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Chambre mixte de la Cour de Cassation 12 décembre 2014

Commentaire d'arrêt : Chambre mixte de la Cour de Cassation 12 décembre 2014. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  22 Novembre 2017  •  Commentaire d'arrêt  •  5 214 Mots (21 Pages)  •  788 Vues

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Chambre mixte de la Cour de Cassation

Audience publique du vendredi 12 décembre 2014

N° de pourvoi: 13-19684

Publié au bulletin Rejet

Lorsque la clause d’un contrat prévoit l’obligation de recourir, en cas de litige, à une conciliation préalable à la saisine du juge, l’instance introduite en méconnaissance de cette obligation se heurte à une fin de non-recevoir.

De nombreux contrats comportent une clause prévoyant, en cas de litige, la mise en œuvre obligatoire d’une procédure de conciliation, avant que l’une des parties n’engage, éventuellement, une action judiciaire.

Ce type de clause s’inscrit dans un courant qui promeut les modes alternatifs de règlement des conflits (dits « M.A.R.C. »), en développement depuis une quinzaine d’années. Les parties, seules ou assistées d’un avocat, sont incitées à participer directement à la résolution de leur conflit par le dialogue et la concertation ; il s’agit de donner l’occasion aux parties, ou à un tiers désigné par elles, d’aboutir à une solution non pas imposée, mais acceptée.

C’est un arrêt très largement diffusé qu’a rendu la Cour de cassation, réunie en chambre mixte, le12 décembre 2014. Il faut dire que cette chambre mixte, qui ne rassemblait pas moins de cinq des six formations de la Cour de cassation, devait se prononcer sur une question d’une importance pratique considérable portant sur les effets et le régime procédural des clauses instituant une procédure préalable à la saisine du juge.

Dans l’espèce ayant donné lieu à cet arrêt, une telle clause avait été introduite dans un contrat d’architecte relatif à la construction d’un ensemble immobilier. Les parties avaient convenu, en cas de différend, de saisir pour avis le conseil régional de l’ordre des architectes avant toute procédure judiciaire. Il était ensuite prévu qu’« à défaut de règlement amiable », le litige serait porté devant les juridictions civiles territorialement compétentes.

Imputant diverses fautes à son cocontractant, la société ayant sollicité cette construction avait saisi un juge d’une demande en paiement de dommages-intérêts fondée sur les articles 1146 et suivants du code civil. Déboutée en première instance, la société avait saisi une cour d’appel qui avait, quant à elle, déclaré la demande irrecevable en se fondant sur le défaut de mise en œuvre de la clause de conciliation obligatoire, la demande se heurtant, selon elle, à une fin de non-recevoir. Elle avait en outre précisé que la saisine, en cours d’instance, du conseil régional de l’ordre des architectes visé par la clause, n’était pas susceptible de régulariser la fin de non-recevoir dans la

mesure où les parties étaient convenues que la tentative de conciliation devait être effectuée avant l’introduction de l’instance. L’irrecevabilité était dès lors encourue en application de la clause en question, qui constituait, pour les juges du fond, « la loi des parties ».

C’est ce que contestait la demanderesse à la cassation. Elle prétendait que l’inobservation d’une clause de conciliation préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir qui peut, en tant que telle, être régularisée jusqu’au jour où le juge statue lorsque, conformément à l’article 126 du code de procédure civile, la cause de l’irrecevabilité a disparu. La demanderesse arguait du fait qu’elle avait saisi postérieurement à la saisine du juge mais avant qu’il se prononce le conseil de l’ordre des architectes, ce qui avait eu selon elle pour effet de régulariser la fin de non-recevoir.

Une procédure de conciliation, rendue obligatoire en cas de litige par une clause du contrat, peut-elle être mise en œuvre, si elle ne l’a pas été préalablement à l’instance judiciaire, au cours de celle-ci ?

C’est une réponse négative qu’apporte la Cour de cassation dans l’arrêt rapporté. Elle estime que la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en oeuvre d’une clause contractuelle qui institue une procédure, obligatoire et préalable à la saisine du juge, favorisant une solution du litige par le recours à un tiers n’est pas susceptible d’être régularisée par la mise en œuvre de la clause en cours d’instance. Par conséquent, le constat de la méconnaissance de la clause préalablement à l’introduction de l’instance devait entraîner, comme l’ont considéré les

juges du fond, l’irrecevabilité de la demande.

 

Ainsi, il convient d’étudier le régime général et dérogatoire des clauses réglant le litige par le recours à un tiers (I) afin d’appréhender l’adéquation de la sanction de fin de non-recevoir et les problèmes juridiques liés (II).

I.- Le passage du régime juridique  général des clauses réglant le litige par le recours à un tiers au régime spécial.  

Afin de comprendre l’apport de l’arrêt étudier, il conviendra dans un premier temps d’étudier le régime générale des clauses favorisant une solution bilatérale du litige par le recours à un tiers au travers du contenu et du domaine des clauses ( A) puis d’appréhender le régime juridique spécifique de la sanction attachée à la méconnaissance des clauses favorisant une solution bilatérale du litige par le recours à un tiers.

 A) Le régime juridique général réglant le litige par le recours à un tiers.

Dans un premier temps il convient de s’attarder sur le contenu des clauses.

Premièrement il s’agit de rappeler que Cour de cassation contrôle la qualification des clauses. Ainsi, il résulte d’un arrêt rendu le 16 juin 2011 par la deuxième chambre civile qu’insérée dans un contrat d’assurance collective qui, ayant pour objet de couvrir le risque d’invalidité permanente totale, n’était pas conclu en raison d’une activité professionnelle, une clause intitulée “procédure de conciliation”, prévoyant que les conclusions du médecin s’imposent aux parties, ne pouvait instaurer valablement une procédure d’arbitrage. ( dans le même sens:  11 juillet 2006 (pourvoi n° 03-20.802, Bull. 2006, I, n° 369+ 20 juin 2006 (pourvoi n° 03-16.640, Bull. 2006, I, n° 310))

Deuxièmement, la Cour de cassation exige une stipulation des clauses dans le contrat. Par un arrêt de rejet du 6 mai 2003 (pourvoi n° 01-01.291, Bull. 2003, I, n° 108), s’agissant d’un litige opposant une clinique à un médecin, alors que celle-ci faisait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté une fin de non-recevoir tirée du non- respect par le praticien d’une procédure de conciliation préalable en soutenant notamment qu’une telle procédure était “prévue par tous les modèles de contrat établis par les organisations professionnelles” et constituait “un usage professionnel opposable aux parties, sans qu’elles aient à s’y référer”, la première chambre civile a jugé “qu’une procédure préalable de conciliation ne [peut] résulter que d’une stipulation contractuelle, laquelle est, en effet, seule de nature à s’imposer au juge”.

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