L'autonomie bancaire des époux
Dissertation : L'autonomie bancaire des époux. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Louise Prévost • 29 Janvier 2020 • Dissertation • 2 207 Mots (9 Pages) • 572 Vues
Dissertation : L’autonomie bancaire des époux
L’article 1124 du Code civil de 1804, sous Napoléon, stipulait « Les personnes privées de droits juridiques sont les mineurs, les femmes mariées, les criminels et les débiles mentaux ». Cette place conférée à la femme mariée jusqu’au XXème siècle témoigne de l’absence totale d’égalité au sein du couple.
La femme était juridiquement considérée comme une incapable. Elle ne pouvait ainsi passer aucun acte juridique ou commercial sans l’autorisation de son mari. Ce dernier était donc le seul à jouir des droits politiques, mais disposait également de pouvoirs domestiques. La femme, de par son incapacité juridique totale était confrontée à de nombreuses interdictions notamment l’interdiction d’accès aux lycées et universités, l’interdiction de signer un contrat ou de gérer ses biens, l’interdiction de travailler sans l’autorisation du mari ou encore l’interdiction de toucher elle-même son salaire. Cela a rapidement posé problème puisque le mari étant, dans la majorité des cas, le seul à toucher un salaire et à travailler, les tâches domestiques telles que l’entretien du ménage ou les courses ménagères étaient dévolues à l’épouse. Or elle ne pouvait passer de contrat sans son mari et lorsqu’elle produisait un travail salarié, ses gains étaient reversés intégralement à l’époux. Il a ainsi fallu doter la femme mariée d’une liberté de disposition de ses gains et salaires avec une loi de 1907. Cette loi ne remettait cependant pas en cause l’autorité maritale, et ce n’est qu’en 1938 que cette autorité va disparaitre, laissant la possibilité à la femme mariée de travailler sans l’autorisation de son mari. Une difficulté subsistait encore puisque l’épouse pouvait ouvrir un compte bancaire personnel mais elle agissait encore par représentation de son mari.
Ce n’est qu’avec la loi du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux qu’une réelle évolution va apparaitre quant à l’émancipation de la femme mariée. En effet, cette réforme marque un réel tournant dans l’égalité homme-femme puisque le législateur a souhaité prendre en considération un nouvel aspect des couples modernes qui est le besoin d’indépendance. Une réelle autonomie a été consacrée, surtout pour la femme mariée et cette indépendance se constate désormais dans de nombreux domaine tels que le secteur professionnel, bancaire ou encore immobilier.
Sur le plan bancaire, l’autonomie des époux est présentée comme l’une des innovations les plus marquante de la réforme de 1965. Le législateur a considéré qu’il était primordial, dans une société qui se bancarise, de disposer pour chacun de la possibilité d’ouvrir un compte bancaire. C’est en ce sens qu’a été rédigé l’article 221 du Code civil qui dispose que « chacun des époux peut se faire ouvrir, sans le consentement de l'autre, tout compte de dépôt et tout compte de titres en son nom personnel ». Il précise qu’« à l'égard du dépositaire, le déposant est toujours réputé, même après la dissolution du mariage, avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt ». Cet article se situe dans le chapitre VI « Des devoirs et obligations respectifs des époux » du titre V du Code civil relatif au mariage. Il s’agit du régime primaire, donc ces dispositions s’appliquent quel que soit le régime matrimonial du couple marié. La réforme de 1965 a cependant vécu et se posent désormais d’autres difficultés notamment sur la conciliation entre le principe d’autonomie du droit bancaire et les conséquences de la rupture du lien conjugal ou encore de la question du pouvoir d’un des époux sur le droit au compte de son conjoint.
Quels sont les mécanismes permettant d’assurer une réelle autonomie bancaire entre les époux, tout conciliant avec leur protection ?
A travers le mécanisme de la liberté d’ouverture du compte bancaire, le législateur a alors assuré une réelle effectivité de l’autonomie bancaire des époux. Pourtant, cette pleine égalité des époux, garantie par la loi du 23 décembre 1985 a remis en question le principe d’autonomie bancaire des époux.
Il sera intéressant de comprendre, à travers le mécanisme de l’ouverture du compte bancaire et celui de la présomption de pouvoir, comment l’autonomie bancaire des époux s’est concrétisée (I). Pourtant cette autonomie doit être relativisée, et il sera nécessaire de se soucier de la protection des époux notamment dans l’exercice de cette présomption (II).
I) La concrétisation de l’autonomie bancaire par les mécanismes de liberté d’ouverture du compte bancaire et de présomption de pouvoir
Le législateur, dans une volonté d’autonomie bancaire des époux, a consacré la possibilité pour un époux de se faire ouvrir seul un compte sans le consentement de son conjoint (A). Mais ce mécanisme s’est vite avéré insuffisant, c’est pourquoi la présomption de pouvoir est venue établir une parfaite indépendance bancaire (B)
A) Le principe de liberté d’ouverture d’un compte bancaire comme preuve de l’établissement d’une égalité au sein du couple
Ce principe de liberté d’ouverture d’un compte bancaire pour chacun des époux trouve sa source à l’article 221 alinéa 1 du Code civil. Un époux peut alors ouvrir seul un compte bancaire sans l’autorisation de son conjoint. Cela représente une véritable avancée, notamment pour la femme qui n’avait pas ce pouvoir. Avant la réforme de 1965, elle pouvait certes se faire ouvrir un compte personnel mais elle y agissait par représentation de son mari et ne pouvait pas déposer librement des fonds sur ce compte. L’ouverture d’un compte s’accompagne d’un dépôt de fonds or le banquier pouvait craindre la provenance de ces fonds. C’est pourquoi la liberté d’ouverture du compte bancaire était réellement mise à mal lorsque le banquier recherchait l’existence d’un pouvoir du déposant sur les fonds. Cette possibilité pour chaque époux d’ouvrir un compte de dépôt ou de titre en son nom personnel et sans le consentement de l’autre conjoint est donc relativement récente. Il existe en réalité une différence entre la titularité des comptes et la propriété des fonds. Une personne peut posséder un compte bancaire en son nom personnel sans pour autant l’alimenter avec des deniers qui lui appartiennent. Le législateur, dans un souci d’égalité au sein du couple mais surtout afin de rassurer le banquier, a donc consacré
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