Arrêt Cour de Cassation 1ère chambre civile 22 novembre 2007
Commentaire d'arrêt : Arrêt Cour de Cassation 1ère chambre civile 22 novembre 2007. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Héloïse Bouard • 5 Novembre 2019 • Commentaire d'arrêt • 2 261 Mots (10 Pages) • 930 Vues
Commentaire : Arrêt Cour de Cassation, 1ère chambre civile, 22 novembre 2007
Un médecin esthéticien a pratiqué à deux reprises en 1951 des injections d’un produit vendu par la Société Dermatech, dans le but de suivre un traitement d’effacement des rides. Suite à ces injections, la patiente a été victime de réactions inflammatoires importantes, elle souhaite obtenir réparation de son préjudice. Le fabricant du produit avait expressément mentionné dans la notice d’utilisation que la patiente devait demander conseil à son médecin quant à l’utilisation du produit.
Dans un première arrêt, la Cour d’Appel avait retenu la responsabilité du médecin qui avait pratiqué les injections et celle du laboratoire fabricant du produit, ayant relevé que, si la notice d'utilisation du Dermalive, remise aux seuls médecins, mentionnait le risque d'effets indésirables tels que ceux survenus, la plaquette d'information, communiquée préalablement à la patiente n'en faisait aucun état malgré leur présence dans la littérature médicale et leur incidence sur un éventuel renoncement de la patiente aux soins.
La société Dermatech dont est issu le médecin se pourvoit alors en Cassation au motif que la Cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil en établissant un lien direct entre l’injection du produit et le dommage, et arguant que la responsabilité du producteur est soumise à condition que le demandeur prouve le défaut du produit et le lien de causalité entre le défaut et le dommage. Elle énonce également que dans l’appréciation du caractère défectueux d’un produit, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit et que c’est donc à défaut que la Cour a qualifié le produit de défectueux.
La Cour de Cassation s’est ici questionnée sur les conditions d’engagement de la responsabilité d’un fabricant d’un produit défectueux lorsqu’un défaut de sécurité est constaté.
La Cour de Cassation, dans un arrêt du 22 novembre 2007, a approuvé les juges du fond concernant la responsabilité du médecin qui n’avait pas préalablement mentionné à sa patiente les risques d’infection liés à l’injection du produit. Ainsi, bien que, comme le soutenait le fabricant dans son pourvoi, les risques d'effets indésirables avaient été mentionnés dans la notice d'utilisation distribuée aux médecins, cela ne suffisait pas à informer le patient, alors même que le médecin a un devoir d'information et de conseil envers les patients. En d'autres termes, ce n'est pas seulement le médecin utilisateur du produit qu'il faut informer mais aussi le patient qui en est le bénéficiaire ; et le fabricant ne peut se prévaloir de l'obligation pesant sur le médecin pour s'exonérer de sa propre obligation envers le patient.
Ainsi, la Cour s’est tout d’abord interrogée sur l’appréciation du défaut d’un produit, ce qui le rend défectueux. On se rend ensuite compte de la sévérité de la décision par rapport aux fabricants de produits considérés comme défectueux.
I- Une appréciation du défaut d’un produit
A- Le dommage causé par la défectuosité d’un produit
—> La notion de défaut a été utilisée par les juges français alors même que la directive européenne de 1985 mettant en oeuvre la responsabilité du fait des produits défectueux n’était pas transposée, et notamment avec un arrêt du 3 mars 1998 qui définit un produit exempt de défaut comme un produit qui n’est pas de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, c’est à dire un produit « qui offre la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre » . Il faut donc que le danger lié au produit soit le fruit d’une anomalie, d’une défaillance. Dans un arrêt 5 mars 2015, il s’agissait de défauts sur des simulateurs cardiaques et des défibrillateurs, et la Cour de Cassation a dit que ces produits étaient bien défectueux car ils avaient une potentialité anormale de dommages qu’ils étaient susceptibles de causer. Finalement, on a eu une transposition de la directive à l’article 1386-2 qui vise la réparation des dommages causés par la défectuosité d’un produit, que ce soit pour les personnes (à l’alinéa premier) ou pour les biens (alinéa 2).
—> Il va donc falloir établir un lien de causalité entre la défectuosité du produit et l’apparition du dommage. La victime, donc ici Mme X… devra prouver à la fois le dommage (ici les réactions inflammatoires) et le lien de causalité entre le défaut de la crème anti ride et l’inflammation, ce qui est difficile car il n’y a jamais d’exacte certitude. La société Dermatech a d’ailleurs dans l’arrêt reproché à la Cour d’Appel de ne pas avoir caractérisé correctement le lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage causé à Mme X, que celle ci n’a d’ailleurs nullement prouvé. Cette absence de lien de causalité peut poser problème car finalement ça pourrait montrer une sorte de solution d’opportunité en faveur de la victime par la Cour. Cependant, la Cour montre bien en l’espèce que, finalement, la seule caractérisation d’un problème de présentation du produit suffit à engager le responsabilité du fabricant, (ce qui nous amène au B) :
B- La présentation du produit comme circonstance pour apprécier la défectuosité
—> Ce défaut du produit peut être lié à un défaut de fabrication, de conception, de stockage, de manipulation de produit. Une liste non limitative est donnée de ces circonstances à l’article 1245-3. En effet, au delà de la défectuosité du produit en lui même, la présentation ou usage du produit peut concerner d’autres circonstances, on doit tenir compte de ttes les circonstances. Il faut que le produit corresponde à une sécurité normale que le consommateur est raisonnablement en droit d’attendre du produit. Des litiges se sont rapidement noués sur la présentation du produit (étiquetage, conditionnement, informations et précautions d’emploi qui figurent sur le mode d’emploi du produit), ce qui va montrer que défaut de sécurité peut être lié à tout cela, pas uniquement au produit lui même. L’arrêt d’espèce est un exemple typique d’un litige lié à la présentation d’un produit.
—> En l’espèce, la présentation va ici s’appliquer concernant la plaquette publicitaire transmise par la société à Mme X… mais également à la notice d’utilisation du produit où il était indiqué que le médecin devait informer les patients des potentiels effets secondaires pouvant être générés par l’injection du produit. C’est donc pour cela que la Cour d’Appel puis la Cour de Cassation a retenue la responsabilité à la fois du médecin et de la société Dermatech, car tout deux ont manqué à leur devoir : l’un ayant commis une faute personnelle en omettant de prévenir sa patiente ; et l’autre ayant commis une faute pouvant être réprimée sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux. Tout cela contribue donc à caractériser un manquement dans la présentation du produit et donc à caractériser la défectuosité du produit. Cependant, on remarque que la Cour de Cassation insistera longuement sur la responsabilité de la société plutôt que sur celle du médecin. Elle va justifier cela en estimant que finalement, c’est le fait que la plaquette publicitaire à laquelle la patiente a eu un accès direct ne contenait aucunement l’information de possibles effets secondaires, c’est ce qui caractérise un manquement à la présentation du produit et donc sa défectuosité. La patiente n’a donc pas pu se voir offrir la sécurité à laquelle elle pouvait légitimement s’attendre du fait de ce manquement. C’est donc pour cela que cette solution sera particulièrement sévère envers le fabricant :
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