Cour De Cassation, 2ème Chambre Civile, 28 février 1996: la réduction de réparation de la victime
Mémoire : Cour De Cassation, 2ème Chambre Civile, 28 février 1996: la réduction de réparation de la victime. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Alexouille • 22 Avril 2012 • 1 991 Mots (8 Pages) • 8 935 Vues
La réduction, voire la disparition du droit à la réparation de la victime en raison de la faute qu’elle a pu commettre dans la réalisation du dommage est un principe aujourd’hui bien ancré dans notre jurisprudence. L’arrêt du 28 février 1996 de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation en est une illustration.
En l’espèce, une enfant de 8 ans, confiée par ses parents à un adulte le temps d’une soirée, se met brusquement à courir et heurte le fils mineur de celui qui la garde, alors qu’il transportait une casserole d’eau bouillante. La fillette subit alors de graves brûlures.
Les responsables légaux de la fillette décident d’assigner, en son nom, le père du mineur qui transportait la casserole, alors chargé de la garde de la fillette, et son assureur en réparation de son préjudice. Un jugement de première instance est rendu, dans lequel la demande des parents de l’enfant est accueillie par les juges du fond, qui retiennent uniquement la responsabilité de l’adulte alors chargé de surveiller l’enfant. Celui-ci interjette appel devant la cour d’appel de Besançon qui, dans un arrêt du 27 janvier 1994, confirme le jugement de première instance et retient ainsi la responsabilité entière de l’adulte, en excluant toute faute de l’enfant ayant participé à la réalisation de son dommage du fait de son jeune âge et de la prévisibilité du dommage dans le contexte au cours duquel il s’est produit. L’adulte chargé de surveiller la fillette le soir où celle-ci a subi l’accident se pourvoit en cassation.
Le comportement à risque d’un enfant en bas âge, lorsqu’il lui cause un dommage, peut-il être considéré comme une faute susceptible d’exonérer partiellement l’auteur du dommage ?
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel au visa de l’article 1382 du Code civil. Elle rappelle alors que la faute d’un mineur peut être retenue à son encontre même s’il n’est pas capable de discerner les conséquences de son acte. La 2ème chambre civile de la Cour de cassation juge alors que la capacité de discernement n’est pas indissociable de la commission d’une faute susceptible d’engager la responsabilité civile de l’enfant, et qu’il suffit que le comportement de l’enfant soit objectivement constitutif d’une faute et en relation de causalité directe avec le dommage allégué pour que la responsabilité de l’enfant soit engagée.
Dans un premier temps, la jurisprudence admet que la faute du mineur dépourvu de discernement puisse être retenue pour engager sa responsabilité civile et permettre l’indemnisation de la victime de cette faute (I). Dans un second temps, la jurisprudence va jusqu’à admettre que la faute du mineur dépourvu de discernement puisse être retenue contre lui-même lorsqu’il est victime de son propre fait (II)
I- La faute du mineur dépourvu de discernement retenue
L’abandon de la condition d’imputabilité (A), en 1968, a permis d’envisager que puisse être retenue la faute du mineur pourtant dépourvu de conscience, donc incapable de discerner les conséquences de ses actes (B).
A- L’abandon de la condition d’imputabilité
Jusqu’en 1968, l’imputabilité était une condition de la faute, un élément constitutif de la faute. L’imputabilité signifie que l’on puisse reprocher son comportement à celui qui en a été l’auteur : il s’agit de rechercher si l’auteur du comportement comprenait bien la portée de son acte. Dans le Code civil, la faute est subjective : elle repose sur l’illicéité et l’imputabilité. En effet, dans le Code civil, la responsabilité repose sur le libre arbitre, car sa fonction est d’édicter des normes de conduite, de prévenir des dommages et de sanctionner la violation de ces normes. Jusqu’en 1968 alors, en raison de l’esprit de la responsabilité civile et de la définition subjective de faute qui résultait de cet esprit, toutes les personnes privées de libre arbitre au moment du dommage étaient irresponsables. En effet, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 11 mars 1965, avait considéré qu’un dément qui avait versé dans le tonneau de vin appartenant à une famille une substance toxique et ainsi provoqué l’empoisonnement mortel d’un membre de cette famille et l’intoxication des autres membres, n’a pu agir autrement et n’a donc pas commis de faute sur laquelle serait fondée l’indemnisation du préjudice allégué. Cette solution d‘irresponsabilité des inconscients n’a choqué personne pendant des années. Au fur et à mesure de l’évolution, et que l’objectif prioritaire du droit de la responsabilité civile est passé de la sanction de l’auteur d’une faute à l’indemnisation de la victime, cette solution est devenue inadmissible.
Depuis 1968, l’imputabilité n’est plus un élément constitutif de la faute. En effet, une loi intervient, au terme de laquelle, « celui qui cause un dommage sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à réparation ». Cette loi de 1968 pose alors une exception au principe de l’irresponsabilité des inconscients, en ce qu’elle permet que soit engagée la responsabilité du dément qui commet une faute.
La loi de 1968 est d’abord strictement interprétée par le juge, qui limite alors son action au seul dément auteur d’un dommage. Puis, dans un second temps, le juge, sur le modèle de la loi de 1968, admet la responsabilité de l’enfant mineur dépourvu de la capacité de discernement, donc inconscient.
B- L’admission de la responsabilité du mineur dépourvu de la capacité de discernement
L’impératif prioritaire de la responsabilité civile est devenu l’indemnisation de la victime. La définition de la faute a donc changé. Henri Mazeaud a proposé de substituer à la notion de faute subjective, la notion de faute objective, c’est-à-dire la faute se réduisant à un acte objectivement illicite. Jusqu’en 1984, la faute subjective, pour être caractérisée, supposait un examen de conscience de l’auteur de la faute, à part, depuis 1968, pour « celui qui cause un dommage sous l’empire d’un trouble mental ». En effet, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 7
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