Lecture Linéaire « Une Charogne », Baudelaire
Cours : Lecture Linéaire « Une Charogne », Baudelaire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Sama Khinouche • 31 Mars 2023 • Cours • 1 326 Mots (6 Pages) • 268 Vues
Lecture Linéaire « Une Charogne », Baudelaire
Baudelaire est un poète symboliste du XIX ème siécle. Il est inspiré du Romantisme et cherche à renouveller les thèmes de la poésie traditionnelle. Le poème « Une Charogne » est extrait du recueil Les Fleurs du mal publié en 1857 , qui est condamné pour outrage à la morale . En effet, le livre fait scandale par la nouvelle esthétique de Baudelaire qui mèle beauté et laideur, bien et mal, créant ainsi des « fleurs du Mal ». Le poème fait partie de la section « Spleen et idéal » qui souligne l’opposition entre deux thèmes poétiques.
Dans ce poème, un couple en promenade trouve sur leur chemin une charogne, qui devient étonnant le sujet du poème de Baudelaire
Problématique : Comment Baudelaire mèle beauté et laideur à travers ce poème , créant l’art poétique des « fleurs du mal », tout en livrant un poème amoureux ironique ?
Nous dégageons trois mouvements dans ce poème :
Mouvement 1 : Une poème amoureux et une rencontre surprenante.
Mouvement 2 : Un tableau artistique de l’horreur.
Mouvement 3 : Un mémento mori et une cruauté amoureuse.
Baudelaire commence son poème par une rencontre surprenante. D’entrée de jeu nous pouvons constater un titre qui interpelle « une Charogne ». En effet il renvoie à un thème anti poétique et nouveau en poésie. | ||||
Mouvement 1 : une rencontre surprenante. | ||||
Vers | Relevé. | Procédé. | Interprétation. | |
v.1 | « Rappelez-vous » | Impératif | Invitation au souvenir. | |
« vous » / « nous » | Pronoms personnels | Présence d’un objet aimé, chéri. | ||
« vîmes » | Passé simple | Nostalgie. | ||
« mon âme » | Apposition | Idée romantique : discussion personnelle, intérieure. | ||
v.2 | « beau matin d’été » | Groupe Nominal | Cadre propice, parfait pour une balade amoureuse. | |
« ce » « si » | Allitération en [s] | Douceur, intimité du cadre. | ||
v.3 | « au détour d’un sentier » | C.C. Lieu. | Idée du détour, idée détournée, inhabituelle. | |
« au détour d’un sentier une charogne infâme » | Césure à l’hémistiche | Le sentier guide le lecteur, tourne le regard. | ||
« une charogne infâme » | Adjectif / Amplification | Vision terrible, difficile à tolérer. | ||
V.4 | « lit semé de cailloux » | Antithèse | Idée d’inconfort, charogne qui gâche la balade. Le lecteur est dans une posture inconfortable. | |
V.5-6 | « Jambes en l’air », « femme lubrique », « brûlante », « suant les poisons » | CL de la Luxure | Charogne = femme aux allures érotiques. | |
« lubrique » / « brûlante » | Adjectifs | Idée de désir pressant dérangeant. | ||
V.7 | « nonchalante » / « cynique » | Adjectifs | Représentation d’une femme sans gêne qui se transforme en prostituée. | |
V.8 | « ventre » | Nom commun | Ouverture du sexe féminin. | |
« plein d’exhalaisons » | Groupe adjectival | Renforce l’idée de puanteur des parties intimes de la femme. | ||
Idée d’une charogne écœurante, repoussante. Où est la transcendance ? | ||||
Str 3 | « Soleil » / « Nature » | Allégorie | Idée de toute-puissance divine. | |
« rayonnait » / « pourriture » | Antithèse : Imparfait / N.C | Toute-puissance éternelle. La création perdure alors que la créature se désagrège, se décompose. | ||
V.10 | « cuire à point » | CL culinaire | La charogne devient un vulgaire morceau de viande. | |
« au centuple » | Hyperbole | Retour au cycle de la vie et à la mort religieuse. | ||
Pour conclure, ces trois premières strophes nous ramènent aux images d’une balade amoureuse surprenante avec la rencontre d’une femme qui est désérotisée et désintégrée. | ||||
Mouvement 2 : Une résurrection artistique. | ||||
Vers | Relevé. | Procédé. | Interprétation. | |
V.13 | « Carcasse superbe » | Oxymore | Transformation à connotation positive du corps. Sens négatif vers l’orgueil de la transformation. | |
