Commentaire d'arrêt du 28 novembre 2018
Commentaire d'arrêt : Commentaire d'arrêt du 28 novembre 2018. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Claire Freulon • 4 Février 2020 • Commentaire d'arrêt • 1 735 Mots (7 Pages) • 1 304 Vues
L’arrêt qu’il est ici lieu de commenter a été rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 28 novembre 2018 et concerne les relations de travail au sein d’une société travaillant sur plate-forme numérique.
En l’espèce, une société utilise une plate-forme numérique ainsi qu’une application afin de mettre en relation des restaurateurs partenaires, des clients passant commande de repas par le biais de la plate-forme et des livreurs à vélo exerçant leur activité sous un statut d’indépendant. A la suite de la diffusion d’offres de collaboration, le requérant a postulé auprès de la société et a effectué les démarches nécessaires en vue de son inscription. Au terme du recrutement, les parties ont conclu un contrat de prestation de services le 13 janvier 2016.
Le coursier a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de son contrat en un contrat de travail. Le conseil de prud’hommes et la cour d’appel s’étaient déclarés incompétents pour connaître de cette demande. La liquidation judiciaire de la société a été prononcée entre temps.
La cour d’appel refuse la requalification de son contrat en un contrat de travail en retenant que le requérant n’était lié à la plate-forme numérique par aucun lien d’exclusivité ou de non-concurrence et qu’il pouvait chaque semaine déterminer lui-même les plages horaires au cours desquelles il souhaitait travailler ou de n’en sélectionner aucune s’il ne souhaitait pas travailler.
Un livreur exerçant sous un statut indépendant en coopérative avec une société utilisant une plate-forme numérique est-il soumit à un lien de subordination et donc à un contrat de travail?
La cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Paris rendu le 20 avril 2017 aux motifs « que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ».
Selon l’arrêt de la chambre sociale du 13 novembre 1996 “Société générale”, la qualification de salarié repose sur la réunion de plusieurs éléments notamment une prestation de travail, une rémunération et un lien de subordination. C’est ce troisième élément qui va être visé dans la réflexion du statut du travailleur dans une société sur plate-forme numérique. Lui même divisé en trois éléments : pouvoir de direction, pouvoir de contrôle (I) et pouvoir de sanction (II)
- Le lien de subordination ressortant de la méthode du faisceau d’indices : pouvoir de contrôle et de direction
Les juges s’appuient donc sur les circonstances de fait en utilisant la technique du faisceau d’indices pour savoir s’il s’agit ou non d’une relation de travail. Le lien de subordination est un caractère essentiel à la relation de travail et il est d’abord composé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives (A) et d’en contrôler l’exécution (B).
- La détermination unilatérale par l’employeur des conditions de travail permettant la caractérisation vers un lien de subordination
D’après un arrêt du 28 octobre 2016 d’un tribunal anglais, avec la Société Uber on constate l’émergence d’un nouveau phénomène économique : « Ubérisation ». Cela consiste en l’utilisation de services permettant aux professionnels et aux clients de se mettre en contact directement par l’intermédiaire de plate-formes numériques. On parle de « para-subordination ».
D’après Franck Héas, chercheur et enseignant de droit à Nantes, si l’intéressé bénéficie d’une large indépendance technique pour remplir des fonctions spécifiques, la subordination et l’existence corrélative du contrat de travail pourront être relevées si le travailleur a exécuté sa prestation de travail dans le cadre d’un service organisé par le donneur d’ouvrage. En l’espèce, les coursiers entrent dans un service organisé par la société qui met en relation des restaurateurs partenaires, des clients passant commande de repas par la plate-forme et des livreurs qui exercent leur métier grâce au service de cette plate-forme. Ceci n’est pas un critère décisif du contrat de travail mais c’est un critère alternatif de plus qui peut être compris dans la méthode du faisceau d’indices.
La Cour de cassation affirme ainsi que « le travail accompli par une personne au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination, lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions du travail ». En l’espèce, les coursiers ont des ordres à respecter par exemple ils ne peuvent pas conserver les coordonnées des clients. Ils ont aussi des directives puisqu’ils ne peuvent pas circuler sans casque.
B. Le suivi du coursier par un système de géolocalisation valant contrôle de l’exécution du travail
A lui seul, le critère de l’intégration du travailleur dans un service organisé n’est pas déterminant : il faut qu’il y ait une forme d’autorité qui s’exerce. Des distributeurs de journaux, même s’ils étaient intégrés à un service organisé, ne sont pas titulaires d’un contrat de travail en l’absence de contrôle du donneur d’ouvrage.
La subordination existe si le commanditaire peut également effectuer des contrôles réguliers de l’accomplissement de sa prestation par le travailleur. C’est l’idée que celui-ci dispose d’un droit de regard sur l’activité du travailleur soit pour veiller au bon accomplissement de la prestation de travail ce qui est le cas en l’espèce. Puisqu’en étant suivis par un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus, la société exerce littéralement un pouvoir de contrôle sur les missions effectuées par les coursiers.
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