Les lois rendent elles les hommes justes ?

Le terme latin “justicia” peut être traduit par “conformité avec le droit” ou encore “sentiment d’équité”. La justice est donc la conformité aux prescriptions des lois, afin de protéger les individus des injustices qu’ils subissent dans leurs rapports aux autres. Ce qui est juste, c'est étymologiquement ce qui est conforme à la règle, au droit. La loi incarne une règle, exprimant un idéal, une norme, visant à la bonne entente générale et à son intérêt. On peut, ici, assimiler la loi, au droit positif, à la loi de l'État. Quant à elle, une personne juste est une personne qui, théoriquement, se comporte, et agit conformément à la justice, à l’équité à l’égard de ses congénères en faisant, par exemple preuve d’un minimum d’empathie, de compassion et de sincérité. Dans la mesure où la loi se justifie en arguant qu'elle existe pour faire régner la justice dans la société, on pourrait dire qu'il suffit d'obéir à la loi pour être juste. Cependant, l’expérience nous montre qu'imposer des lois aux peuples pour faire régner la justice ne coule pas de source. Ainsi, dans quelles mesures les lois rendent-elles les hommes justes ? Mais, des lois censées rendre un monde meilleur et par là-même des hommes justes sont-elles universelles et inconditionnelles ? Tout homme juste a-t-il véritablement besoin de lois pour l’être ? Dans un premier temps, nous vérifierons si, pour être juste, la présence de lois est indispensable. Dans un second temps, nous en présenterons les limites. Et enfin, nous nous demanderons si un Homme juste l’est forcément grâce aux lois établies ? 

Premièrement, estimons que les lois rendent les hommes justes. Il n’est donc pas concevable d’envisager une humanité sans lois : ce serait une sorte d'anarchie où chacun fait ce qu’il veut en n’importe quelle circonstance.  Une humanité sans lois se réduirait à une multitude informe dans laquelle ne régneraient que des rapports de force et où le plus fort l'emporterait sur le plus faible. Donc, la violence pourrait prendre le dessus. En effet, l’histoire de Caïn et Abel, dans la religion chrétienne, en est un exemple pertinent. Un différend entre frères s’y traduit par le premier fratricide de l’Humanité. Là où encore aucune loi n’était mise en place. La présence de lois semble de toute évidence essentielle. Selon Hobbes, philosophe anglais du XVIème et XVIIème siècles, l'Etat de nature à savoir l'être humain tel qu’il serait, serait naturellement mauvais. Pour lui, “l’Homme est un loup pour l’Homme” car il commet l’injustice de peur de la subir. De ce fait, seules, des lois pourraient venir contrer cet aspect et mettre fin à cet axe de violence. Avec la présence sous-jacente de lois qui régissent la société dans laquelle on vit, tout homme saint d’esprit est censé réfléchir aux conséquences de ses actes. Dans ce cas, les lois rendent les hommes justes, justes d’agir intelligemment en bons citoyens respectueux. Le droit positif qui correspond à l’ensemble des règles juridiques en vigueur, incarne l’expression de la raison capable de voir un double intérêt. Par-delà l’intérêt particulier et immédiat, le respect des lois représente l’intérêt général, en accord avec notre raison, nos valeurs et notre culture. Originellement, la loi a pour fonction de défendre les êtres humains contre eux-mêmes. Encore aujourd’hui, respecter les lois nous parait juste puisque c’est en bonne intelligence, en connaissance de cause. Par exemple, chaque citoyen se doit de payer sa contribution à la société, sous forme d’impôts divers. L’utilisation d’un pourcentage par rapport aux revenus agit en visant une participation juste de chacun. De ce fait, les lois visent à mettre sur un pied d’égalité tous les Hommes vivant en société. Appliquer les lois, les respecter ou les faire respecter font-elles de nous des Hommes justes ? Prenons l’exemple de Rogue, professeur des forces du mal dans la saga Harry Potter. C’est un Homme misanthrope, méprisant, à tendance perverse. Pourtant, cet homme d’une grande sévérité et d’une exigence sans faille quant au respect des lois, va faire preuve de justesse dans son traitement d’Harry Potter. Sa proximité avec le mal lui permet de servir encore mieux les intérêts du bien. Malgré son attrait pour le mal, il meurt pour le bien, ce qui fait de lui un homme juste. Donc on peut dire que c'est la loi qui définit ce qui est juste. Mais pourquoi avons-nous, dès lors, le sentiment qu'elle est parfois injuste ? Dans ce cas peut-on vraiment la tenir comme étalon et source de définition de la justice ? 

