Discrimination dans l’application du Code du travail marocain à l’encontre des femmes du secteur textile

CHAKIRI Wafa

Master Genre et Politiques Publiques

chakiriwafae@hotmail.com

L’ARTICLE

«  Discrimination dans l’application du Code du travail marocain à l’encontre des femmes du secteur textile »

INTRODUCTION

«Tous les êtres humains, quels que soient

leur race, leur croyance ou leur sexe, ont

le droit de travailler dans la liberté et la

dignité, dans la sécurité économique et

avec des chances égales.» ^[1]

Le Maroc d’aujourd’hui déploie tous ses efforts pour réussir des chantiers de la mise à niveau économique et sociale afin de répondre aux paris d’un développement durable, équitable et humain et de relever les défis de la mondialisation et de la concurrence, ainsi que pour favoriser l’investissement national et étranger dans le secteur privé, en raison du rôle capital qu’il est appelé à jouer dans l’instauration d’une économie moderne.

Cette perspective ne peut être atteinte que par la prise en considération du capital humain dans sa vision économique et surtout la valorisation du potentiel féminin dans le marché du travail en lui préservant sa dignité, en améliorant son niveau de vie, en assurant son progrès social et en lui garantissant un travail décent^[2]. Lequel travail ne peut être assuré que par le biais d’un processus juridique qui prend en compte les particularismes de la femme travailleuse et stipule le principe de l’égalité entre les deux sexes.

En vue de mettre la législation en conformité avec les Conventions de l’OIT, le Code du travail marocain^[3] est élaboré, entre autres, en vue de garantir à l’ouvrière les meilleurs conditions du travail et d’éliminer toute discrimination fondée sur le sexe.

Actuellement, le premier secteur industriel pourvoyeur d’emploi au Maroc, est le secteur du textile- habillement. La main d’œuvre y est surtout à dominance féminine soit 71% de l’effectif total^[4] et la majorité sont des jeunes de moins de trente ans^[5].

Ayant effectué des recherches scientifiques, qui abordent la question des conditions du travail des femmes dans le secteur du textile et de la législation de travail et une étude de terrain relative à l’application du Code du travail, basée sur une série d’entretiens avec des ouvrières^[6] de deux entreprises marocaines du textile tournées vers l’exportation, localisées dans la zone industrielle de Temara aux alentours de Rabat et sur des questions libres avec une dizaine d’ouvriers, un responsable général d’une usine et un inspecteur de travail, et sans d’ailleurs prétendre épuiser toute la matière, il est à noter qu’en matière de protection des femmes, la réglementation marocaine parait conforme aux normes prévues par la législation des pays développés et par les Conventions Internationales. Cependant, dans le domaine du secteur textile, cette réglementation demeure simplement platonique et sans application suffisante.

Bien que ce phénomène soit souvent expliqué par la montée démographique et la conjoncture économique qui ont eu des effets négatifs sur le marché du travail, les politiques de mise en œuvre de la réglementation du travail sont, la plupart du temps, à l’origine de la vulnérabilité de la main d’œuvre féminine. Car les carences de ces politiques font que très peu de leurs mesures tiennent compte des conditions de travail des ouvrières du secteur textile.

L’étude qui va suivre aura pour objectif dans un premier temps d’exposer le degré d’application du Code du travail au profit des ouvrières du secteur textile en examinant  les conditions du travail de ces femmes.

Dans un second temps, cette même étude tentera d’expliquer les causes de la violation du Code du travail en faisant ressortir le lien entre la division sexuelle du travail et la violation du Code du travail à l’encontre des ouvrières du secteur textile, en proposant des perspectives pour l’application effective de ce Code, la valorisation du travail de la femme du secteur textile et l’instauration d’une égalité de genre dans l’esprit industriel.

1. ÉTAT DES LIEUX DE L’APPLICATION DU CODE DU TRAVAIL Á L’ENCONTRE DES FEMMES DU SECTEUR TEXTILE

Afin d’asseoir la protection des salariés dans le commerce, l’industrie et les professions libérales, le législateur marocain a défini, dans le Code du travail, un cadre juridique annonçant un certain nombre de règles relatives aux contrats et horaires du travail, aux congés payés, aux salaires, à l’hygiène et la sécurité, à la maternité, au principe d’égalité et à la représentation.

Mais, malgré les efforts déployés par le gouvernement afin de mettre en œuvre les dispositifs législatifs et réglementaires dans le domaine du travail, ces règles juridiques n’ont pas été bien suivies et sont dans la plupart du temps violées par certains employeurs, surtout ceux qui emploient une main d’œuvre féminine abondante, comme c’est le cas dans le secteur du textile.

I-1 : Carences dans la protection des femmes du secteur textile

          I-1-1 : Carences dans les conditions d’hygiène et de sécurité

A. Conditions d’hygiène

Selon l’article 181 du Code du travail, les établissements et les locaux de travail doivent être tenus dans un état constant de propreté et présenter les conditions d’hygiène et de salubrité nécessaires à la santé du personnel. Ils doivent être aménagés de manière à garantir la sécurité des travailleurs. Les machines et outils doivent être installés et tenus dans de meilleures conditions de sécurité.

Cependant, les ouvrières questionnées ont déclaré qu’elles travaillent dans de mauvaises ventilations et de hautes températures, en l’absence de climatiseurs. Seuls les bureaux de l’administration sont climatisés. L’éclairage est insuffisant. Elles travaillent sous une forte teneur en fibres dans l’air, sans masques ni gants qui pourraient les protéger contre les poussières et les odeurs de la teinture chimique dégagée par les fils de laine. Les masques sont portés par les hommes qui s’occupent de la coupe. Même les blousons de travail, ce sont les ouvrières qui doivent les acheter de leur propre argent.

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