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Les méchants peuvent-ils être heureux ?

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Par   •  11 Octobre 2023  •  Cours  •  2 617 Mots (11 Pages)  •  799 Vues

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Dissertation de philosophie :

Les méchants peuvent -ils être heureux ?

        Il semble à première vue que les méchants ne puissent pas être heureux. Plus précisément, dans l'imaginaire commun, nous pensons, de manière irrationnelle, que les gentils devraient être récompensés pour leurs bonnes actions tandis que les méchants eux devraient être punis pour leurs mauvaises actions. Si nous y réfléchissons bien, un méchant heureux nous paraît insupportable, c'est une vision révoltante et toujours cette notion d'injustice nous revient à l'esprit : les méchants ne méritent pas d'être heureux ! Seulement, cela tient uniquement à la croyance qu'il y aurait une sorte de justice cosmique, qui rendrait à chacun ce dont il mérite en fonction de la manière dont on agit. On retrouve cette idée dans la religion selon laquelle le croyant est récompensé ou puni, c'est le principe du paradis et de l'enfer. Dans l'idée hindouiste, on retrouve le Karma qui se trouve être le revers immédiat de la mauvaise action qui vient d'être accomplie. Celui qui fait le mal se voit rapidement sanctionné pour notre plus grand plaisir, c'est là qu'une forme de justice intervient. Après tout, le méchant fait le choix de faire passer, la plupart du temps sinon tout le temps, ses intérêts avant ceux des autres, cela nous semble naturel qu'il se voit sanctionné d'un revers de fortune bien mérité. Mais cette croyance qu'une justice distributive cosmique existe, qu'elle soit fondée ou non, n'est pas inutile : Cela permettrait d'équilibrer la balance et voudrait dire que la qualité de nos actions morales ne reste pas sans conséquences. Nous avons donc un intérêt à bien agir. Mais un problème se pose : Si je fais le bien de manière intéressée en espérant être récompensé pour cela, est-ce que j'agis pour le bien ? On se demande si la bonne action ne devrait-elle pas être réalisée de manière désintéressée ? Vouloir que le méchant ne soit pas heureux, je voudrais dire que je suis moi-même méchant ? D'abord parce que je me réjouis du malheur des autres, mais aussi parce que j'agis d'une manière profondément égoïste. En fin de compte, je fais le bien pour me faire du bien.

Il est donc nécessaire de se demander si les gentils accomplissent une bonne action dans l'espoir d'être récompensés ? Et peut-on encore affirmer qu'ils agissent uniquement pour le bien ? Ou sont-ils seulement l'égal du méchant ?

Pour répondre à cette question, il est d'abord nécessaire de s'interroger sur le fait que le bonheur s'oppose à la solitude et qu'il n'est pas accessible aux méchants puisqu'ils ont donc besoin de liens sociaux (ce qui s'oppose à leur nature). Puis, il convient d'étudier le principe que l'action désintéressée n'existerait finalement pas, gentils et méchants seraient donc égaux.

        Tout d'abord, les méchants ne peuvent pas être heureux parce qu'en agissant toujours de manière égoïste, il est difficile de s'entourer et d'être aimé des autres. Alors comment pouvons-nous être heureux sans recevoir d'amour, en restant dans des interactions sociales sommaires ou négatives, et parfois même entraînant la solitude ? Effectivement, le méchant fait passer ses intérêts avant ceux des autres, il croit que cela le rendra heureux puisqu'en principe il ne travaille qu'à son propre bonheur. Mais il ne faut pas oublier que nous vivons en société, à l'origine, l'humain n'était pas une créature solitaire, mais bien un être social. Nous avons tous besoin d'interagir les uns avec les autres pour partager nos expériences de vie et tout simplement se sentir exister au sein d'un groupe. Ce groupe peut être proche comme notre famille ou plus largement nos amis, nos collègues, nos connaissances… Il permet de nous créer une identité en tant qu'individu, d'être reconnu et pourquoi pas apprécié des autres. Cependant, le méchant semble oublier que pour vivre en communauté, des règles ont été instaurées. Ces règles sont multiples, cela peut être la politesse ou la galanterie, parfois les codes instaurés en société imposent même d'être hypocrite, ou du moins de mentir. Mais elles ont pour objectif de conserver les liens sociaux et la bonne entente entre les individus. La politesse peut nous "forcer" à aider une personne que de manière spontané, nous n'aurions pas aidé mais en faisant cette action morale cela nous donne le sentiment d'agir pour le bien. En priorisant ses intérêts, la personne immorale fait forcément preuve de méchanceté, ses actions le font avancer vers son objectif, mais quand n'est-il pas de ses congénères ? Sans le groupe, le méchant ne pourra obtenir qu'un bonheur illusoire, c'est-à-dire qu'il pourra avoir le statut social, l'argent ou même la célébrité, mais il n'obtiendra pas l'amour, la reconnaissance, la tranquillité d'esprit… Peut-être qu'il se berce d'illusion sur ce qu'est son vrai bonheur, mais ce qui est certain, c'est que dans la solitude il serait impossible d'être heureux. Le bonheur serait donc fait de concession, avec soi-même et avec les autres. Il faudrait trouver un équilibre entre servir ses intérêts personnels et ceux des autres pour ne pas se retrouver exclu.

Ensuite, nous pouvons aussi nous appuyer sur la thèse de Calliclès dans l'œuvre « Gorgias » de Platon, selon laquelle la vraie justice serait celle de la nature et non pas des lois, que les faibles ont écrites pour rabaisser les forts à leur niveau. Calliclès affirme que pour avoir du mérite il faut de la force, mais que cette force est très mal vue des faibles. Ils ne supportent pas d'être dépassés par les plus forts et pour contrer cela, des lois ont été inventées pour justement les limiter. Toujours selon Calliclès, la justice de la nature serait donc distribuée en proportion fixée selon la force ou la faiblesse de l'individu. Cette justice serait plus juste à ses yeux que la justice conventionnelle qui repose sur de simples lois faites par les plus faibles. La réflexion qu'amène Calliclès nous permet de faire l'analogie avec notre sujet : est-ce que les gentils auraient inventé des principes, des lois pour empêcher en quelque sorte les méchants d'attendre le bonheur ? Calliclès penserait que les forts sont qualifiés de méchants uniquement parce qu'ils ont un moyen plus facile d'accéder au bonheur, mais qu'ils n'utilisent pas la voie légale. Les gentils s'efforcent donc de discréditer, de diaboliser, ceux qui servent leurs propres intérêts pour accéder au bonheur, en dépit des autres. La majorité cherche le bonheur dans la bienfaisance, ce qui servirait les biens communs, les gentils cherchant donc à punir ceux qui ne le font pas. La punition se fait donc par le rejet de l'individu méchant, par conséquent celui-ci se retrouve exclu et totalement isolé de la société. Comme nous l'avons dit précédemment, la solitude est contraire au bonheur et donc les méchants ne pourraient pas être heureux.

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