Deuxièmement, les lois nous rendent peut-être justes sur certains points, mais est-ce que cela a toujours été le cas ? La société évolue depuis toujours et nous n’avons, en outre, pas les mêmes convictions et valeurs qu’au XVIème siècle. Nous pouvons prendre l’exemple du féminisme. Les femmes ont toujours été assignées à la maison pendant plusieurs siècles. C’est seulement depuis le XIXème que les choses évoluent. Cependant, les lois ont mis du temps à suivre ce mouvement social, là où une évolution rapide était plus que nécessaire. De ce fait, ce qui était juste avant ne l’est pas forcément aujourd’hui. Avant, le rôle des femmes était de prendre soin de leur mari, du foyer et de l’éducation des enfants. Aujourd’hui, heureusement, le travail des femmes ne se cantonne pas à rester à la maison mais à s’épanouir dans un emploi tout comme le font les hommes. Ainsi, les lois doivent évoluer ou nous devons les faire évoluer. Martin Luther King, pasteur noir-américain du XXème siècle, par sa volonté sans mesure a fait entendre sa voix. Cet homme a lutté au péril de sa vie pour les droits des personnes noires, jugeant que les lois en vigueur n’étaient pas justes à leur égard. Le juste ne se restreint donc pas à la loi ? Cette fois, partons du principe que le juste ne se réduit pas seulement à la loi. En effet, la charité n’est pas inscrite dans la loi et pourtant nous pouvons la qualifier de juste. Les personnes sont volontaires et le font de leur propre chef. Il en est de même pour l’altruisme. Si une personne aveugle laisse tomber un billet, il est fort possible que dans un acte de bonté vous lui rendiez. Cet acte serait qualifié de juste et pourtant la loi ne serait pas impliquée. De plus, les Hommes vivent dans des sociétés qui, à ce titre, possèdent des lois qui leur sont propres. De ce fait, chaque Homme a un système de croyances qui lui semblent justes en fonction de la société dans laquelle il évolue. Les lois qui lui paraissent justes, ne le sont pas forcément pour autrui, s’il ne vit pas et n’est pas élevé avec les mêmes valeurs et les mêmes lois. Tout comme dans l’Allégorie de la caverne, Platon qui est un philosophe grec, présente des Hommes enchainés qui ont l’illusion d’être dans la connaissance, dans les croyances qui peuvent leur sembler justes conformément aux lois qui régissent leur monde. Quant à Gottfried Wilhelm Leibniz qui est un philosophe allemand du XIIIème siècle, il disait : "Mettez - vous à la place d'autrui et vous aurez le bon point de vue pour décider de ce qui est juste".  Ainsi, le juge rendra une décision juste en se mettant à la place de la victime comme de l'agresseur.  En rendant une décision raisonnée, le juge conformément aux lois qu’il défend se voit être une personne juste. Néanmoins, cela semble-t-il aisé ? Comment un juge peut-il se mettre, par exemple, à la place d’un violeur et d’une victime de façon objective ? Ainsi, les lois peuvent nous rendre justes mais surtout des limites apparaissent dès lors que les lois sont figées dans le temps et que le regard que l’on porte aux lois est influencé par la société dans laquelle nous vivons et les valeurs que nous avons, voire le point de vue que nous défendons. Dès lors que des limites s’imposent, les lois rendent-elles véritablement les Hommes justes ? 

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