Commentaire arrêt 10.02.1998
Commentaire d'arrêt : Commentaire arrêt 10.02.1998. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Tali Vital • 24 Mars 2020 • Commentaire d'arrêt • 2 745 Mots (11 Pages) • 557 Vues
Vital Espoir LIGAN Master 1 Droit Notarial
COMMENTAIRE DE L’ARRÊT DU 10 FEVRIER 1998
L’institution contractuelle entre époux encore appelée donation au dernier vivant est un pacte sur succession future autorisé par la loi. À la différence de l’institution contractuelle par contrat de mariage, l’institution pendant le mariage est soumise aux conditions des legs dont elle produit des effets similaires.
C’est sur cette question que la Cour de cassation se prononce dans une affaire rendue Par la 1ère chambre civile, le 10 février 1998 sous le N° 96-12.501.
Dans cette affaire, un mari avait fait donation à sa femme de toute la propriété des biens qui composeraient sa succession, donation éventuellement réduite à l’une des quotités de l’article 1094-1, au choix de la donataire. 20 ans après, le mari confirme par testament authentique la donation et lègue un immeuble à une tierce personne. Le mari décède en laissant quatre enfants issus du mariage. La donataire optant pour la quotité se composant d’un quart en propriété et de trois quarts en usufruit, un conflit se déclare entre la donataire et la légataire, la première réclamant la délivrance complète de sa donation au détriment de la légataire.
Les juges du fond ont relevé que la donation faite à l’épouse absorbant déjà toute la quotité disponible, les dispositions testamentaires deviennent caduques. La légataire interjette appel et la Cour d’appel rend une décision non conforme à celle des juges du fonds. Un pourvoi en cassation est formé par la veuve et ses enfants.
La Cour d’appel considère que les deux libéralités doivent être réduites proportionnellement à leur valeur. Elle ordonne en conséquence la délivrance du legs à la légataire en appliquant une réduction à la valeur de l’immeuble.
A l’appui du pourvoi en cassation, la famille du de cujus invoque deux moyens. Le premier est que la quotité disponible a été épuisée par la donation faite au profit du conjoint et dès lors les dispositions testamentaires auraient dû être déclarées caduques en application de l’article 925 civ. Le second s’appuie sur le fait que le de cujus avait confirmé la donation dans son testament, ce que la cour d’appel aurait dû considérer comme une volonté d’avantager prioritairement l’épouse.
Les donations de biens à venir faite entre époux pendant le mariage doivent-elles quant à l’application des règles de réduction être soumises aux règles des legs ou à celles des donations ?
La Cour de cassation répond à cette question par la négative. Elle considère que « les donations de biens à venir que se font les époux au cours du mariage, parce qu’elles sont révocables, sont, quant à leurs effets, soumises aux règles des legs ». La cour confirme donc l’assimilation des effets d’une telle institution contractuelle à ceux d’un legs et en tire la conséquence qu’elle entre en concours avec les autres legs et est ainsi soumise à réduction proportionnelle.
La solution jurisprudentielle tranche ici une question qui a une grande portée pratique. En effet, elle diminue considérablement les droits du conjoint dans la succession, puisqu’il est susceptible dorénavant d’entrer en concours avec les légataires sur lesquels il primait jusqu’alors.
La jurisprudence nouvelle pose un principe clair, et peu surprenant au regard des opinions doctrinales qui avaient été émises sur ce sujet. Mais cela doit être nuancés. D’abord parce que le principe connaît des limites, ensuite parce que la solution peut être discutée, non dans son fondement, mais éventuellement dans son opportunité, selon la place que l’on veut reconnaître au conjoint survivant.
Pour ces différentes raisons, nous aborderons dans une première partie l’affirmation du principe d’application des effets des règles du legs à l’institution contractuelle, avant d’envisager dans une seconde partie une solution à portée limitée.
I - L’application des règles du legs à l’institution contractuelle
L’arrêt du 10 février 1998 constitue un revirement de jurisprudence attendu depuis bien longtemps (A) en raison de la pression doctrinale dont les arguments ont été repris par la cour de cassation (B)
A - Un revirement sous forme d’aboutissement
De manière classique, la jurisprudence considérait que les donations de biens à venir entre époux devaient être considérées comme des donations lors de l’ouverture de la succession et les primaient ainsi aux actes de disposition testamentaire avec lesquels elles pouvaient entrer en conflit. Ainsi comme en l’espèce, lorsque plus de trois enfants héritiers étaient présents, la quotité disponible en propriété n’étant que d’un quart, était entièrement absorbée par ce qui est habituellement appelé « institution contractuelle » : c’est la seconde quotité de l’article 1094-1 c.civ. C’est ce que prétendait le pourvoi à travers la demande de prise en compte de la « caducité » des dispositions testamentaires et l’application de l’article 925 c.civ. La solution distinguait donc clairement les donations et les testaments conformément à la division du code civil qui traite de ceux-ci dans deux chapitres distincts (chap. V et chap. IX – livre III titre II).
La cour de cassation rejette cependant une telle analyse. Elle considère au contraire que les donations de biens à venir consenties entre époux au cours du mariage doivent quant à leurs effets être soumises aux règles des legs.
Notamment, et c’est sur ce point que se situe le revirement, de telles institutions contractuelles prennent date à l’ouverture de la succession et entrent donc en concours avec les dispositions testamentaires éventuelles. Elles ne sont donc pas réduites en fonction de leur date comme les donations ordinaires, mais en fonction de leur valeur (c'est-à-dire proportionnellement).
Une telle solution ne constitue cependant pas un revirement des plus tranché. Dès 1929, la cour de cassation avait rapproché les donations de biens à venir des legs en posant que la capacité de tester est suffisante pour faire une donation de biens à venir pendant le mariage (Civ. 20 février 1929). L’assimilation de régime s’était encore prononcée en 1982 pour l’application du droit transitoire et surtout dans un arrêt Civ 1 du 20 octobre 1992 où la cour de cassation avait posé que comme pour les legs, l’option exercée par la donataire de bien à venir remonte au jour du décès. Ce dernier arrêt utilisait d’ailleurs d’ores et déjà la formule que reprend l’arrêt du 10 février 1998. Outre la formule qui permettait d’envisager un revirement sur les règles d’imputation, la solution de 1992 impliquait plus ou moins celle de 1998. Dès lors que « l’option remonte au jour du décès », il apparaît difficile de considérer que selon les effets envisagés la date de la donation soit tantôt celle de l’acte, tantôt celle du décès.
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