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Le dormeur du val, Rimbaud

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Par   •  18 Mars 2013  •  Commentaire de texte  •  2 386 Mots (10 Pages)  •  1 569 Vues

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la nuque baignant dans le frais cresson bleu,

Dort; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,

Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

[...]Nature, berce-le chaudement: il a froid

[...] Les parfums ne font pas frissonner sa narine;

Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine

Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Le dormeur du Val (1870), Arthur Rimbaud

En revoyant Platoon d’Oliver Stone (1986) j’ai pensé à trois choses : 1) The Thin Red Line (1998), de Terence Malick est un grand film ; 2) The Thin Red Line se différencie du film de guerre traditionnel (Platoon en étant l’exemple parfait) en imposant un temps mythique par opposition au temps historique qui domine généralement ce genre cinématographique ; 3) Rimbaud. Quelques explications s’imposent.

I- Définition du temps mythique et définition du temps historique

Dans son livre, Le sacré et le profane, Mircea Eliade définit le temps mythique comme un lieu dominé par un espace sacré. L’espace sacré adopte une structure « réversible » et « circulaire »[i]La réversibilité provient de la répétition des rites qui « réactualisent les événements du temps mythique » et qui permet à ce temps d’être circulaire puisque l’on revient toujours à l’origine de l’événement sacré. L’espace sacré est représenté par la nature qui acquiert une valeur religieuse grâce à ses éléments. Le ciel, les eaux et la terre occupent une place privilégiée parmi ceux-ci. Le ciel, pour Eliade, est le lieu des dieux, de l’éternité, de l’âme et de la transcendance. Il est impossible de le dissocier de l’expérience religieuse. Eliade pense que « le symbolisme des eaux implique aussi bien la mort que la renaissance » et il associe le contact avec l’eau à l’idée de «régénération». Finalement, il évoque la terre en utilisant le terme « terra mater » c’est-à-dire la terre-mère qui engendrerait les humains. Le comportement rituel et la présence d’une nature divine permettent de développer une pensée spirituelle à l’intérieur du temps mythique.

Le temps historique, quant à lui, adopte une forme linéaire (en opposition à la structure circulaire du temps mythique). Il s’inscrit dans une chronologie exacte et fixe (chaque fait correspond à une date, une époque, un lieu, des individus). Le temps historique, est par définition, irréversible puisque l’Histoire est conçue comme le récit successif de faits qui ne se répètent pas. L’espace profane est celui qui domine le temps historique. Ce dernier est le lieu de la désacralisation de la nature et de l’envie de l’homme de la dominer. En parlant de l’homme moderne, Eliade tient les propos suivants:

[...] il se reconnaît uniquement sujet et agent de l’Histoire, et il refuse tout appel à la transcendance. [...] L’homme se fait lui-même [...] Le sacré est l’obstacle par excellence devant la liberté. [...] Il ne sera vraiment libre qu’au moment où il aura tué le dernier dieu.

La pensée spirituelle du temps mythique n’est plus possible dans le temps historique car la désacralisation de l’espace, par l’homme moderne, mène à la réflexion idéologique (dans le sens marxiste du terme) reflétant l’ensemble des idées ou des doctrines propres à une époque ou à une société. Cette pensée idéologique est la conséquence logique d’un individu qui croit « qu’il se fait lui-même ». Il place les idées au premier plan car elles proviennent de son esprit.

Je sais, je n’ai toujours pas parlé de cinéma mais j’y arrive…

II-Le modèle typique de la représentation du temps historique dans le film de guerre : Platoon (1986) d’Oliver Stone

Platoon, d’Oliver Stone, représente un temps historique tout d’abord par l’importance accordée au temps linéaire. Dès le début du film, on inscrit une date et un lieu de manière extrêmement précise: « September 1967, Bravo Compagny, 25th Infantry somewhere near the Cambodian border ». Par la suite, on répète ce procédé en indiquant clairement l’arrivée du nouvel an ainsi que le lieu d’une embuscade. Plus frappant encore, les soldats procèdent au décompte des jours qu’ils leurs restent à faire au Vietnam. L’un rentrera au pays en mars, l’autre en avril, pour certain il faut tenir encore 92 jours. Ce décompte, presque obsessionnel (répété à de nombreuses reprises pendant le film) témoigne d’un désir de s’inscrire dans un temps précis, chronologique qui comporte un début et une fin. La réversibilité et le mouvement circulaire du temps mythique n’existe pas dans ce temps historique. Les personnages poursuivent une ligne droite (symbolisé par l’avancement perpétuel dans la jungle), dépourvue de formes rituelles abolissant ainsi la perspective d’un « éternel retour ». Dans Platoon, on se trouve dans un monde profane. La désacralisation de la nature en est la première cause. En effet, dans le film de Stone, la nature perd son sens religieux. Elle est cruelle et hostile envers l’homme. Le ciel, les eaux et la terre ne possèdent plus une essence mythique. Le ciel devient le lieu de la pluie torrentielle ou le point de départ du déversement de napalm, il n’est plus l’origine de la lumière (toutes les scènes, à l’exception de celle du village vietnamien, sont dominées par l’obscurité). Les eaux sont associés à la malaria tandis que la terre est peuplée d’animaux plus menaçants les uns que les autres (fourmis rouges, serpents, sangsues, etc.) et tous associés à un danger pour l’homme. Les soldats, dans Platoon, détruisent la nature (ils brûlent les villages ancestraux, dévastent le paysage avec le napalm, exterminent les insectes), et par la même occasion effacent toute présence divine. La réflexion, dans Platoon, est d’abord et avant tout, idéologique. Afin d’avoir un discours idéologique, il est nécessaire que le spectateur puisse s’identifier à un ou à plusieurs protagonistes afin d’adhérer à son message. Ce processus, dans Platoon, passe par le personnage de Chris. L’ensemble de la narration est effectué par ce dernier. Le spectateur se situe directement

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