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La Ve République est-elle une dyarchie?

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Par   •  7 Novembre 2019  •  Dissertation  •  2 508 Mots (11 Pages)  •  1 080 Vues

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DISSERTATION

Peut-on parler d’une dyarchie sous la Ve République ?

Pour évoquer la singularité du pouvoir exécutif en France sous la Ve République, Jean Massot, ancien membre du Conseil d’Etat et président, en son sein, notamment de la Commission des archives constitutionnelles de la Ve République, emploie le terme de « dyarchie hiérarchisée » (dans son livre Chef de l’Etat et chef du Gouvernement : la dyarchie hiérarchisée.). Ce concept de dyarchie qui serait paradoxalement soumis à une hiérarchie, est très intéressant et semble très juste pour définir l’organisation du pouvoir prévue par la Constitution de 1958. Une dyarchie peut être définie comme un système politique à la tête duquel deux hommes ou institutions exercent conjointement le pouvoir. La Ve République se voit souvent être qualifiée de ce terme de « dyarchie ». En effet, la Constitution de Michel Debré a la particularité de placer deux hommes à la tête du pouvoir exécutif, d’un côté le Président de la République, qui est le chef de l’Etat, et de l’autre le Premier ministre qui a le titre de chef du Gouvernement. Ce pouvoir bicéphale avait pour but de rompre avec la IVe République, régime où le Parlement avait une place centrale. La Ve République devint pleinement présidentielle avec l’instauration du suffrage universel direct en 1962. On parle donc de dyarchie lorsqu’on sort de la lecture présidentialiste de la Constitution, cela est vrai notamment en période de cohabitation, lorsque le Président, n’ayant pas de majorité, doit gouverner au côté d’un Premier ministre d’une couleur politique différente. Le chef du Gouvernement peut alors avoir la tentation de s’émanciper du pouvoir présidentiel, même si ce dernier lui reste hiérarchiquement supérieur. S’il existe des liens évident entre le pouvoir d’Etat et le pouvoir gouvernemental, la Constitution prévoit cependant des domaines réservés. Cependant, face à cela, certains Présidents, tels que Pompidou, Sarkozy ou originellement de Gaulle, ont voulu présidentialiser leur mandat, en concentrant le pouvoir exécutif dans les mains présidentielles, le Premier ministre se contentant alors du rôle de représentant de la politique présidentielle.

En quoi la Ve République peut-elle être comparée à une dyarchie soumise à une hiérarchie ?

L’apparente dyarchie de la Ve République semble être le fruit de la Constitution, elle donne un rôle majeur au Premier Ministre notamment en période de cohabitation (I). Cependant, il semble que cette diarchie soit hiérarchisée, le Président voulant garder un rôle prédominant, on assite alors à une présidentialisation de l’exécutif (II).

I Une dyarchie prévue par la Constitution

La Constitution française semble par certains aspects prévoir une dyarchie à la tête de l’exécutif (A), cette dyarchie, donnant une large part de pouvoir au Premier Ministre, est particulièrement visible lors des périodes de cohabitation (B).

A Pouvoir étatique, pouvoir gouvernemental : ce que prévoit la Constitution

Quels sont les liens entre le pouvoir d’Etat et le pouvoir de Gouvernement, entre le chef de l’Etat et le chef du Gouvernement, c’est-à-dire entre le Président et le Premier ministre ? Il faut s’en référer à la Constitution, le texte définissant la loi fondamentale d’un Etat, c’est elle qui définit la séparation des pouvoirs exécutifs, législatifs et judicaires. Il est écrit que « Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État (…). » (article C5). De plus, le Président a la mission de négocier les traités (article C52), c’est lui qui nomme le Premier Ministre et qui peut le révoquer (article C8), il peut enfin dissoudre l’Assemblée Nationale (article C12). Concernant le Premier Ministre, l’article 20 prévoit que : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Il dispose de l'administration et de la force armée. Il est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50. ». Ainsi, le rôle de conducteur de la politique du Gouvernement du Premier ministre est clairement défini, l’article 21 insiste en appuyant le fait que le « Premier ministre dirige l’action du Gouvernement ». Cependant c’est le Président qui promulgue les lois et préside le Conseil des ministres. Mais, dans la Constitution, il semble que le pouvoir exécutif concret soit aux mains du Premier ministre, le Président n’ayant qu’un rôle de contrôle un peu lointain et d’arbitrage. Il a besoin de plus du contreseing du Premier ministre lorsqu’il intervient dans le processus législatif. Cette dyarchie semble donc donner une grande place au Premier ministre dans les textes de la Constitution.

Certains Premiers ministres, prenant au pied de la lettre la Constitution, voulurent affirmer leur pouvoir face au Président. Jacques Chaban-Delmas tenta de mener sa propre politique en 1971, en raison de l’article 20 de la Constitution, avec son projet de « Nouvelle Société ». Il voulût que Matignon redevienne le centre du pouvoir exécutif au détriment de l’Elysée. Cependant, Pompidou lui demanda de quitter ses fonctions, Messmer le remplaça et fut d’avantage enclin à appliquer la politique prédéfinie par le Président.

B La cohabitation ou la tentation de l’émancipation

Cependant, c’est en période de cohabitation que la dyarchie de la Ve République est la plus visible. C’est dans ce cas que le Premier ministre a le plus de pouvoirs réels et peut être tenté de s’émanciper de l’ingérence présidentielle. Il y a cohabitation, lorsqu’un président élu, perd sa majorité lors des élections législatives. Il doit alors gouverner avec une majorité d’une couleur politique différente et un Premier ministre issu de cette majorité. C’est alors que la dyarchie prend tout son sens, car le chef du Gouvernement et le chef de l’Etat vont être dans une logique de concurrence, tout en devant coopérer, paradoxe constitutionnel. C’est en 1986 que l’ère des cohabitations débute. François Mitterrand, président depuis 1981, perd sa majorité socialiste lors des élections législatives de 1986 qui voient le triomphe de la droite (RPR). Mitterrand nomme alors Jacques Chirac au poste de Premier ministre, il était alors le président du parti d’opposition de droite, le RPR. Cette cohabitation durera jusqu’en 1988.

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