Commentaire d'arrêt 12 décembre 2018 17-85.736
Commentaire d'arrêt : Commentaire d'arrêt 12 décembre 2018 17-85.736. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Kainaab • 7 Novembre 2019 • Commentaire d'arrêt • 2 230 Mots (9 Pages) • 836 Vues
Commentaire d'arrêt
L’aide aux migrants est pleinement un sujet d’actualité, les jugements pour délit de solidarité se multipliant en France. Alors que l’aide d’entrée aux étrangers en situation irrégulière constitue en principe une infraction pénale, la décision de la Cour de Cassation du 12 décembre 2018 apporte des précisions quant à la notion d’humanitaire et de contrepartie quant à l’applicabilité de la sanction pénale.
Lors de l’année 2016, un agriculteur a aidé des étrangers issues notamment d'Afrique de l'Est à voyager de l’Italie à la France. Il les a également hébergés dans son domicile. Son domicile devenant saturé, il a été amené à les loger dans des immeubles abandonnés de la SNCF. Des gendarmes ont donc découvert par la suite une cinquantaine de migrants occupant l’immeuble abandonné de la SNCF accompagnés de représentants d’association dans lequel ils avaient pénétrés par une fenêtre du rez-de-chaussée.
Le responsable habilité de la SNCF a déposé plainte pour intrusion sans autorisation dans un local fermé et sécurisé. L’agriculteur a été poursuivi pour aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers. L’agriculteur a été déclaré coupable d’infractions au code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) mais renvoyé à des fins de la poursuite pour le délit d’installation en réunion sur le terrain d’autrui sans autorisation.
Le ministère public, le prévenu et la SNCF en tant que partie civile déboutée de ses demandes, ont interjeté appel.
La Cour d’Appel affirme la culpabilité de l’agriculteur en avançant pour moyens qu’il avait pleine connaissance de la situation administrative irrégulière des personnes envers lesquelles il est venu en aide, fait qu’il a d’ailleurs admis, et que de ce fait même s’il n’avait obtenu aucune contrepartie il ne pouvait se prévaloir du bénéfice de l’immunité accordée par le 3° de l’article L-622-4, qui fait obstacle aux poursuites pénales, car ses actions s’inscrivent dans une démarche d’action militante en vue de soustraire des étrangers aux contrôles mis en œuvre par les autorités pour appliquer les dispositions légales relatives à l’immigration.
Un pourvoi en cassation est formé par le prévenu.
La question qui se pose dans ce cas est :
La loi pénale peut-elle être rétroactive dès lors qu'elle apporte une immunité à une sanction pénale ?
La Cour de Cassation répond par l’affirmative aux motifs que la loi du 18 septembre 2018 fait obstacle aux sanctions pénales encourue quand le cas d’espèce entre dans l’exception dans laquelle l’aide aux étrangers en situation irrégulière est réalisée sans contrepartie et uniquement dans un but humanitaire comme le prévenu l’a précisé au début de la procédure. Ces dispositions s’appliquent et entrent dans le cadre de la l’article 112-1, elles sont rétroactives car sont considérées comme « moins sévères » du fait qu’elles apportent un bénéfice d’immunité. La cour de cassation effectue une cassation partielle, elle casse la décision de la cour d’appel relative à l’infraction d’aide aux étrangers en situation irrégulière, la culpabilité du chef d’installation sur le terrain d’autrui sans autorisation et les dispositions civiles de l’arrêt non contestées par le demandeur sont définitives.
C’est un arrêt de principe qui permet d’introduire le principe d’immunité à certaines infractions pénales concernant l’aide aux étrangers en situation irrégulière mais également la fraternité comme valeur constitutionnelle dans la jurisprudence.
Ce cas d’espèce pose la question des conditions de rétroactivité des lois pénales ainsi que de la notion d’humanitaire dans les textes juridiques français.
Nous verrons d’une part le principe de non rétroactivité de la loi pénale (1) et d’une autre part le principe de fraternité comme valeur constitutionnelle (2).
I. Le principe de non rétroactivité de la loi pénale
Le principe de non rétroactivité de la loi pénale est un principe fondamental dans le droit international et français (A), toutefois il peut faire l'objet de certaines exceptions (B).
A. « Nul ne peut-être puni en vertu d'une loi établie antérieurement au délit »
Le principe de non rétroactivité de la loi pénale est un principe fondamental du droit international et du droit français. Il est consacré à l’article 7 de la convention européenne des droits de l’homme : « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. », et à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme : « La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. », il a donc une valeur constitutionnelle, la DDHC faisant partie du bloc de constitutionnalité français.
Une loi rétroactive est une loi qui s'applique à des faits précédant son entrée en vigueur.
Le principe de non rétroactivité a pour effet que toutes lois prises après la commission de l’infraction ne pourront s’appliquer au cas d’espèce, en effet seule la loi en vigueur au moment de l’infraction pourra s'appliquer. Il répond au principe de légalité qui impose qu'un individu doit savoir ce qu’il encourt s'il commet une infraction.
La loi pénale doit qualifier les faits condamnés et déterminer la sanction encourue en cas d'infraction.
La non rétroactivité de la loi pénale permet de limiter l'arbitraire et de pourvoir une sécurité et une stabilité juridique.
En effet, si les lois avaient toutes une faculté rétroactive, l’application d’une règle de droit en serait constamment incertaine sous la possibilité d’être modifié par une loi future, c’est donc pour cela que le principe de non-rétroactivité des lois pénales peut être considérés comme un des droits fondamentales du justiciable.
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