Droit des libertés fondamentales : L'Etat d'urgence sécuritaire
Dissertation : Droit des libertés fondamentales : L'Etat d'urgence sécuritaire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Jeanne Schroetter • 23 Janvier 2022 • Dissertation • 3 602 Mots (15 Pages) • 514 Vues
DROIT DES LIBERTES FONDAMENTALES S9 : JEANNE SCHROETTER, CAMPUS LE MANS, GP3
L’ETAT D’URGENCE SECURITAIRE
« Les événements du 13 novembre ont rappelé de la façon la plus douloureuse qui soit que sans ordre public, il n'y a pas d'exercice possible des libertés les plus élémentaires, les plus simples, les plus joyeuses. L'état d'urgence ne doit toutefois pas faire oublier qu'au nom de l'ordre public, même pendant l'état d'urgence, les libertés ne peuvent pas être restreintes plus que ce qui est strictement nécessaire. » Le maître des requêtes et rapporteur public au Conseil d'Etat Xavier Domino, en clôturant ainsi l'examen de renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité Cédric D au Conseil constitutionnel, résume parfaitement la complexité de l'équilibre qui doit être réalisé entre liberté et sécurité dans le cadre de l'état d'urgence.
En effet l'état d'urgence constitue, en France, un régime dérogatoire aux libertés fondamentales justifié par un contexte d'exception et accroissant de façon appuyée les compétences dévolues aux autorités administratives. Son régime est légal, issu de la loi du 3 avril 1955 relative au maintien de l'ordre en Algérie et dans ses dépendances, modifié par une loi du 19 décembre 2016. Son article 1 énonce ainsi que « L'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain, des départements d'outre-mer, des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique. » Ce contexte d'exception justifie donc l'attribution de nombreuses compétences aux autorités administratives françaises. C'est ainsi, à titre d'exemple, que son article 6 permet au ministre de l'Intérieur de prononcer l'assignation à résidence, dans un lieu qu'il fixe, d'une personne « à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour l'ordre et la sécurité publics », ou encore que son article 11 autorise les perquisitions de jour comme de nuit, par dérogation au régime habituel de la perquisition fixé par le Code de procédure pénal. Toutes ces mesures ont pour visée un retour à la normale, un rétablissement de l'ordre public. En effet ce dernier, représente « pour un pays donné, à un moment donné, l'état social dans lequel la paix, la tranquillité et la sécurité publique ne sont pas troublées » (Gérard Cornu), est atteint grâce à l'État, en tant que gardien de cet ordre public, il se doit de le rétablir par les mesures qu'il juge nécessaires. Cela passe notamment par une restriction des libertés fondamentales, ces normes protégées à un rang normatif supra-législatif dont la substance correspond à une valeur considérée comme fondamentale dans une société donnée. Toutefois, malgré les objectifs pour lesquels l’Etat d’urgence est mis en œuvre, il est possible de remettre sa légitimité en question notamment en vertu de l’Etat de droit étant une théorie qui affirme que l'État doit se soumettre aux droits fondamentaux de l'homme, les juristes et théoriciens français font jouer à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 un rôle essentiel dans le contenu de l'état de droit. La notion est ancienne, elle apparaît dans la doctrine allemande du milieu du XIXe siècle. Hauriou, Duguit ou encore Esmein utilisent cette expression, au sens moderne de principe de légalité ou, plus largement, pour l’opposer à « l’état de fait » ou à l’État de police, entendu comme le règne de l’arbitraire. La valeur de l’expression est même utilisée par les plus hautes autorités de l’État. C’est ainsi que l’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle de 1990, tendant à instaurer un contrôle de constitutionnalité des lois par voie d’exception commence par cette phrase : « Il n’est de peuple libre et de souveraineté nationale sans un État de droit ».
Dès lors, ce régime d’exception de l’état d’urgence, rédigé pendant la IVe République, est utilisé à plusieurs reprises et pour la première fois par Charles de Gaule en 1955 et 1962 en réponse aux événements liés à la Guerre d’Algérie. La loi est de nouveau appliquée en 1985 en Nouvelle-Calédonie face à des insurrections, puis en 2005 sur le territoire métropolitain, afin de répondre aux nombreuses émeutes qui se déroulent dans certaines banlieues de la France métropolitaine. Ces utilisations, par le caractère ponctuel et réduit dans le temps, ne portent pas réellement à réflexion : à chaque fois, l'objectif de retour de l'ordre public avait été atteint. En revanche, un réel tournant est marqué dans cette application de l'état d'urgence à la suite des attentats qui frappent la France le 13 novembre 2015 : l'état d'urgence est déclaré par le décret n°2015-1475 du 14 novembre 2015 et sera reconduit 6 fois jusqu'au 1er novembre 2017. Entre temps, de nouveaux attentats meurtriers frappent le pays. Si la loi existe toujours et n'est plus en vigueur actuellement, en revanche la plupart des mesures dérogatoires qu'elle met en place ont été reprises dans leur essence par un texte permanent, la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme et dans un but de protection des individus.
De ce fait, il est possible de se poser la question suivante : L’Etat d’urgence est-il compatible avec l’Etat de de droit, autrement dit peut-il offrir une protection aux droits et libertés fondamentaux de l’homme ?
Dans un premier temps nous verrons que les pouvoirs exceptionnels de l'autorité administrative sont justifiés par l’Etat d'urgence tout en enfreignant les libertés individuelles instaurées par l’Etat de droit (I), et dans un second temps, les limites imposées à l’administration garantissant une plus nette compatibilité avec l’Etat de droit (II).
I) Les pouvoirs exceptionnels de l'autorité administrative justifié par l’Etat d'urgence enfreignant les libertés individuelles instaurées par l’Etat de droit
L’Etat d’urgence vient s’appliquer en cas d’urgence justifiant ainsi la limitation
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