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Commentaire Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 mars 2016, 14-14.218

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Par   •  7 Mai 2019  •  Commentaire d'arrêt  •  2 192 Mots (9 Pages)  •  4 339 Vues

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Dans un arrêt du 22 mars 2016, la chambre commerciale de la Cour de cassation a redéfini, par une motivation enrichie, le critère de distinction des nullités relatives et des nullités absolues.

En l’espèce, un contrat de cession de parts de sociales a été conclus en 2003.

Les cédants assignent le cessionnaire en nullité des cessions de parts pour indétermination du prix et, à défaut, pour vileté du prix en 2010. Le défendeur soulève la prescription de l’action en nullité.

La cour d’appel de Versailles déclare l’action en nullité irrecevable car prescrite.

Les cédants forment un pourvoi en cassation en soutenant que l’action en nullité de la vente consentie sans prix ou sans prix sérieux est affectée d'une nullité qui, étant fondée sur l’absence d’un élément essentiel au contrat, est une nullité absolue soumise à la prescription trentenaire au moment de la conclusion de la vente.

Cela conduit la Cour de cassation à s’interroger sur le point suivant : La vente pour prix vil ou dérisoire est-elle sanctionnée d’une nullité absolue et non relative, et par suite soumise à une prescription trentenaire et non quinquennal ?

À cette question, la chambre commerciale de la Cour de cassation répond par négative et rejette le pourvoi en cassation. Elle rappelle que traditionnellement les arrêts de la première chambre civile et de la chambre commerciale sanctionnés les contrats pour absence de cause d’une nullité absolue, puis que la première chambre civile et la troisième chambre civile ont mis en application une nouvelle théorie, dite « moderne », en frappant désormais d’une nullité relative les conventions présentant ce défaut. Par cet arrêt, la chambre commerciale s’est prononcé en faveur de l’unification de la jurisprudence au bénéfice de la théorie moderne en retenant que « l’action en nullité des cessions de parts conclues pour un prix indéterminé ou vil ne tendait qu’à la protection des intérêts privés des cédants, que c’est donc à bon droit que la cour d’appel a retenu que cette action, qui relève du régime des actions en nullité relative, se prescrit par cinq ans par application de l’article 1304 du code civil ».

La solution de la chambre commerciale permet l’unification du critère de distinction des nullités relatives et des nullités absolues en faveur de la théorie moderne (I) et d’éclairer sur l’incidence du critère moderne de distinction des nullités relatives et des nullités absolues (II).

  1. L’unification du critère de distinction des nullités relatives et des nullités absolues en faveur de la théorie moderne

Tout d’abord, la chambre commerciale de la Cour de cassation effectue un rappel des jurisprudences adoptés par les différentes chambres (A) et se prononce en faveur de son ralliement au critère moderne de distinction (B).

  1. Le rappel des jurisprudences adoptées par les différentes chambres de la Cour de cassation

La Cour de cassation expose dans son premier moyen et deuxième motif les jurisprudences établis antérieurement concernant la sanction par la nullité pour défaut de cause. Selon la théorie classique du XIXème siècle, le critère classique de distinction des nullités absolues et des nullités relatives était purement anthropomorphique, c’est-à-dire que l’intensité de la nullité est prononcée par le juge en fonction de la gravité de la transgression de la règle de droit. En l’absence d’une condition de validité, le contrat était mort-né et donc frappé d’une nullité absolue. Lorsque les conditions de validité seraient réunies, mais l’une d’elles serait vicié, le contrat serait simplement malade et donc frappé d’une nullité relative. C’est ainsi que « La Cour de cassation jugeait depuis longtemps que la vente consentie à vil prix était nulle de nullité absolue (1re Civ., 24 mars 1993, n° 90-21.462) », du fait de l’absence de cause. En effet en matière de vente, « le prix (…) doit être déterminé et désigné par les parties », selon l’article 1591 du Code civil. La première chambre civile de la Cour de cassation se prononçait à l’origine en mettant en œuvre la théorie classique, mais également cette « solution était affirmée en ces termes par la chambre commerciale, financière et économique ». Cette dernière considérait aussi que "la vente consentie sans prix sérieux est affectée d'une nullité qui, étant fondée sur l'absence d'un élément essentiel de ce contrat, est une nullité absolue soumise à la prescription trentenaire de droit commun" (Com., 23 octobre 2007, n° 06-13.979, Bull. n° 226) ».

La « prescription de droit commun » de l’action en nullité d’un contrat était trentenaire en ce qui concerne les nullités absolues et quinquennal en ce qui concerne les nullités relatives.

Cependant, « cette solution a toutefois été abandonnée par la troisième chambre civile de cette Cour », « qu'un contrat de vente conclu pour un prix dérisoire ou vil est nul pour absence de cause et que cette nullité (…) est une nullité relative que la nullité d'un contrat pour défaut de cause, protectrice du seul intérêt particulier de l'un des cocontractants, est une nullité relative (1re Civ., 29 septembre 2004, n° 03-10.766, Bull. n° 216) », et également par la première chambre civile qui juge, plus généralement « pour sa part », « que la nullité d'un contrat pour défaut de cause (…) est une nullité relative » (1re Civ., 29 septembre 2004, n° 03-10.766, Bull. n° 216) ». On remarque que la nature de la nullité en l’absence d’une condition d’existence dans le contrat a changé, passant d’une nullité absolue à une nullité relative. Ce revirement est dû à un changement de critère, en effet la troisième chambre civile se fonde « sur l’intérêt du vendeur » et la première sur le « seul intérêt particulier de l'un des cocontractants » pour sanctionner d’une nullité relative le contrat.

Désormais, le critère de distinction des nullités absolues et des nullités relatives ne réside plus dans la gravité qui touche le contrat mais dans la finalité de la règle transgressée. La nature de la nullité en l’absence de cause du contrat est une nullité relative qui est « soumise au délai de prescription de cinq ans ». 

Ainsi, l’absence de cause dans un contrat est sanctionnée d’une nullité relative par les chambres civiles et d’une nullité absolue par la chambre commerciale, du fait que les premières ont adopté un nouveau critère de distinction, celui de la théorie moderne, alors que la chambre commerciale conserve le critère de la théorie classique. Par conséquent, la durée du délai de prescription de l’action en nullité ne sera pas le même.

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