Lucrèce Borgia, Victor Hugo, acte III, scène 3, 1833
Commentaire de texte : Lucrèce Borgia, Victor Hugo, acte III, scène 3, 1833. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Emelyne336 • 10 Mai 2023 • Commentaire de texte • 2 040 Mots (9 Pages) • 1 258 Vues
Lucrèce Borgia, Victor Hugo,
acte III, scène 3, 1833.
Introduction :
Présentation de l’auteur : Victor Hugo est un poète, dramaturge, romancier et homme politique français du XIXème siècle. En tant que chef de file du romantisme, il met en scène une nouvelle forme théâtrale, le drame romantique. Le drame romantique souvent d’inspiration historique ne se plie plus aux règles classiques que ce soit celle des trois unités, celle de la bienséance, ou même celle de la vraisemblance. Comme Victor Hugo le dit lui-même dans la préface de sa pièce Cromwell, le drame romantique passe « d’une naturelle allure de la comédie à la tragédie, du sublime au grotesque » et mélange donc les registres à la différence ou au mépris des préconisations classiques.
Présentation de l’œuvre : En 1833 Victor Hugo publie le drame romantique Lucrèce Borgia, une œuvre qu’il veut morale même si elle peint l’âme monstrueuse d’une femme criminelle et cruelle, Lucrèce Borgia. Comme le dit Victor Hugo dans la préface de sa pièce : « la maternité purifiant la difformité morale, voilà Lucrèce Borgia ». Confrontée à son fils Gennaro, Lucrèce Borgia va se complexifier et se « purifier » sous les yeux des spectateurs.
Présentation de l’extrait : La scène 3 de l’acte III est la dernière scène de la pièce et donc le dénouement tragique de cette dernière. Elle consiste en un dernier affrontement entre Gennaro et celle qu’il ignore être sa mère : juste avant notre extrait, pour suspendre la vengeance de Gennaro, Lucrèce Borgia lui a en effet avoué qu’il était le fils de Jean Borgia mais elle n’a pas encore avoué qu’elle était sa mère.
LECTURE
Problématique : Nous analyserons comment, dans ce dénouement tragique, Lucrèce Borgia tente en vain de persuader Gennaro de lui pardonner et de la gracier. Nous analyserons donc les ressorts de la crise familiale et personnelle dans cet extrait
Annonce du plan : Nous distinguons trois mouvements dans ce texte :
-La première réplique de Gennaro des lignes 1 à 2 qui permet de souligner toute l’ironie tragique dont est victime le jeune homme.
-Le deuxième mouvement se compose des lignes 3 à 21 et notamment d’une longue tirade de Lucrèce Borgia qui cherche à persuader Gennaro pour mieux échapper à son sort tragique et au matricide.
-Le troisième mouvement, quant à lui, se constitue des lignes 22 à 27 et propose un nouveau rebondissement qui conduira inéluctablement Lucrèce Borgia à la mort.
Analyse du mouvement 1 :
La première réplique de notre extrait montre l’ampleur de l’erreur de Gennaro : ayant appris que Jean Borgia est son père, il croit que Lucrèce Borgia est sa tante.
Gennaro est donc victime de ce que l’on appelle une ironie tragique puisqu’il ne maîtrise pas la situation et que le spectateur en revanche comprend plus de choses que le personnage.
L’erreur de Gennaro est soulignée par l’anaphore « Vous êtes » et par les synonymes « ma tante » et sa périphrase « la sœur de mon père » Gennaro répète deux fois son erreur que renforce même le parallélisme de construction dans ces deux phrases déclaratives.
La fin de sa réplique est une question qu’il adresse à Lucrèce Borgia ce qui souligne une fois de plus sa confusion « Qu’avez-vous fait de ma mère, Madame Lucrèce Borgia ? », la juxtaposition des expressions « ma mère » et « Madame Lucrèce Borgia » est un signe clair de l’ironie tragique, Gennaro tentant de mettre à distance par l’emploi du vouvoiement et du nom « Madame » celle qui est sa mère.
Analyse du mouvement 2 : Ce mouvement permet au spectateur de découvrir les différentes stratégies que Lucrèce Borgia va mettre en place pour s’attirer la grâce de son fils.
