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La plus précieuse des marchandises de Grumberg

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Par   •  24 Mai 2023  •  Commentaire de texte  •  1 038 Mots (5 Pages)  •  292 Vues

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LITTERATURE

HISTOIRE

Journal l’ECHO

La plus précieuse des marchandises

Un conte contemporain sur la Shoah de Jean-Claude Grumberg pour que les nouvelles générations n’oublient pas.

 Par Cléa Chrétien

NUMERO

SPECIAL

Ex fils de déportés, ex tailleur …

  Jean-Claude Grumberg né en 1939 est un auteur contemporain reconnu qui n’avait pourtant pas au départ de vocation. Il quitte l’école à 14 ans pour devenir apprenti tailleur puis fait du théâtre en amateur. Rapidement, il se rend compte qu’il préfère écrire que jouer. Pendant cinquante ans, il écrit des pièces (L’Atelier), des romans (La nuit tous les chats sont gris), des scénarii de film pour le cinéma et la télévision notamment pour François Truffaut dans Le dernier métro. A la fin des années 90, il s’intéresse à la littérature de jeunesse et compose dix pièces dont Le petit Chaperon Uf.

  Fils et petit-fils de déportés, il a teinté nombreuses de ses œuvres du souvenir de la seconde guerre mondiale et de la Shoah. C’est le cas dans le conte La plus précieuse des marchandises écrit en 2019 et couronné de prix. Il livre dans une centaine de pages, aux nouvelles générations, la vérité sur ce génocide mais sans effrayer au détour d’un conte…

Il était une fois mais pas deux

  Il était une fois dans un bois isolé de Pologne pendant la seconde guerre mondiale, un couple de bûcherons pauvres et affamés. Pauvre bucheronne fagote et regarde chaque jour passer le train de « marchandises » priant pour qu’il lui apporte ce dont elle rêve secrètement : un enfant. Or, un jour, dans la neige, elle reçoit, emballé dans un châle de prière aux fils dorés et argentés, un cadeau divin lancé pourtant par un homme du convoi dans un geste désespéré pour sauver l’un de ses deux jumeaux d’une mort certaine. A l’instant où elle pose contre sa poitrine l’enfant des « sans cœur », la femme devient mère et n’aura de cesse de protéger sa fille envers et contre tous avec l’aide de son mari récalcitrant et de l’homme solitaire à la tête cabossée.

Dans deux vies parallèles, la petite marchandise se battra pour vivre et son père, raseur de têtes dans les camps, se battra pour survivre à ses remords, l’espoir au cœur. Après la libération, rongé par son acte, il part à la recherche de son enfant et trouvera par hasard la paix en reconnaissant le châle de prière et sa fille bien vivante à qui il taira son identité dans un premier temps. Il passera le reste de sa vie à s’occuper des enfants en tant que pédiatre et découvrira dans les journaux la réussite de sa fille.

Des voix sous la cendre

  Jean-Claude Grumberg a dit de son œuvre « je n’avais pas la vocation mais une histoire à raconter. » Cette histoire est celle de l’atrocité qui s’abat sur le peuple juif, le désespoir de voir sous ses yeux ses grands-parents et son père se faire déporter. Elle résonne en écho avec celle de Simone Veil dans Une jeunesse au temps de la Shoah. L’autrice y décrit avec réalisme la déshumanisation des camps de concentration « l’avilissement, les coups, les cris » et l’horreur vécue par sa famille. Dans un devoir de mémoire

les deux auteurs décident de dire l’indicible dans des genres

littéraires différents. L’important est de garder vivante la mémoire des disparus et de ceux qui restent et lutter contre l’oubli.

[pic 1]

Et au milieu du conte… L’horreur

Ce témoignage de vérité est également choisi par Louise, l’héroïne de Philippe Grimbert dans Un secret qui révèle au narrateur enfant ses origines juives et l’existence d’Hannah et Simon. C’est la parole libératrice qui redonne vie aux deux personnages disparus et qui permet au jeune garçon de commencer à vivre sa vie.

  Ces trois œuvres sont des histoires de famille où règne la culpabilité d’avoir fait le mauvais choix : jeter son enfant par la lucarne d’un wagon pour lui donner une chance de survivre, laisser un frère en France, taire un enfant et un premier mariage pour se reconstruire. Mais ce sont aussi des histoires d’amour sur fond de fumées terribles.

  Autobiographie, roman ou conte, ces témoignages ont un objectif commun : lutter contre le négationnisme. Simone Veil disait : « Nous n’avons pas parlé parce qu’on n’a pas voulu nous écouter ». Jean-Claude Grumberg avec une ironie grinçante dans son Epilogue dénonce les gens qui prétendent que l’extermination des juifs n’a jamais existé.

La vie n’est pas un conte de fée mais elle compte…

   La plus précieuse des marchandises nous entraîne dans l’univers d’un conte avec ces personnages les bûcherons dans une maison perdue au cœur d’un bois où vivent des créatures merveilleuses, des fées et des lutins. « Nous sommes bien dans un conte » nous dit l’auteur et les héros subissent des épreuves pour parvenir à la reconnaissance. L’intérêt du conte est qu’il permet de mettre à distance des choses absolument affreuses qu’il évoque tout de même. Il mêle la fiction à la réalité pour dénoncer la Shoah comme histoire inventée. Mais ce qui n’est pas vrai dans un conte peut l’être dans la vie et l’épilogue nous le dit bien. Les deux dernières pages l’Appendice pour amateurs d’histoires vraies nous laissent sans voix. Le rire se mêle aux larmes et ce sentiment d’injustice et de honte nous envahit. Et pourtant la morale garde espoir en l’humain.

C’est l’amour qui tiendra la barbarie des hommes à distance et la vie est une marchandise précieuse !

« La seule chose vraie, vraiment vraie, ou qui mérite de l’être dans cette histoire (…) c’est qu’une petite fille, qui n’existait pas, fut jetée de la lucarne d’un train de marchandises, par amour et par désespoir, fut jetée d’un train, enveloppée d’un châle de prière qui n’existait pas (…) dans la neige aux pieds d’une pauvre bucheronne sans enfant à chérir et que cette pauvre bucheronne, qui n’existait pas, l’a ramassée, nourrie, chérie et aimée plus que tout. Plus que sa vie même. Voilà. Voilà la seule chose qui mérite d’exister dans les histoires comme dans la vie vraie. L’amour offert aux enfants (…). L’amour qui fait que, malgré tout ce qui existe, et tout ce qui n’existe pas (…) la vie continue. «     

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