« Chantier interdit au public » Nicolas Jounin
Étude de cas : « Chantier interdit au public » Nicolas Jounin. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar segna • 27 Janvier 2019 • Étude de cas • 1 487 Mots (6 Pages) • 1 332 Vues
Étude de texte : « chantier interdit au public Nicolas Jounin
En 2008, le sociologue Nicolas Jounin a sorti un ouvrage intitulé « chantier interdit au public »dans lequel il rend compte d'une enquête effectuée par lui-même quelques années auparavant parmi les travailleurs du bâtiment. En effet, afin d'explorer et de comprendre le quotidien de ces travailleurs, l'auteur s'est lui-même infiltré en s’inscrivant dans diverses agences d’intérim et a travaillé sur des chantiers pendant toute une année.
Dans l'extrait que nous allons étudier, il décrit les conditions de l'emploi et livre ses constats quant aux pratiques des agences d'intérim et des entreprises qui y ont recours mais il fait également état du ressenti et du quotidien des travailleurs dans ce secteur très particulier du bâtiment.
A- Les pratiques illégales des agences
En s’inscrivant dans différentes agences d’intérim, Nicolas Jounin découvre que la relation entre les agences et les intérimaires repose sur la méfiance et l’absence de confiance.
En effet, selon les propos qu’il recueille auprès des commerciaux des agences, la main d’œuvre du bâtiment n’est pas fiable. Ils racontent que les ouvriers ne se présentent pas systématiquement sur les chantiers où ils sont attendus et qu’ils n'hésitent pas à quitter un chantier, si le travail ne leur convient pas, mettant ainsi en péril la réputation de l'agence qui les envoie. En conséquence, N. Jounin constate que les agences d’intérim convoquent toujours plus de personnes qu’il n’y a de postes, ce qui génère selon lui « une spirale de déloyautés ».
Mais, Jounin, en s’infiltrant, a bien compris que si les ouvriers pouvaient se permettre de tels comportements irrespectueux, c'est parce que les agences, de leur côté n’hésitent pas à recourir à des pratiques illégales. En effet, il a observé que, au moment de l'embauche, aucun contrat n'est établi entre l'agence et l'intérimaire alors que selon le code du travail, toute mission devrait être assortie d'un CDD. Or, dans le cas très particulier de l'intérim du bâtiment, les contrats ne sont signés qu'à la fin, en fonction du temps passé sur la mission, temps qui n'est pas fixé à l'avance car soumis à une double incertitude :
- celle de l'intérimaire qui peut décider de quitter la mission avant la fin
- mais aussi et surtout celle de l'entreprise utilisatrice qui peut décider de s'en séparer à tout moment.
Ainsi, le statut des ouvriers intérimaires extrêmement précaire et incertain.
B- Le statut des intérimaires : une précarité doublée d’incertitude
En effet, cette précarité est liée non seulement au caractère temporaire de l’emploi qui entraîne un retour au chômage à la fin de chaque mission mais aussi et surtout à la vulnérabilité et à l'incertitude du fait que les ouvriers peuvent être renvoyés du jour au lendemain mais doivent tout faire pour que cela n'arrive pas.
En effet, en observant, Jounin constate que les pratiques illégales des entreprises de travail temporaire, révèlent un faux paradoxe puisque d'un côté, elles font en sorte que les missions n'aient pas de dates fixes, afin de pouvoir renvoyer l'intérimaire à tout moment, mais d'un autre côté, beaucoup d'intérimaires travaillent longtemps, parfois des années durant et sans interruption, avec la même ETT(entreprise de travail temporaire), la même entreprise utilisatrice ou le même chef de chantier. Il comprend que les ETT font en sorte de garder un cœur de salariés motivés soigneusement sélectionnés à qui on peut réserver des promotions et des augmentations. Il explique que ce vivier constitue pour les agences une garantie de pouvoir faire face à la demande des entreprises utilisatrices, et représente également un moyen de véhiculer une bonne image de marque. Ainsi, ces ouvriers se croient privilégiés et nourrissent l'espoir d'être un jour titularisés dans l'entreprise alors qu'en réalité ils peuvent être renvoyés du jour au lendemain, comme tous les autres. En conséquence, Jounin constate que la fidélisation n'élimine pas la précarité, et dénonce le paradoxe existant entre sentiment de confiance et d'instabilité.
C- Une vulnérabilité doublée de racisme et de discrimination
Le sociologue fait état du fait que cette main d’œuvre intérimaire du bâtiment est d’autant plus vulnérable qu’elle est composée essentiellement d’hommes d’origine étrangère. C’est donc une population fragilisée souvent sans papier ou avec de faux papiers, et victime de racisme et de discrimination. L’auteur constate en effet que les ouvriers sont classés et que les postes sont affectés en fonction de stéréotypes ethniques et nationaux. Concrètement,
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