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Commentaire littéraire chanson douce Leila Slimani

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Par   •  23 Mai 2024  •  Commentaire d'oeuvre  •  2 343 Mots (10 Pages)  •  123 Vues

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Critique littéraire - Chanson douce, Leila SLIMANI

       Chanson douce est le deuxième roman de Leïla Slimani, paru le 18 août 2016 aux éditions Gallimard. Leïla Slimani est une écrivaine et journaliste franco-marocaine, fille d’un père banquier et haut fonctionnaire et d’une mère médecin ORL. Ayant grandi à Rabat, elle fait une classe préparatoire au lycée Fénelon à Paris, avant de sortir diplômée de l’Institut d’études politiques. Après un passage par l’ESCP Europe, elle travaille de 2008 à 2012 à la rédaction du magazine Jeune Afrique. En 2014, elle publie son premier roman, Dans le jardin de l’ogre, puis Chanson douce, en 2016 . 

Le roman de Leïla Slimani a été si bien reçu par le public et la critique qu'il a remporté le Prix Goncourt en 2016, ce qui a contribué à sa renommée et à son succès.

L'histoire captivante et la manière dont l'auteure aborde des thèmes délicats ont suscité un intérêt considérable.

Nous sommes ainsi confrontés à l’histoire de Myriam, mère de deux jeunes enfants, qui décide, malgré les réticences de son mari, de reprendre son activité au sein d'un cabinet d'avocats. Le couple se met à la recherche d'une nounou. Après un casting sévère, ils engagent Louise, qui conquiert très vite l'affection des enfants et occupe progressivement une place centrale dans le foyer. Peu à peu le piège de la dépendance mutuelle va se refermer, jusqu'au drame.

Ce roman est, bien sûr, très personnel pour l’auteure. « J'ai grandi au Maroc, où des nounous vivaient avec nous. Petite déjà, j'étais fascinée par la relation et [leur] position sociale avec la famille, qui à la fois nous élevaient comme leurs enfants, que l'on pouvait appeler maman mais qui n'étaient pas nos mamans et qui restaient des étrangères », expliquait-elle au Point. Leïla Slimani puise également dans ses propres angoisses de mère pour donner naissance à ce roman, s'inspirant aussi de l’affaire Yoselyn Ortega, la « nanny tueuse », comme elle fut surnommée par la presse, condamnée par le tribunal de New York en 2018 à la prison à perpétuité, pour le meurtre de Léo, 2 ans, et Lucia, 6ans.

     Effectivement inspirée d’un fait divers tragique qui s’est déroulé à New York en 2012, cette œuvre singulière bouscule les codes du polar et commence par le dénouement de l’histoire. Chanson douce s’ouvre sur une scène de crime : un bébé tué, une petite fille gravement blessée et la meurtrière dans le coma après s’être tranchée les veines et enfoncée un couteau dans la gorge. Le récit qui suit relate ce qui a conduit à une telle tragédie. Dans ce roman, Leïla Slimani aborde des thématiques contemporaines. Elle y dépeint le mode de vie actuel, en observant le monde contemporain et les rapports de force de notre société. Soulignons d’ailleurs son écriture froide et distanciée. En effet, l’écrivaine franco-marocaine révèle au fil de son énonciation son talent de chirurgienne littéraire, son style clair, précis et fluide. Dès la première page, elle plonge le lecteur dans une atmosphère oppressante. L’ambiance se fait plus lente, plus pesante et plus accablante au fil des pages. Chanson Douce est loin d’être une simple fiction destinée à divertir. L’auteure nous force à réfléchir sur l’inégalité sociale, sur l’isolement ainsi que sur la fragilité de l’esprit humain. Elle met en lumière les failles de notre société, la manière dont elle traite ceux qui ont le plus besoin d’aide. La fin du livre, aussi déchirante soit-elle, est un révélateur des injustices qui se terrent dans les tréfonds de notre existence quotidienne, interfaces entre les classes sociales, les cultures et les générations.

    En ouvrant ce livre sur l’acte final de cette tragédie, Leïla Slimani pose d’entrée de jeu les conditions de lecture du récit qui va suivre. Chaque micro-événement en apparence insignifiant devient vecteur d’inquiétude… La cruauté étrange des contes que Louise récite aux enfants, la ferveur un peu trop intense qu’elle met à une simple partie de cache-cache, son exaspération soudaine quand Mila tente de la tirer par la main pour aller nager, tous ces épisodes qui pourraient être banals nous apparaissent à l’aune des premières pages et sont lus comme les signes annonciateurs du drame.

En effet, l’histoire commence par un incipit coup de poing et un phrasé taillé au scalpel. L'auteure ne nous accorde pas le droit de respirer lors de ces premières phrases et nous décrit sur un ton aussi glacial qu’un iceberg la scène d’après-crime :

“Le bébé est mort. Il a suffi de quelques secondes. Le médecin a assuré qu’il n’avait pas souffert. On l’a couché dans une housse grise et on a fait glisser la fermeture éclair sur le corps désarticulé qui flottait au milieu des jouets. La petite, elle, était encore vivante quand les secours sont arrivés. Elle s’est battue comme un fauve. On a retrouvé des traces de lutte, des morceaux de peau sous ses ongles mous.”

Tout l’art de l’auteure consiste alors à faire monter progressivement la tension, le mystère qui entoure l’acte originel et final, tout en conservant à la future meurtrière une sorte d’imperméabilité, d’ambiguïté qui nous empêche de saisir réellement ses motivations. Là où les causalités psychologiques et sociologiques de Paul et Myriam sont très vite esquissées, permettant au lecteur de s’en faire une image relativement claire, Louise est beaucoup plus trouble, son intériorité rarement développée, ou de manière plus diffuse, confèrent à ses actes une inquiétante étrangeté. L’imaginaire qui l’accompagne flirte même parfois avec le fantastique, lorsqu’elle raconte des histoires aux enfants par exemple : « Mais dans quel lac noir, dans quelle forêt profonde est-elle allée pêcher ces contes cruels où les gentils meurent à la fin, non sans avoir sauvé le monde ? » Ce mystère s’amenuisera au fur et à mesure du roman, et si aucune explication grossière du crime ne nous sera infligée, le chemin de vie difficile de Louise sera progressivement dévoilé, de même que la misère matérielle, affective et psychique qui la minent.

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