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La lutte du juge contre les clauses abusives en toutes matières

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Par   •  7 Mars 2018  •  Dissertation  •  4 455 Mots (18 Pages)  •  1 473 Vues

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En 2016, la réforme du droit des contrats a porté au sein du code civil, une disposition très protectrice sanctionnant les clauses abusives. L’entrée dans le code civil de ce nouvel article 1171 est une révolution culturelle. C’est une mesure emblématique de cette réforme, le déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties permet à celui qui en est victime d’obtenir la suppression d’une clause grâce au nouvel article 1171 du Code Civil. Cette introduction du déséquilibre significatif va à l’encontre de la vision qu’avaient les rédacteurs du code civil à l’origine, une vision volontariste du contrat.

De façon traditionnelle, l'équilibre de l'objet des obligations n'était envisagé qu'au regard du contrat dans son entier, et non au regard des clauses de ce dernier. A partir des années 1970, est apparue l'idée qu'une inégalité pouvait aussi naître de l'existence de certaines clauses qui, octroyant des prérogatives excessives à l'une des parties, entraînent un égal déséquilibre de la convention. Avec l’émergence d’une conception de plus en plus consumériste des contrats, il se fallait de lutter contre ce danger. Pour cela, une intervention du législateur était souhaitable, afin de donner au juge les moyens nécessaires pour lutter contre ce risque. Dans cet esprit s’est développé le droit de la protection des consommateurs, par un grand nombre de textes codifiés pour l’essentiel au sein du code de la consommation. Les clauses abusives ont tout d’abord été régulées, et ainsi définies par le code de la consommation. Par suite, l’article L 212-1 du code de la consommation définit les clauses abusives de la manière suivante : « dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat ».

Toutefois, l’interdiction des clauses abusives par la loi trouve son origine dans la loi Rabier de 1905 qui prohibait les clauses de non-responsabilité dans les contrats de transport terrestre de marchandises. Parallèlement, se développe au niveau européen une traque contre les clauses abusives. Dès 1976, la communauté européenne invite les états à protéger les consommateurs contre les clauses abusives. Mais ce n’est qu’en 1978 que la loi française est venue appliquer cette idée. Cette loi de 1978 est venue marquer un tournant important du droit des contrats, puisque c’est elle qui a contrôlé, pour la première fois les clauses abusives et les a définies. Cette loi a, toutefois, exclu le pouvoir judiciaire de la mission d’identification des clauses abusives, au profit du pouvoir réglementaire. Cependant, les gouvernements successifs ont semblé peu soucieux de la protection du consommateur, n’utilisant que très peu, leur pouvoir réglementaire. Poussé par la doctrine, le juge s’est alors saisi lui-même du pouvoir qui lui avait été retiré par la loi de 1978, afin de protéger au mieux les consommateurs. Par la suite, le rôle du juge s’est accru jusqu’à être consacré par la loi.  Progressivement, la protection du consommateur s’est accentuée jusqu’à s’exporter avec la loi de 2008 dans le code de commerce. En 2016, par la réforme du droit des contrats, cette lutte a été consacrée dans la théorie générale, augmentant de fait le rôle et les pouvoirs du juge en la matière. Les pouvoirs du juge en matière de clauses abusives ont connu une évolution considérable dans le dernier quart de siècle et ce jusqu’à aujourd’hui.  

Ainsi, quel est le rôle du juge dans la traque des clauses abusives, et comment en luttant contre de telles clauses, le juge a progressivement accru son pouvoir ?  

Le rôle du juge, à l’origine subordonné au pouvoir réglementaire, a progressivement été reconnu en matière de clause abusive jusqu’à être consacré par la loi (I). Mais, le juge ne tire pas l’essentiel de son pouvoir dans l’identification des clauses abusives, mais bien du pouvoir de sanction dont il dispose à l’égard de telles clauses (II).

  1. La reconnaissance progressive des pouvoirs du juge en matière de clauses abusives

Le juge, subordonné au pouvoir réglementaire en matière d’identification des clauses abusives, par peur de son immixtion trop conséquente au sein du contrat, s’est émancipé progressivement de ce contrôle (A). La loi qui, avait pourtant souhaité contraindre et limité le pouvoir du juge, n’a eu d’autre choix que de consacrer son rôle en la matière, après que le juge eut regagné son autonomie (B).

  1. L’émancipation progressive du pouvoir du juge en matière d’identification de clause abusive

La loi du 10 janvier 1978 sur « la protection et l'information des consommateurs de produits et services », est venue réglementée les clauses abusives. Cette loi définit la notion de clause abusive comme une stipulation du contrat qui repose sur l’abus de puissance économique du professionnel qui apporte un avantage excessif au professionnel dans les faits. La clause est alors considérée comme « non écrite » sans, pour autant, remettre en cause la validité du contrat dans sa totalité.

Toutefois, le législateur s’est méfié du juge, et a préféré que le juge reste un tiers au contrat, le privant de tout pouvoir autonome. Ainsi, la loi de 1978 prévoyait que les hypothèses concrètes, dans lesquelles une clause est abusive, soient fixées par décret. Ce système original prévoyait que le juge ne pouvait condamner, de lui-même, une clause d’un contrat comme étant abusive. Cette loi marginalisait largement le pouvoir judiciaire au profit du pouvoir réglementaire. Pour autant, le gouvernement n’a que très peu joué le jeu, et utilisé ce pouvoir qui lui avait été conféré. Ainsi, il n’a pris qu’un décret, celui du 24 mars 1978, ne prohibant que deux types de clauses (celles accordant aux professionnels le pouvoir de modifier unilatéralement les caractéristiques du bien vendu ou du bien à vendre dans tous les contrats ainsi que celles permettant au professionnel de s’exonérer de toute responsabilité ainsi que les clauses limitatives de réparation).

La majorité de la doctrine s’est opposée à l’inertie du gouvernement, à cette « apathie » comme le disait Denis Mazeaud, préjudiciable au consommateur. En effet, bien qu’un consommateur, se sentant lésé par une clause, saisisse le juge, celui-ci n’avait aucun pouvoir de l’annuler, si la clause n’était pas prévue par l’unique décret.

Privés par le législateur de la possibilité d’apprécier le caractère abusif d’une clause, les juges se sont rapidement affranchis de cette interdiction. Aussi, la question fut posée à la Cour de cassation de savoir si une clause pouvait être déclarée abusive par le juge, alors même qu’elle ne figurait pas dans la liste établie par le pouvoir réglementaire.

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