Commentaire d'arrêt décision Conseil constitutionnel 7 août 2020
Commentaire d'arrêt : Commentaire d'arrêt décision Conseil constitutionnel 7 août 2020. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Mélanie Ganz • 22 Octobre 2021 • Commentaire d'arrêt • 4 044 Mots (17 Pages) • 766 Vues
Mélanie GANZ M1 Police
Commentaire d’arrêt TD 5
Selon André Malraux « le terrorisme provoque la répression ». En effet, au fil des années, la répression contre le terrorisme n’a cessé de s’accentuer, que ce soit par la création de nouvelles infractions ou de nouvelles peines. La proposition de loi établissant une nouvelle mesure de sûreté contre les auteurs d’infraction terroriste en est un exemple. Cependant, l’intervention du Conseil constitutionnel en la matière est parfois nécessaire car la lutte contre le terrorisme ne peut pas justifier toutes les atteintes aux libertés. C’est ce que nous montre la décision du 7 août 2020.
Le Conseil constitutionnel a été saisi par des sénateurs, des députés et le président de l’Assemblée nationale, ce qui est assez rare, afin de réaliser un contrôle a priori d’une proposition de loi dite « loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine ». Les trois saisines contestaient seulement l’article 1er de cette loi qui prévoyait la création d’une nouvelle section au sein du code de procédure pénale intitulée sept articles.
Était soumis au contrôle du Conseil les futurs articles 706-25-15 et suivants, créant un nouveau régime de mesures de sûreté visant à lutter contre la récidive des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine. Cette mesure est applicable seulement si la personne a été condamnée à une peine privative de liberté pour une certaine durée et pour une infraction terroriste, et qu’elle présente une particulière dangerosité. Elle doit être prise après un avis motivé de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté sur la dangerosité de la personne. Cette mesure, renouvelable sous conditions, prévoit des restrictions à la liberté d’aller et venir telles que le fait de répondre à des convocations ou s’abstenir de se rendre de certains lieux. Une méconnaissance de ces obligations était punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende.
Les demandeurs invoquaient plusieurs arguments. Tout d’abord, la non-conformité de l’article 1er à l’article 9 de la Déclaration Des Droits de L’homme et du Citoyen (DDHC) sur la présomption d’innocence et de l’article 66 de la constitution. Ensuite, une entrave à la liberté personnelle par une rigueur non nécessaire et porteraient à la liberté individuelle, à la liberté d'aller et de venir et au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne serait ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée à l'objectif poursuivi par le législateur. Enfin, une méconnaissance du principe de légalité criminelle du fait de la subjectivité de l’appréciation de la dangerosité d’une personne et du principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère qui devrait s’appliquer à cette mesure étant donné son caractère privatif de liberté lorsque plusieurs obligations se cumulent.
Le Conseil constitutionnel a rendu une décision de non-conformité partielle et a censuré la quasi-totalité de la proposition de loi. Après avoir analysé la nature de la mesure en considérant que ce n’était « ni une peine ni une sanction ayant le caractère d’une punition », il a examiné que les atteintes portées par cette mesure à l'exercice des droits et libertés constitutionnellement garantis étaient non adaptées, nécessaires et proportionnées à l'objectif de prévention des atteintes à l’ordre public. Il justifie cette solution du fait que la durée de la mesure en accroit sa vigueur ; que la mesure peut être prononcée lorsque la partie ferme d’une peine d’emprisonnement est au moins égale à trois mois d'emprisonnement même si la juridiction de jugement n’a pas jugé cela utile ; qu’elle n’exige pas de favoriser la réinsertion et qu’elle ne prend pas en compte de nouveaux éléments pour le renouvellement de la mesure.
Ainsi, un seul article a été jugé conforme à la constitution, l’article renforçant le suivi socio-judiciaire qui devient une sorte de peine complémentaire obligatoire. La loi publiée a totalement été vidée de sa substance. De même, il y a une incohérence entre son appellation qui exprime la création d’une nouvelle mesure de sûreté et son contenu qui n’en prévoit aucune.
La proposition de loi à l'origine de la décision du 7 août 2020 avait été déposée début mars 2020 mais sa discussion a été retardée par la crise sanitaire actuelle. Le gouvernement a ensuite engagé une procédure accélérée en juin 2020 montrant une volonté d’adopter rapidement de cette loi.
Face au terrorisme, le législateur a tendance à légiférer sous le coup de l’émotion, que ce soit dans la création d’infractions, peines ou mesures de sûreté, et se montre très attentatoire aux libertés. C’est donc au Conseil constitutionnel d’intervenir pour réguler ces atteintes. Il existe déjà de nombreuses mesures de sûreté en droit français comme la surveillance judiciaire ou la rétention sûreté. Cette proposition de loi avait été faite dans le but de compléter l’arsenal pénal de lutte contre le terrorisme et d’accentuer la surveillance des auteurs d’infractions terroristes présentant toujours une dangerosité, elle ne comblait pas un vide juridique. La censure de cette proposition n’a donc pas eu un grand impact en la matière. Cependant, même si cette décision est une censure, elle présente un intérêt certain pour le devenir des mesures de sûreté.
Cette décision conduit à une réflexion sur l’avenir des mesures de sûreté dans le droit pénal. En effet, d’apparence sans réelle conséquence sur le droit, la décision semble montrer une volonté de la jurisprudence constitutionnelle de consacrer un régime autonome aux mesures de sûreté afin d’accentuer leur distinction avec les peines. Peut-être qu’à l’avenir on assistera à une réelle consécration de leur régime, au même titre que les peines.
Ainsi, suite une première lecture cette décision semble tout à fait banale. Le Conseil, après avoir réalisé un « triple test », censure une mesure trop attentatoire aux libertés (I). Néanmoins, après une lecture plus approfondie et réfléchie, il s’avère que cette décision montre le début d’un chemin pour consacrer l’autonomie des mesures de sûreté, notamment en leur attribuant un régime constitutionnel, même s’il existe encore des freins (II).
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