Epilogue de Jean Luc Lagarce : la mort de Manon
Cours : Epilogue de Jean Luc Lagarce : la mort de Manon. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar maissae el garaa • 23 Mai 2023 • Cours • 2 303 Mots (10 Pages) • 247 Vues
LECTURE LINÉAIRE 4 : La mort de Manon
INTRODUCTION
Amorce : Le XVIIIe siècle est marqué par un contexte de libération des mœurs, qui annonce les grandes idées des philosophes des Lumières et la Révolution française. La période de la Régence marque notamment une recherche de luxe et de plaisir au sein de la noblesse : c ’est l’âge d’or du libertinage en France, un mouvement culturel très provocateur qui critique le dogmatisme religieux en mettant en son cœur la quête du plaisir, la poursuite des désirs, et la soif de conquête amoureuse. Du latin « libertinus » qui signifie « esclave affranchi », le libertinage révèle ainsi une volonté d’émancipation face aux traditions religieuses et aux mœurs de son temps. C’est le début de la libre pensée, qui s’oppose aux dogmes imposés par la religion.
Présentation de l’auteur : L’Abbé Prévost mène une vie très représentative du déclin des valeurs religieuses en France à cette époque. En effet, tout d’abord destiné à une vie ecclésiastique, il quitte son monastère sans autorisation pour vivre une vie d’écrivain, de voyages et d’exils en Europe.
Présentation de l’œuvre : C’est en 1731 en Hollande que l’abbé Prevost écrit Manon Lescaut, septième et dernier tome des Mémoires et aventures d’un homme de Qualité qui retrace, dans un récit enchâssé, l’histoire d’amour de l’héroïne éponyme et du chevalier Des Grieux. L’amour qui lie les protagonistes est une passion destructrice, qui les conduit plus d’une fois à enfreindre les règles sociales, morales et religieuses de leur temps.
Présentation de l’extrait : La scène de la mort de Manon marque le dénouement du récit de Des Grieux. L’histoire d’amour passionnée des amants dépassent les frontières morales et sociales, mais également géographiques. En effet, Des Grieux n’hésite pas à suivre Manon jusqu’en Louisiane lorsque celle-ci se fait déporter avec un convoi de filles de « mauvaise vie ». La fuite dans le désert marque la promesse d’un ultime voyage qui les réunira enfin, les rendant ainsi vainqueurs de tous les obstacles surmontés jusqu’alors. Mais Manon n’y survivra pas ; elle meurt d’épuisement dans les bras de Des Grieux, qui raconte à Renoncour le récit déchirant de la mort de sa maitresse.
EXTRAIT :
Pardonnez, si j'achève en peu de mots un récit qui me tue. Je vous raconte un malheur qui n'eut jamais d'exemple. Toute ma vie est destinée à le pleurer. Mais, quoique je le porte sans cesse dans ma mémoire, mon âme semble reculer d'horreur, chaque fois que j'entreprends de l'exprimer.
Nous avions passé tranquillement une partie de la nuit. Je croyais ma chère maîtresse endormie et je n'osais pousser le moindre souffle, dans la crainte de troubler son sommeil. Je m'aperçus dès le point du jour, en touchant ses mains, qu'elle les avait froides et tremblantes.
Je les approchai de mon sein, pour les échauffer. Elle sentit ce mouvement, et, faisant un effort pour saisir les miennes, elle me dit, d'une voix faible, qu'elle se croyait à sa dernière heure. Je ne pris d'abord ce discours que pour un langage ordinaire dans l'infortune, et je n'y répondis que par les tendres consolations de l'amour. Mais, ses soupirs fréquents, son silence à mes interrogations, le serrement de ses mains, dans lesquelles elle continuait de tenir les miennes me firent connaître que la fin de ses malheurs approchait.
N'exigez point de moi que je vous décrive mes sentiments, ni que je vous rapporte ses dernières expressions. Je la perdis ; je reçus d'elle des marques d'amour, au moment même qu'elle expirait. C'est tout ce que j'ai la force de vous apprendre de ce fatal et déplorable événement.
Mon âme ne suivit pas la sienne. Le Ciel ne me trouva point, sans doute, assez rigoureusement puni. Il a voulu que j'aie traîné, depuis, une vie languissante et misérable. Je renonce volontairement à la mener jamais plus heureuse.
PROBLÉMATIQUE : Dans quelle mesure le récit de la mort de Manon remplit-il les caractéristiques d’une oraison funèbre ?
ANNONCE DU PLAN
- L’annonce d’un récit douloureux
- Un récit indicible
- Un événement indicible est sur le point d’être raconté. En racontant un événement jugé indicible, DG marque une antithèse dans l’acte même de sa narration car il s’apprête à raconter à Renoncour un événement qui dépasse toute expression
🡪 Traduit la douleur du personnage, qui est tiraillé entre la nécessité de raconter le dénouement de son histoire et la souffrance causé par l’événement tragique : la mort de Manon.
- Présence du champ lexical du récit "raconte" "exprimer" "peu de mots" qui s’oppose au registre pathétique "malheur" "horreur" "pleurer" 🡪 traduit un récit pénible
Souffrance traduite par les hyperboles : "un malheur qui n'eut jamais d'exemple"
🡪 Interprétation 1 : révèle la puissance, l’ampleur de sa souffrance, un excès de souffrance 🡪
récit d’un agonisant
🡪Interprétation 2 : biais humain que de penser que notre malheur est toujours supérieur à celui des autres
🡪 Révèle un changement d’attitude dans sa narration : jusqu’alors DG racontait son histoire avec exaltation, en donnant de nombreux détails.
Face à la sobriété soudaine de DG, le lecteur pose l’hypothèse d’un dénouement tragique.
- « Mais, quoique je le porte sans cesse dans ma mémoire, mon âme semble reculer d'horreur, chaque fois que j'entreprends de l'exprimer »
« Mémoire » s’oppose à « exprimer », révélant la difficulté de DG à raconter la mort de sa maitresse
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