V.14 | « Comme une fleur s’épanouir » | Comparaison | Rappel des fleurs du mal. Idée d’extraire la beauté du Mal 🡪 Du cadavre pourrissant la fleur se révèle. Transformation. | |
La fleur qui fane symbolise en effet de façon élégante ce que la charogne montre de façon provocante : la mort physique. Baudelaire montre la vérité nue ; c’est ce qui rend ce poème scandaleux. Le motif floral est largement utilisé dans le poème ; la charogne est bien à ce titre une fleur du mal. Cette quatrième strophe montre que cette image de corruption et de mort est un épanouissement. | ||||
V.15-16 | « La puanteur » | N.C | Retour à la réalité. | |
« La puanteur était si forte, que sur l'herbe | Passé Simple Assonance en [u] | Décalage ironique avec la froideur du texte : appel à des jeux de langage « crûtes » « croute » « cru ». | ||
« vous » | Pronom Personnel | Réinscription de la femme aimée dans le paysage. L’âme devient la femme : la balade devient une balade amoureuse avec une femme aimée. | ||
Str5 | « mouches » / « larves » | Description du cadavre | Donne une dimension hyperréaliste et presque « gore » de la scène | |
« ventre putride » « épais liquide » | Parallélisme | Production d’une vision saisissante du corps en décomposition. | ||
« noirs bataillons » « vivants haillons » | Métaphores militaires | Animation du non-humain 🡪 tableau morbide. | ||
. Cette strophe semble montrer une sorte d’accouchement terrible, confirmant que la charogne est associée à la femme. La mention des « larves » (embryons d’insectes) tend à le confirmer.
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V.21 | « comme une vague » | Comparaison | Eloignement du réel. |
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| « Tout ça » | Pronom indéfini | Englobe les insectes. |
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V.23 | « enflé d’un souffle vague » | Adjectif homophone | Retour de l’éloignement du réel, du mouvement du corps. |
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Fin de la Str 6 🡺 Le cadavre réanimé devient « corps » sous la plume du poète. Il reprend vie. |
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Le thème du mouvement est extrêmement présent dans ces strophes. Les verbes qui y sont associés sont nombreux : « sortaient » (v.18), « coulaient » (v.19), « descendait » (v.21), « montait » (v.21), « s’élançait » (v.22), « vivait » (v.24), « s’effaçait » (v.29). Les comparaisons permettent également de dynamiser la description de la charogne : « comme un épais liquide » (v.19), « comme une vague » (v.21), Comme l’eau courante et le vent / Ou le grain qu’un vanneur d’une mouvement rythmique / Agite et tourne dans son van » (v.27-28).
Cela créé une image paradoxale : en effet, le cadavre est vivant sous la plume du poète, il est fantastiquement animé d’une vie intense, voire superlative. |
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Le mouvement d’abstraction poétique et même de transfiguration du cadavre est amplifié dans les deux quatrains suivants : |
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V.25 V.27 | « une étrange musique » « un mouvement rythmique » | Comparaison musicale | Transformation artistique de l’horreur. « Et ce monde » = les insectes. Baudelaire efface l’horreur et se tourne vers le sublime |
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V.30 V.31 | « une ébauche lente » « sur la toile oubliée » | Comparaison picturale |
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Str9 | « Derrière les rochers » | C.C. Lieu | Retour à la description réaliste et à la réalité de la scène. Le choix du féminin pour l’animal n’est sans doute pas anodin. Au-delà de l’aspect purement rythmique du vers, la chienne peut aussi évoquer la prostituée, et participer ainsi d’un tableau dégradant et grinçant de la femme. |
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« Une chienne inquiète » | GN |
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La cadavre et la scène sont totalement transfigurés pour Baudelaire. Il nous fait quitter la réalité pour nous transformer l’horreur en moment transcendé. |
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