Dans un premier temps elle manifeste surtout ses doutes et son inquiétude quant à sa potentielle réussite. La répétition de l’impératif « Attends » prouve que Lucrèce Borgia veut gagner du temps pour persuader son fils. Mais la multiplicité des phrases exclamatives tout au long de la tirade et la répétition insistante de l’interjection « Oh ! » aux lignes 4, 13 et 18 soulignent l’urgence de la situation et la difficulté à laquelle est confrontée Lucrèce Borgia. De même l’utilisation du modalisateur de doute « peut-être » à la ligne 4 et l’emploi répété du mode conditionnel « je ne ferais » également à la ligne 4 ainsi que « je voudrais bien » à la ligne 5 prouvent l’ampleur de l’incertitude et de l’inquiétude du personnage. Lucrèce Borgia craint d’avouer son identité à Gennaro et donc d’amplifier la colère de ce dernier : « Et puis, si je te disais tout, je ne ferais peut-être que redoubler ton horreur et ton mépris pour moi ! ». L’utilisation de la tournure interrogative « n’est-ce pas » aux lignes 5 et 6 suivie de deux autres phrases interrogatives montrent la fragilité de Lucrèce Borgia qui s’en remet à la volonté de Gennaro avec la répétition à deux reprises de « veux-tu ».
A partir de la ligne 5 Lucrèce Borgia va recourir au registre pathétique pour tenter d’émouvoir Gennaro et de provoquer sa compassion. Nous relevons tout un champ lexical de la souffrance, du repentir et du pardon dans la tirade : « repentante à tes pieds », « grâce de la vie », « cette malheureuse femme », « regard de miséricorde », « une larme sur toutes les plaies vives de son cœur et de son âme », « Grâce », « pardonner », « repentir », « quelque compassion », « pauvre misérable femme », « peu de pitié », « Un peu de pitié », « Grâce de la vie ». De la ligne 7 à la ligne 16, Lucrèce Borgia parle d’elle à la troisième personne : elle fait un tableau pathétique d’elle-même en une « malheureuse femme », en une « pauvre misérable femme ». Ce tableau qu’elle dresse d’elle-même à la troisième personne est une hypotypose : la description donne à voir comme le souligne l’emploi de l’impératif « voyons » et la multiplicité des détails concrets donnés par l’accumulation des lignes 7 à 8 : « cette malheureuse femme s’est fait raser la tête, elle couche dans la cendre, elle creuse sa fosse de ses mains, elle prie Dieu nuit et jour ». Ce tableau pathétique utilise tous les procédés de l’amplification : nous avons déjà évoqué la multiplicité des phrases exclamatives, nous pouvons y ajouter l’abondance des impératifs de supplique (« voyons », « ne me tue pas », « vivons », « aie quelque compassion »), l’accumulation des propositions subordonnées circonstancielles de but pour mieux convaincre Gennaro de la sincérité de ses objectifs : « elle fait tout cela, cette femme, pour que tu abaisses un jour sur sa tête un regard de miséricorde, pour que tu laisses tomber une larme sur toutes les plaies vives de son cœur et de son âme, pour que tu ne lui dises plus comme tu viens de le faire avec cette voix plus sévère que celle du jugement dernier : vous êtes Lucrèce Borgia », « toi pour me pardonner, moi, pour me repentir ». Ce tableau pathétique utilise également des hyperboles « toutes les plaies » à la ligne 10, « cette voix plus sévère que celle du jugement dernier » à la ligne 12, des répétitions multiples avec « tu ne voudras pas, tu ne voudras pas » à la ligne 18, « grâce de la vie » aux lignes 5 et 16. Ce tableau pathétique permet enfin d’établir un parallélisme entre Gennaro et Lucrèce, lui étant toujours dans une position supérieure de dieu miséricordieux (« tu abaisses un jour sur sa tête un regard de miséricorde ») et elle étant dans la position inférieure de la pécheresse (« elle prie Dieu nuit et jour, non pour elle, qui en aurait besoin cependant, mais pour toi, qui peux t’en passer »).
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