vie.
Ainsi, la mémoire est-elle nécessaire pouvoir vivre, c'est-à-dire avoir une vie intérieure, psychique?
Pour cela, il faudra questionner la mémoire d'un point de vue individuel, pour ensuite élargir cette notion au collectif. Nous traiterons dans un troisième le contraire de la mémoire, qui est l'oubli.
Premièrement, un des travaux de la mémoire est celui d'unification. Par la mémoire, j'unifie mon existence et mon vécu. Je parviens à une certaine intelligibilité de mon être, car dans la vie immédiate, à ne vivre qu'au présent, je me disperse, alors que par l'acte de la mémoire, je me retrouve et j'assume la synthèse des différentes facettes de ma vie. De plus, je suis comme familier avec moi-même grâce à ma mémoire. C'est-à-dire, je perçois la réalité de ma personne: je suis un être moral, libre et responsable. Je prends conscience de ma personne, je l'identifie, ce qui n'est pas le cas des personnes souffrant d'amnésie. De plus, Saint-Augustin ajoute à la mémoire une certaine conscience du temps, car pour lui, cette identification, mémoire de soi ne peut se jouer que dans la temporalité, car je rencontre qui j'étais. Je sais qui je suis aujourd'hui car je me rappelle qui j'étais hier. Ainsi, la mémoire est indissociable de la temporalité, elle-même indissociable de l'âme spirituelle.
Nous retrouvons chez Bergson la même idée selon laquelle la mémoire ne peut se détacher de l'âme, que lui appelle conscience. Or, lui différencie deux sortes de mémoires: la mémoire-habitude et la mémoire vraie. La première est une mémoire mécanique, qui ne porte pas de marque du passé, car il est conservé sous forme de mécanisme, rappelé de manière automatique. Cette mémoire est coextensive de l'habitude, qui est fixée en moi par l'exercice. La vraie mémoire est différente. En effet, il y a cette fois une vraie conscience du passé. L'autre mémoire est la vraie. Coextensive à la conscience, elle retient et aligne à la suite les un des autres tous les états au fur et à mesure qu'ils se produisent, laissant chaque fait à sa place et par conséquent marquant sa date. Il y a donc aussi dans la vision bergsonienne de la mémoire une forme de temporalité, qui est propre à la conscience.
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